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L'amour permet-il de franchir la distance qui nous sépare d'autrui ?

Publié le 16/03/2004

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amour

Mais généralement, aussitôt nous avons peur de cette différence, nous cherchons même à la gommer. Aussi nous tenons à atténuer les choses en disant tout aussitôt que cet autre est un autre nous-mêmes : un « alter ego «. Lévinas prend le contre-pied d'une telle approche vaguement conciliatrice. Pour lui autrui est un autre, au sens plein. Un autre que moi-même et donc d'emblée différent de moi. Au point d'ailleurs d'affirmer autrui par lui-même (et non par rapport à mon point de vue), d'en faire le centre à partir duquel il est alors possible de me définir : « il est ce que moi je ne suis pas «. Comme si -de mon côté- il manquait de l'être (« je ne suis pas «), et qu'au contraire -de son côté- il était (« il est «) dans la plénitude de l'être. Mais, par un renversement paradoxal, Lévinas, dans la relation qu'il suppose, fait d'autrui quelqu'un qu'on serait tenté de définir comme inférieur : expressément de « faible « et de « pauvre «. Ce qui ne peut que nous interpeller car, dès lors, autrui n'est pas un autre nous-mêmes. Au contraire, nous devons le reconnaître dans sa différence même -et peut-être même pressentir que cette faiblesse et cette pauvreté, c'est justement ce qui fait son prix.

C'est dans et par l'amour que nous pouvons fusionner avec autrui. Comme dans le mythe d'Aristophane, l'amour manifeste l'unité retrouvée des amants. L'amour est une force de cohésion et de rapprochement des individus.

MAIS...

L'amour fusionnelle est une chimère. L'autre conserve sa liberté et son mystère. L'amour ne supprime pas la distance avec l'autre. Bien, au contraire, il instaure un abyme entre les hommes.

amour

« "Il arrive qu'un asservissement total de l'être aimé tue l'amour de l'amant.

Le but est dépassé: l'amant se retrouve seul si l'aimé s'est transformé en automate.

Ainsi l'amant ne désire t ilpas posséder l'aimé comme on possède une chose ; il réclame un type spéciald'appropriation.

Il veut posséder une liberté comme liberté.Mais, d'autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu'estl'engagement libre et volontaire.

Qui se contenterait d'un amour qui se donnerait comme purefidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s'entendre dire : « je vous aime parce que jeme suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime parfidélité à moi même » ? Ainsi l'amant demande le serment et s'irrite du serment.

Il veut êtreaimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre.

Il veut à lafois que la liberté de l'Autre se détermine elle même à devenir amour et cela, non pointseulement au commencement de l'aventure mais à chaque instant et, à la fois, que cetteliberté soit captivée par elle même, qu'elle se retourne sur elle même, comme dans la folie,comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité.

Et cette captivité doit être démission libre etenchaînée à la fois entre nos mains.

Ce n'est pas le déterminisme passionnel que nousdésirons chez autrui, dans l'amour, ni une liberté hors d'atteinte, mais c'est une liberté quijoue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu." SARTRE "Aimer, est-ce vouloir priver l'autre de sa liberté ?" On reproche souvent à l'amour d'êtrepossessif, tout en pensant le plus souvent que cette possessivité est la conséquence dessentiments des amants.

Ainsi dira-t-on d'un amour qui n'est pas jaloux qu'il n'est pas non plussincère.

En effet, la relation amoureuse ne se réduit pas au simple effet d'un sentimentréciproque, mais elle implique aussi une certaine forme d'exclusivité.

Si l'on se demande alors ce que chacun attend de l'autre, onne viendra peut être à dire qu'aimer, c'est exiger de l'aimé qu'il renonce à sa liberté.

Mais c'est aussi exiger qu'il le fasselibrement. Ces contradictions sont l'objet de la réflexion de Sartre.

Il faut bien faire attention à ce que son point de vue n'est pas celui d'unmoraliste, cad qu'il ne veut pas dénoncer les attitudes égoïstes des amants, à la manière d'un LaRoche Foucault ou d'un Pascal, niénoncer des normes de conduite universelles en amour.

Il ne s'agit pas non plus d'une simple description psychologique quirévélerait par induction la nature humaine -rien ne saurait être plus éloigné de la pensée sartrienne qu'un tel projet.

L'examendes relations amoureuses est l'occasion, voire le prétexte de réfléchir au fait que l'homme est liberté, et c'est cette liberté de laconscience qui est le véritable enjeu de l'amour. L'érotisme ne supprime pas la distance avec l'autreEmmanuel Lévinas montre que l'érotisme, loin d'être fusion et abolition des distances des amants, manifeste au contraire leurinévitable séparation.

L'altérité demeure infranchissable, irrémédiable.

Même dans l'amour physique, dans la nudité des corps,«je fais l'expérience d'une distance infranchissable».

La séparation n'est jamais comblée.

L'autre reste autre, plus alter qu'ego.

« Autrui, en tant qu'autrui, n'est pas seulement un alter ego.

Il est ce moi que je ne suis pas : il est le faible alors que moi jesuis le fort, il est le pauvre, il est « la veuve et l'orphelin ».

Il n'y a pas de plus grande hypocrisie que celle qui a inventé lacharité bien ordonnée.

Ou bien il est l'étranger , l'ennemi, le puissant.

L'essentiel c'est qu'il a ces qualités de par son altéritémême.

L'espace intersubjectif est initialement asymétrique.

L'extériorité d'autrui n'est pas simplement l'effet de l'espace quimaintient séparé ce qui, par le concept, est identique, ni une différence quelconque selon le concept qui se manifesterait parune extériorité spatiale.

C'est précisément en tant qu'irréductible à ces deux notions d'extériorité que l'extériorité sociale estoriginale et nous fait sortir des catégories d'unité et de multiplicité qui valent pour les choses, cad valent dans le monde d'unsujet isolé, d'un esprit seul.

L'intersubjectivité n'est pas simplement l'application de la catégorie de la multiplicité au domainede l'esprit.

Elle nous est fournie par l'Eros, où, dans la proximité d'autrui, est intégralement maintenue la distance dont lepathétique est fait, à la fois, de cette proximité et de cette dualité des êtres.

» Lévinas. MODÈLE. Comment peut-on définir autrui ? 1) Autrui est différence et non ressemblance. 2) L'existence d'autrui est sociale et non spatiale. 3) La relation à autrui se fait dans une intersubjectivité marquée par l'Eros. 1) Qu'est ce qu'autrui ? La réponse la plus simple, s'appuyant sur le mot même est qu'autrui est quelqu'un d'autre.Donc quelqu'un de différent.

Mais généralement, aussitôt nous avons peur de cette différence, nous cherchonsmême à la gommer.

Aussi nous tenons à atténuer les choses en disant tout aussitôt que cet autre est un autrenous-mêmes : un « alter ego ». Lévinas prend le contre-pied d'une telle approche vaguement conciliatrice.

Pour lui autrui est un autre, au sens plein.

Un autre que moi-même et donc d'emblée différent de moi.

Au point d'ailleurs d'affirmer autrui par lui-même (et non par rapport à mon point de vue), d'en faire lecentre à partir duquel il est alors possible de me définir : « il est ce que moi je ne suis pas ».

Comme si –de mon côté- il manquait de l'être (« je ne suis pas »), et qu'au contraire –de son côté- il était (« il est ») dans la plénitude de l'être. Mais, par un renversement paradoxal, Lévinas , dans la relation qu'il suppose, fait d'autrui quelqu'un qu'on serait tenté de définir comme inférieur : expressément de « faible » et de « pauvre ».

Ce qui ne peut que nous interpeller car, dès lors, autrui n'est pas un autre nous-mêmes.

Au contraire, nous devons le reconnaître dans sadifférence même –et peut-être même pressentir que cette faiblesse et cette pauvreté, c'est justement ce qui faitson prix.

Ce qui fait que nous devons nous sortir de nous-mêmes et nous porter vers lui.

C'est seulementl'infériorité (relative) d'autrui qui peut mettre en question notre capacité d'altruisme.

Ce que suggère pleinement laformule convenue de « la veuve et de l'orphelin » -qui ne manque pas de nous faire songer à l'obligation morale où se trouve, dans le monde féodal, le chevalier à se porter au secours de ceux que les hasards de la fortunerisquent de livrer à la dureté du monde. Aussi, Lévinas juge-t-il sévèrement l'idée qui préside à la formule qu'il tronque, mais que tout lecteur. »

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