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Le langage est-il le propre de l'homme ?

Publié le 28/05/2004

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langage
Gardons-nous cependant de croire que la linguistique a provoqué, à elle seule, la question de savoir si le langage est le propre de l'homme. Car ce serait là oublier, entre autres, les méditations de Nietzsche sur le langage' et les remarques de Freud sur les rapports entre l'inconscient et le langage. La linguistique et la psychanalyse, en s'interrogeant, chacune avec ses propres armes, sur les rapports de l'homme et du langage, modifient du même coup l'interprétation somme toute restrictive que la pensée classique avait donnée de la formule « le langage est le propre de l'homme «. Nous nous souvenons que selon cette interprétation classique, le langage est considéré comme la propriété ou la possession de l'homme. Ce dernier se sert du langage comme d'un instrument pour exprimer sa pensée. Mais il s'agit ici de l'homme conçu métaphysiquement depuis Descartes comme le su et par excellence, c'est-à-dire comme la source de tout sens. Or c'est cette conception de l'homme, et partant le rapport de celui-ci au langage que les travaux de linguistes ou de psychanalystes remettent aujourd'hui en question. Un psychanalyste tel que Jacques Lacan peut ainsi écrire: « La structure du langage une fois reconnue dans l'inconscient, quelle sorte de sujet pouvons-nous lui concevoir ? « (Écrits, p. 800.

La question posée (Le langage est-il le propre de l'homme?) présente un caractère singulier pour ne pas dire surprenant. En effet, que le langage soit le propre de l'homme, voilà qui paraît évident. Il faut donc s'interroger sur ce qui semble aller de soi. Nous suggérons, après avoir noté ce point, d'analyser à travers l'expression « le propre de « la notion de « propre «. L'étude de cette notion philosophique permet de mieux cerner le sens de la question du sujet. De nombreux philosophes ont affirmé que le langage constituait une ligne de partage très nette entre l'homme et l'animal. Nous estimons qu'il serait judicieux de prendre un exemple et de l'analyser. Nous pensons surtout à Descartes. En s'appuyant sur certaines de ses remarques, l'on comprendra en quel sens et à quelles conditions le langage se présente pour lui comme le propre de l'homme. L'analyse cartésienne n'est peut-être pas exempte de présupposés. Il serait bon de les relever. C'est à ce moment que l'on se demandera si la linguistique ne pourrait pas nous aider à préciser davantage le sens de la question. Nous proposons de dresser, à propos du sujet, un bilan de ce que la linguistique nous a apporté. Mais nous découvrirons pour finir que la véritable réponse à la question posée se situe non pas sur le terrain de la linguistique, ni même peut-être sur celui d'une philosophie du langage, mais sur celui de la poésie et aussi sur celui d'une pensée plus attentive au langage que ne le fut, de Platon jusqu'à Husserl, la philosophie proprement dite.


langage

« exempte de présupposés.

Il serait bon de les relever.

C'est à ce moment que l'on se demandera si la linguistique nepourrait pas nous aider à préciser davantage le sens de la question.

Nous proposons de dresser.

à propos du sujet,un bilan de ce que la linguistique nous apporte.

Mais nous découvrirons pour finir que la véritable réponse à laquestion posée se situe non pas sur le terrain de la linguistique, ni même peut-être sur celui d'une philosophie dulangage, mais sur celui de la poésie et aussi sur celui d'une pensée plus attentive au langage que ne le fut, dePlaton jusqu'à Husserl, la philosophie proprement dite. Développement. Le langage est-il le propre de l'homme ? La question, dans son côté abrupt, a de quoi surprendre.

La surprise naîten l'occurrence de la brusque remise en question d'une évidence.

Car il va de soi, pense-t-on, que le langage est lepropre de l'homme.

N'est-il pas justement, avec la pensée, ce qui d'ordinaire permet de distinguer l'espèce humainedes autres espèces animales ? Examinons donc de plus près la question qui nous est posée.

Et d'abord, que désigneici le mot « propre » ? A première vue, s'interroger sur la signification du mot « propre » semble sinon absurde, dumoins superflu.

On pourrait même ne voir là que la manifestation d'un tic professoral ou d'une marottephilosophique.

L'expression « le propre de » est en effet tellement banale qu'il paraît inutile de s'y attarder.

Donnons toutefois dans ce qu'on prend pour superflu et réfléchissons sur ce qu'on tient d'habitude pour inutile, brefphilosophons.

Si nous nous souvenons que la notion de « propre » a derrière elle un long passé philosophique, et sinous nous remémorons brièvement ce passé, nous sommes alors à même de mieux aborder la question de savoir si lelangage est le propre de l'homme.

Les réponses à cette question vont assurément varier selon le sens que l'ondonne au mot « langage ». Si l'on définit le langage comme un moyen pour l'homme d'exprimer sa pensée, c'est sur le terrain du rapport entrele langage et la pensée que va se poser la question.

Sur ce terrain la pensée semble avoir la priorité sur le langagequi témoigne néanmoins de la supériorité de l'homme sur l'animal.

L'ordre du langage, auquel n'accéderait pasl'animal, refléterait ainsi l'ordre de la pensée.

Cette conception classique du langage se trouve en particulier chezDescartes.

Nous nous attacherons à montrer en quel sens le langage est pour lui le propre de l'homme.

Maiscertains présupposés de l'analyse cartésienne nous amèneront à souhaiter obtenir de plus amples précisions àpropos du concept de « langage ».

Ces précisions, nous les demanderons à la linguistique.

Nous découvrirons alorsqu'au sein de la problématique linguistique il est possible d'apporter diverses réponses à la question du sujet.

Toutefois l'analyse linguistique, à son tour, soulève des difficultés qu'elle ne peut, sous peine de perdre soncaractère scientifique, résoudre de façon pleinement satisfaisante.

C'est ainsi que depuis une quinzaine d'annéesenviron on a parfois pu avancer, en s'appuyant sur certaines données de la linguistique et en inversant les termesdu sujet, que l'homme serait en fait le propre du langage.

Le langage posséderait l'homme beaucoup plus que cedernier ne le possède.

Les questions sont ici d'importance.

Il ne s'agira pas tant pour nous de prétendre, dans lecadre de ce travail, répondre à de telles questions que de parvenir à les situer sur le terrain où elles peuvent sedéployer avec le plus d'ampleur.

Ce terrain se présente sous un double aspect.

D'abord sous l'aspect de la poésieet ensuite sous l'aspect de la pensée, au sens où Heidegger entend ce terme.

Cette pensée, pour la présenter enune phrase, se montre, à propos par exemple de la relation entre l'homme et le langage, plus exigeante et plusvigilante en son dire que ne le fut en son discours, la métaphysique, c'est-à-dire la philosophie.

Celle-ci en effet,de Platon à Husserl, a toujours pensé l'homme, surtout dans les cas où elle s'est efforcée de le caractériser enpropre (notamment par le biais du langage), davantage à partir de son rapport à l'animalité qu'à partir de ce qui faitvraiment de lui un homme.

Se demander si le langage est le propre de l'homme conduit peut-être ainsi à faireapparaître, dans toute sa dimension, la relation fondamentale qui existe entre le langage et l'homme. En français, le sens premier du mot « propre » renvoie à l'idée d'appartenance.

Un nom propre, par exemple, est unnom qui appartient à tel individu et le distingue d'un autre.

Si l'on dit par ailleurs que la situation économique estpropre à susciter des inquiétudes, on entend par là qu'elle est capable de faire naître ces inquiétudes.

Cesdifférentes idées d'appartenance, de trait distinctif et de capacité ou d'aptitude, nous les retrouvons dansl'expression au demeurant fort courante : « le propre de ».

On répète volontiers à la suite de Rabelais que le rire estle propre de l'homme.

' « Pour ce que rire est le propre de l'homme », dit en effet ce dernier dans Gargantua.

L'aptitude à rire est ainsi quelque chose qui appartient en propre à l'homme et le distingue des autres animaux.

Maisen citant cette phrase, on oublie fort souvent qu'elle a une provenance bien précise.

Rabelais, assurément,n'ignorait rien d'une telle provenance.

Voyons les choses d'un peu plus près. L'exemple du rire comme propre de l'homme se trouve dans L'Introduction au traité des catégories d'Aristote, ou plussimplement : Isagoge (introduction), du néo-platonicien Porphyre.

Il n'est pas exagéré de dire que l'Isagoge,surtout dans la traduction latine que fit Boèce (480524) de ce court texte grec, eut une très grande influence auMoyen Age.

Porphyre, dans cet écrit, commente ou résume certains passages de l'oeuvre d'Aristote, et enparticulier le texte intitulé Les Topiques.

Dans ce livre, Aristote déclare que la notion de « propre » possèdeplusieurs sens.

Sous le terme de « propre », il entend, d'une façon générale, ce qui « tout en n'exprimant pas laquiddité de la chose', appartient pourtant à cette chose seule et peut se réciproquer avec elle » (Topiques, 1, 5,102a 18, p.11).

Cette définition ne fait qu'annoncer l'étude du propre à laquelle Aristote consacre le livre V de cetexte.

Il n'est pas question pour nous d'entrer ici dans le détail des analyses.

Nous nous bornerons simplement àrappeler qu'Aristote distingue quatre sortes de propres (cf Topiques, V, 1 p.

167).

En commentant le texted'Aristote, Porphyre donne à son tour quatre sens à la notion de « propre ».

Plutôt que de risquer de paraphraser untexte qui ne présente par ailleurs guère de difficultés, écoutons ce que nous dit Porphyre dans L'Isagoge.

« Lepropre se divise en quatre sens ».

C'est d'abord ce qui appartient à une seule espèce, même sans appartenir àtoute l'espèce : pour l'homme par exemple, exercer la médecine ou faire de la géométrie.

C'est ensuite ce qui. »

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