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Abbé C de Georges Bataille (fiche de lecture critique)

Publié le 15/10/2018

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Abbé C. (L'). Récit de Georges Bataille (1897-1962), publié à Paris aux Éditions de Minuit en 1950.

 

Après avoir fondé en 1946 la revue Critique, Bataille publie en 1949 la Part maudite. La parution de l'Abbé C. suscite l'indignation : la figure centrale du récit, le prêtre vulnérable dans ses aspirations divines et ses devoirs sacrés, est pourtant un thème littéraire ancien, mais il est poussé ici à son paroxysme. Les Lettres françaises crient au scandale et voient dans l'abbé C. un homme qui a réellement existé, abbé, résistant et délateur : « Les Lettres françaises considèrent qu'il est intolérable qu'une telle maison d'édition puisse à la fois sortir un tel livre et garder son nom. » Bataille se défend : « Il se pourrait

qu'un personnage ait existé qui amait des traits communs avec celui que met en scène le roman. Mais l'auteur n'a jamais entendu parler de rien de semblable. »

 

Première partie. « Récit de l’éditeur ». Le narrateur-éditeur se voit confier un manuscrit (intitulé « Récit de ta mort de Robert ») par son ami Charles, frère de Robert, l'abbé C. Germaine vient d'épouser Charles, sachant qu’elle aura avec lui la vie libertine qu’elle aime. Au cours d’un spectacle de prestidigitation, Chartes gifle, sans raison, le prestidigitateur.

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« rieuse de· Robert.

Un ancien déporté a recueilli les dernières confidences de Robert : arrêté pour ses activités clandestines dans la Résistance, sou­ mis à la torture au cours de la détention préala­ ole à la déportation, au lieu de donner ses amis resistants, Robert a dénoncé son frère Charles et sa mârt:resse Éponine.

À l'instant de sa mort, il a reconnu avoir «joui de trahir ceux [ qu'iij aime ».

.

Dans l'Abbé C., le pointillé, le blanc et l'inachèvement sont les marques extérieures d'un silence qui semble le principe générateur de ce livre énigma­ tique.

En l'absence de développement linéaire, le discours procède toujours pat: détours.: Charles ne parle-t-il pas d'« entourloupette » ? La structure .nar­ rative découle de ce thème de la dissi­ mulation, .du leurre et de l'égarement volontaire du lecteur.

Le « Récit de l'éditeur» avoue sa gêne et sa perplexité face au phénomène Charles qui semble « en même temps se déro­ ber et s'offrir» tandis que Robert ;< jouait à Charles une comédie qui avait pour fin de l'excéder».

La curio­ sité suscitée par Charles et Robert, frè­ res jumeaux, se trouvera-t-elle rassasiée dans le manuscrit que le « Récit de l'éditeur,, a pour fonction de présen­ ter ? L'intention du livre ne sera pas pour autant révélée puisque Charles avoue clairement jot~er la comédie face à Robert («Je gémissais, jouant cette comédie avec outrance ») et que le comportement des deux frères demeure indéchiffrable.

Dans le « Récit de Charles C.

,, et dans l'« Épilogue>>, 8_Ui sont à eux seuls la moitié du livre, on nous annonce d'emblée la décep­ tion que susciteront ces écrits pour .tout lecteur avide d'éclaircissements : ·« Rien ne pouvait d'ailleurs me déce­ voir davantage que le conte sans rime ni raison qui termine ces notes.

,, Reste :la première moitié des « Notes ,, de Robert, sauf qu'ici Robert s'appelle Chianine et disparaît derrière un per­ sonnage dont il·joue le rôle dansun nouveau jeu de cache-cache qui lui permet de parler de lui-même à la troi­ sième personne.

Le tout dernier manuscrit se trouvant au centre de la boîte gigogne qu'est ce texte (et que tout ce qui avait précédé n'avait pour tâche que d'annoncer et de présenter) ne permet pas plus de progresser vers le « cœur des choses ;, : le personnage que l'on s'attendait à trouver sous les traits de Robert s'efface derrière l'être fictif Chianine, né sous la plume de Robert, dont l'imagination est seule responsable.

Ces «Notes» passent rapidement sur le témoignage de Robert et ne font que constituer un voile de plus.

Présenté comme « ina­ chevé »1 l'ensemble constitué par le «Récit», l'« Avant-propos de Charles» et les« Notes» de Robert reste en effet incomplet.

Il oblige à revenir plus loin en arrière, vers l'éditeur, lequel parle du « réel inachèvement de ce livre qui motive ma présente intervention ».

Quelle était sa fonction ? compléter les manuscrits confiés par Charles : «Je devais rédiger la préface et rapporter ce que Charles m'avait appris de la mort de Robert, et qu'il n'avait pas eu la force d'écrire.

» Mais l'édition du manùscrit avait aux yeux de l'éditeur une autre fonction - une fonction thé­ rapeutique destinée à rétablir son équi­ libre qu'il sentait vaciller («Je crus devenir fou, si bien que j'allai voir un médecin»).

À l'origine de tout se trouve non pas l'éditeur mais le psy­ chiatre.

D'un narrateur à l'autre, de l'éditeur à Charles et de Charles à Robert, trois écrivains-narrateurs se relaient et achèvent ce que leur précur­ seur n'a pas su terminer lui-même : le lecteur est pris au cœur de ce labyrin­ the, de cette série de mises en abyme, chaque séquence étant le reflet de celle qui précède ou qui suit.

Si le rapport entre les différents tex­ tes se caractérise par un processus de reproduction ou de reprise, l'écriture. »

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