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Abolir le travail et libérer le temps est-ce la même chose ?

Publié le 11/08/2005

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travail
    II - Le travail dérobe-t-il nécessairement le temps ?   Référence : Nietzsche   « Chercher un travail pour le gain, c'est maintenant un souci commun à presque tous les habitants des pays de civilisation ; le travail leur est un moyen, il a cessé d'être un but en lui-même ; aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix pourvu qu'ils aient gros bénéfice. Mais il est des natures plus rares qui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de peu et qu'un gain abondant ne satisfera pas s'ils ne voient pas le gain des gains dans le travail même. Les artistes et les contemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine, mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, à s'occuper de galants commerces ou à courir les aventures. Ils cherchent tous le travail et la peine dans la mesure où travail et peine peuvent être liés au plaisir, et, s'il le faut, le plus dur travail, la pire peine. Mais, sortis de là, ils sont d'une paresse décidée, même si cette paresse doit entraîner la ruine, le déshonneur, les dangers de mort ou de maladie. Ils craignent moins l'ennui qu'un travail sans plaisir : il faut même qu'ils s'ennuient beaucoup pour que leur travail réussisse. Pour le penseur et l'esprit inventif l'ennui est ce « calme plat » de l'âme, ce désagréable « calme plat » qui précède la croisière heureuse, les vents joyeux ; il faut qu'il supporte ce calme, en attende l'effet à part lui. C'est là précisément ce que les moindres natures ne peuvent pas obtenir d'elles ! Chasser l'ennui à tout prix est vulgaire, comme de travailler sans plaisir. Voilà peut-être ce qui distingue l'Asiatique de l'Européen : il est capable d'un repos plus long et plus profond ; ses narcotiques eux-mêmes n'agissent que lentement et réclament de la patience, au contraire du poison européen, l'alcool, d'une soudaineté répugnante.

Analyse du sujet :

  • Le sujet prend la forme d'une question fermée, à laquelle il s'agira de répondre par « oui « ou « non « en conclusion, au terme d'une argumentation documentée.
  • Il nous interroge sur l'identité dont les deux termes sont : « abolir le travail « et « libérer le temps «. Il s'agit donc de penser les rapports qu'entretiennent entre elles les notions de temps et de travail.
  • Le travail peut être défini comme l'activité consistant à transformer la nature (au sens large) en vue de la satisfaction de besoins. C'est parce que l'homme a un certain nombre de besoin que le travail apparaît nécessaire. Il s'oppose alors au loisir qui ne répond pas à une nécessité. Le travail, en tant qu'activité, occupe du temps, en tant qu'activité nécessaire, accapare du temps. Il y a donc un temps minimal de travail, qui, du fait des besoins de l'homme, apparaît irréductible.
  • Reste en suspend la question de savoir a quel point le temps de travail est réductible : pourrait-on par exemple imaginer des sociétés dans lesquelles la transformation de la nature serait entièrement opérée par des machines ? Sans répondre d'emblée, nous retenons que la technique réduit à première vue le temps de travail humain. Elle constituerait alors un moyen d'abolition du travail.
  • « Libérer le temps « suggère bien que celui-ci est accaparé par le travail : le temps libre est celui pendant le lequel je n'ai pas à travailler, celui pendant lequel je peux me consacrer à autre chose que mes besoins, libéré de la nécessité.

Problématisation :

Que, pour l'individu ou la communauté, réduire le travail libère du temps : c'est un fait. Derrière les termes du sujet gît cependant un présupposé : il ne vise pas le temps au sens large, celui que nous donne l'horloge, mais un temps qui a pour nous de la valeur. De quel temps si précieux s'agit-il ? Ce temps précieux, c'est bien celui ou l'homme n'est pas enchaîné à la nécessité d'oeuvrer pour ses besoins, celui qu'il peut enfin consacrer à sa propre constitution, c'est-à-dire par exemple celui où il décide de se constituer musicien, peintre, cinéphile etc. De là émergent deux questions :

 

travail

« Référence : Nietzsche « Chercher un travail pour le gain, c'est maintenant un souci commun àpresque tous les habitants des pays de civilisation ; le travail leur est unmoyen, il a cessé d'être un but en lui-même ; aussi sont-ils peu difficiles dansleur choix pourvu qu'ils aient gros bénéfice.

Mais il est des natures plus raresqui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui nese contentent pas de peu et qu'un gain abondant ne satisfera pas s'ils nevoient pas le gain des gains dans le travail même.

Les artistes et lescontemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine,mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, às'occuper de galants commerces ou à courir les aventures.

Ils cherchent tousle travail et la peine dans la mesure où travail et peine peuvent être liés auplaisir, et, s'il le faut, le plus dur travail, la pire peine.

Mais, sortis de là, ilssont d'une paresse décidée, même si cette paresse doit entraîner la ruine, ledéshonneur, les dangers de mort ou de maladie.

Ils craignent moins l'ennuiqu'un travail sans plaisir : il faut même qu'ils s'ennuient beaucoup pour queleur travail réussisse.

Pour le penseur et l'esprit inventif l'ennui est ce « calmeplat » de l'âme, ce désagréable « calme plat » qui précède la croisièreheureuse, les vents joyeux ; il faut qu'il supporte ce calme, en attende l'effetà part lui.

C'est là précisément ce que les moindres natures ne peuvent pasobtenir d'elles ! Chasser l'ennui à tout prix est vulgaire, comme de travailler sans plaisir.

Voilà peut-être ce qui distingue l'Asiatique de l'Européen : il est capable d'un repos plus long et plusprofond ; ses narcotiques eux-mêmes n'agissent que lentement et réclament de la patience, au contraire du poisoneuropéen, l'alcool, d'une soudaineté répugnante.

» Nietzsche s'oppose au travail recherché pour le gain et au travail posé comme valeur, c'est-à-dire recherché pourlui-même.

Sous cette dernière forme, se cache en effet une maladie : l'ennui des artistes et contemplatifs qui lechassent en travaillant, le travail fut-il pénible.

C'est l'absence de joie, (joie chère à la philosophie de Nietzsche),qui caractérise ces deux manières d'appréhender le travail.

A celles là, il oppose implicitement un travail dans lequeljoie et labeur coexistent : pensée joyeuse productrice de valeurs et action sont ici réconciliées. Le travail, par conséquent, ne dérobe pas de temps, il est même un lieu privilégié de l'affirmation (le grand « oui »nietzschéen) des valeurs, puisque l'action et la pensée y cohabitent. III – La technique ou l'impossibilité d'une abolition du travail Heidegger écrit dans plusieurs textes au sujet de la technique (cf.

notamment La question de la technique in Essais et conférences ).

Celle-ci est présentée comme l'accomplissement de la métaphysique.

Dans la production technique, l'homme n'est plus le sujet qui produit, mais il est appelé à servir la grande « machinerie » technique.

(cf.à ce sujet le film Metropolis de Fritz Lang, et les romans de Giono).

Un retour en arrière serait pensable si la technique ne tendait pas à devenir un processus totalement autonome, et par conséquent, totalement indépendantde l'homme qui n'en est qu'un rouage. La technique, loin de constituer la possibilité d'une diminution du travail humain, signe au contraire l'impossibilité delui échapper : c'est l'homme qui devient le moyen de la technique.

Cette dernière considération nous permetd'ajouter que, même si le travail ne présentait que des aspects négatifs (nous avons jusqu'ici tenté de montrer lecontraire : accomplissement de soi, etc.), son abolition par la technique serait a fortiori impossible, et, de plus, volerait plus de temps qu'elle n'en libérerait. Conclusion : Le travail nous est apparu constituer la possibilité d'une constitution de soi, au même titre que le loisir, ce qui ôteau temps libre son privilège par rapport au temps que requiert le travail.

Il est de plus cette activité privilégié ausein de laquelle le temps peut être employé à l'édification et à la mise en oeuvre de valeurs nouvelles : par là, bienemployé, il n'est plus labeur ni remède contre l'ennui mais joie et plaisir.

Enfin, avec Heidegger, nous montrons quetenter par la technique de l'abolir produirait l'effet inverse : il deviendrait (penser par exemple à l'économie mondialaujourd'hui) un processus autonome, c'est-à-dire non pas un moyen pour l'homme mais un processus auquel l'hommeserait asservi, sans aucune possibilité de retour.

Abolir le travail apparaît alors comme l'exact contraire d'unelibération du temps.. »

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