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D'abord vivre, ensuite philosopher ?

Publié le 12/03/2004

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Philosopher se dit, au sens large, de tout exercice de pensée, de toute réflexion désintéressée et qui n'a pas essentiellement et comme premier but l'action. Philosopher, c'est méditer, rêver en quelque sorte, en tout cas être hors de l'action. Ne se représente-t-on pas bien souvent le philosophe comme Aristophane nous a présenté Socrate dans sa comédie des "Nuées" ?Mais philosopher, au sens strict, reçoit une acception plus particulière. Philosopher c'est, non pas étudier la Psychologie, la Logique, la Morale, mais réfléchir aux grandes et angoissantes questions que posent la vie, l'action, la pensée ; méditer sur les grands problèmes humains : le vrai, le beau, le bien, la nature de l'homme, sa destinée, l'âme et Dieu.II. - EXAMEN DE LA MAXIMEA. Il semble que si le mot vivre est pris au sens strict, on ne peut qu'admettre la vérité du proverbe.La pensée et l'exercice de cette pensée dépendent de l'existence et de la vie du corps. Nous ne sommes pas de purs esprits, mais des esprits unis à un corps.

« pensée qui n'aurait de pensée que le nom, à des « rêves de visionnaires », comme dit Kant, semblables à ces productions qui sont l'apanage des asiles d'aliénés.

Etvraiment, on ne peut appeler cela : philosopher.

Car, même si lephilosophe est dans les « Nuées », s'il est un rêveur et semble sedésintéresser de l'action pratique et immédiate, ce n'est pas unfou.

Ce Socrate, dont Aristophane nous fait un portrait grotesquedans sa comédie, était, au contraire, l'homme qui était le plus prèsde la vie et de ses réalités.

Il suffit pour s'en rendre compte de lireles dialogues socratiques de Platon.C'est, en effet, au contact de la vie, de ses exigences et de sesdifficultés, que la réflexion prend naissance et que se posent lessujets de méditation et de philosophie.

Car la vie n'est pas un jeu,un luxe, on ne peut prendre à son égard une attitude dedilettante.

Elle nous prend à la gorge et nous pose des problèmesauxquels nous devons réfléchir : « nous sommes embarqués ».

Si lephilosophe se retire dans sa tour d'ivoire pour y méditer, ce n'estqu'après avoir parcouru en tous sens le « grand livre du monde »,dont nous parlent un Montaigne et un Descartes.

Plus on vit, pluson est aux prises avec les difficultés de l'existence, plus lesproblèmes s'imposent nombreux et obsédants à notre méditation,problèmes réels ceux-là et angoissants, car il y va de notre vieelle-même.Enfin, ce ne peut être que la vie qui suggère à la réflexion des éléments de solution des grands problèmes qu'elle pose.

Si philosopher a un but, ce ne peut être qu'unbut concret et pratique.

La Morale, que la réflexion philosophique doit bâtir, est une morale qui rende,non les anges, mais les hommes heureux.

Comme le dit Descartes, dans le « Discours de la Méthode »,c'est l'expérience seule qui dit si les produits de la réflexion et de la pensée sont de pures imaginations,ou sont marqués du sceau de la réalité.

C'est par la confrontation avec la vie que le philosophe connaîtrala valeur de sa pensée et de ses méditations.Il semble donc bien que ce qui prime d'abord, ce qui doit avoir la première place dans nos préoccupations,c'est de vivre.

Philosopher ne peut et ne doit venir qu'après.

L' « homo faber » est antérieur à l' « homosapiens » ; « au commencement, était l'action ». III.

- VIVRE EST-IL POSSIBLE SANS PHILOSOPHER ? La conclusion de ce qui précède donne donc raison à ce que nous disions au début : les proverbesexpriment sous une forme condensée la sagesse populaire.

Mais la sagesse populaire est-elle la vraiesagesse ? Ce qui apparaît évident au simple bon sens, est-il évident en réalité ? Il n'est pas besoin debeaucoup d'expérience pour se rendre compte que le sens commun s'en tient le plus souvent auxapparences, qu'il ne va pas au fond des problèmes et que les jugements qu'il porte sont d'une véritéassez superficielle.

Avant donc de donner raison à la maxime : « d'abord vivre, ensuite philosopher », ilconvient d'examiner plus profondément les termes du problème.De quelle vie s'agit-il dans l'expression « vivre d'abord » ? La vie est, en effet, le partage des végétaux,des animaux et des hommes.

Or la deuxième partie de la maxime « ensuite philosopher » montreévidemment qu'il ne peut s'agir que de la vie humaine, car ni le végétal ni l'animal ne peuvent philosophern'ayant pas en partage la raison.

Mais la vie humaine ne consiste pas seulement dans la satisfaction desbesoins du corps, les exigences de la vie de l'esprit ne sont pas moins impérieuses.

« L'homme ne vit passeulement de pain, mais de toute parole qui tombe de la bouche de Dieu ».

Vivre pour la pensée, c'estréfléchir, méditer, c'est philosopher, et un homme qui prétend mener une vie d'homme ne peut pas plus sepasser de philosopher, c'est-à-dire d'exercer son esprit, que de donner des aliments à son corps.

Vivresans philosopher, ce serait donc mener une vie semblable à celle d'une plante ou d'un animal.

Or, ditStuart Mill : « J'aime mieux être un Socrate mécontent qu'un pourceau satisfait ».

Si donc l'homme veutmener une vie d'homme, il doit, non pas vivre d'abord et philosopher ensuite, mais unir intimement vie etphilosophie.Pourrait-il, d'ailleurs, même s'il le voulait, même s'il décidait de tenir pour rien sa pensée, mener une viepurement animale, ce qui alors donnerait un sens au « vivre d'abord » ? Non.

La Nature a mis, en effet, àla disposition de l'animal un guide sûr et presque infaillible : l'instinct.

Grâce à lui, l'animal est adapté à lavie : il n'a pas à réfléchir, à chercher.

Il n'en est pas de même pour l'homme.

Sous le strict point de vuede la vie, la Nature l'a défavorisé par rapport à l'animal.

Elle lui a bien donné l'intelligence, mais celle-ci nefournit pas de solutions immédiates aux problèmes qui se posent.

Or, de cette intelligence, l'homme nepeut se passer, même s'il veut vivre d'une vie purement animale.

Il lui faut penser, réfléchir, chercher dessolutions, faire un choix, c'est-à-dire arrêter l'action pour s'élever au-dessus d'elle.

S'il s'enferme dansl'action, il la compromet et en ne voulant que vivre d'abord sans philosopher, il risque d'être entraîné à lamort.Il ne faut donc pas dire, comme la maxime populaire le voudrait : « primum homo faber, deinde homosapiens », mais homo faber quia sapiens » et « homo sapiens quia faber ».Ne faut-il pas aller plus loin dans l'opposition avec le proverbe que nous étudions ? Vivre d'abord, maisvivre d'une vie humaine, entièrement humaine.

Or, la vie humaine n'est pas une fin en soi, elle n'est qu'un. »

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