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Adieu aux années soixante

Publié le 26/02/2011

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   « Toujours est-il que de 1960 à 1970 le monde a subi des transformations considérables. Mais que, comme il n'est pas venu à bout pour autant de ses contradictions essentielles, il nous apparaît par rapport à ce qu'il était au soir du 31 décembre 1959 à la fois étonnamment différent et étonnamment semblable. Ce contraste entre des changements radicaux et une fixité presque désespérante, ne serait-ce pas, en fin de compte, dans le bilan de la décennie qui s'achève, le trait le plus frappant?    Le changement d'abord. Il y a dix ans, la réalité des rapports internationaux était la guerre froide, c'est-à-dire la rivalité des États-Unis et de l'U.R.S.S. pour la prédominance planétaire... Aujourd'hui Soviétiques et Américains en sont à négocier la réduction de leurs armements stratégiques... Au début de 1960 Union soviétique et Chine étaient alliés, du moins le croyait-on, à la vie à la mort. A plusieurs reprises, en 1969, des incidents sanglants ont opposé leurs troupes sur leur longue frontière commune... Au début de 1960 la France et la Grande-Bretagne se trouvaient encore à la tête de vastes empires coloniaux. Qu'en reste-t-il ? Il n'y avait pas de guerre au Viêt-nam. Une paix de fait régnait sous la garde des casques bleus de l'O.N.U. aux frontières israélo-égyptiennes... L'Église catholique semblait imperméable à l'agitation du siècle. Auréolé du prestige que lui valait le succès du Spoutnik, le communisme paraissait à beaucoup avoir définitivement démontré sa supériorité sur le capitalisme non seulement dans l'ordre de la morale mais dans celui de l'efficacité. Personne ne doutait que les premiers conquérants de la Lune seraient des Russes. Aucun cœur n'avait encore été greffé... Dans tous les domaines l'évolution a été fabuleusement rapide.    La guerre froide est peut-être, est sans doute terminée. Mais la division verticale qu'elle avait introduite entre l'Est et l'Ouest demeure. La décolonisation est pratiquement achevée mais le gouffre qui sépare le monde développé du sous-développé ne s'est. pas réduit, bien au contraire... La décennie qui s'achève avait été placée par les Nations unies sous le signe du développement. Chez les grands vaincus de la dernière guerre, et sans que l'O.N.U. y fût pour rien, celui-ci a été spectaculaire... La plupart des pays des deux blocs, à commencer par notre pays, ont enregistré eux aussi de considérables progrès... A quelques remarquables exceptions près, généralement liées au pétrole comme celle de l'Iran, le développement a été infiniment moins rapide là où précisément il aurait été le plus nécessaire... Plus lamentables encore peut-être sont ces guerres qui opposent des peuples séparés par une fantastique inégalité de niveau de vie, empêchant chacun de comprendre les motivations profondes et les espoirs de l'autre : la guerre du Viêt-nam... dont la conclusion... n'est toujours pas en vue ; le conflit du Proche-Orient que la guerre de six jours, loin de résoudre, ne fait qu'exacerber. «    André FONTAINE, Le Monde des 1er et 2 janvier 1970.    Questions    Vous ferez un commentaire de ce bilan de l'évolution du monde au cours des années soixante, soit en le composant librement soit en répondant aux questions suivantes destinées à guider votre réflexion :    1. Précisez, à partir de ce texte, les principaux changements qui ont marqué, dans l'ordre politique, économique, scientifique et culturel, la décennie 1960-1970.    2. Quelles sont les raisons qui ont pu conduire l'auteur à parler, en dépit de ces changements profonds, d' « une fixité presque désespérante « ?    3. Quels sont les problèmes évoqués dans cet article paru en janvier 1970 qui vous paraissent encore aujourd'hui d'actualité ?   

« xixe siècle, on scrute davantage les traces du progrès menant, par le développement de la liberté, par le progrèsscientifique, par une meilleure organisation sociale, économique ou internationale, à l'abondance, à l'égalité, à lajustice, à la paix.

Toutes les horreurs dont le début du xxe siècle n'a pas été avare, génocide nazi ou bombed'Hiroshima, pour ne citer que celles-là, sont interprétées comme la résurgence accidentelle du « vieil homme » oucomme la malheureuse utilisation d'une science mal contrôlée.

Il n'y a pas d'homme moderne sans espoir, sansconfiance dans l'avenir et dans le progrès. • A.

Fontaine interroge les années soixante.

Là également, les espoirs ne manquent pas après les déceptions et leshystéries partagées de l'après-guerre.

Aux approches de 1960, les thèmes mobilisateurs se multiplient :Khrouchtchev entend « bâtir le communisme », Kennedy invite les Américains à déplacer une « nouvelle frontière »,la Chine est lancée dans un « grand bond en avant », de Gaulle, en France, parle de « renouveau », les peuples duTiers monde, à Bandoeng, semblent prendre en mains leur destin commun. • Mais, dix ans plus tard, A.

Fontaine ne cache pas son désenchantement en considérant la « fixité presquedésespé-rante » du monde.

Les notables changements positifs intervenus entre 1960 et 1970 lui semblent en effetannulés par l'émergence d'autres problèmes autant sinon plus dramatiques encore. I.

Des « changements radicaux » 1.

La fin de la guerre froide Les années soixante chassent le spectre d'une Troisième Guerre mondiale qui hante les esprits depuis 1947. • La crise des fusées, pourtant, en 1962, intervenant après celles de Suez et de Berlin semble avoir ruiné les timidesprogrès du « dégel » qui ont suivi la mort de Staline, l'armistice de Corée, la conférence de Genève sur l'Indochine etpermis les entretiens de Camp David (1959) entre Khrouchtchev et Eisenhower.

Mais la crise a permis aux « Grands» d'apprendre jusqu'où ils ne peuvent pas aller : la peur d'une « destruction mutuelle assurée » devient, dès lors,une sage conseillère. • La détente se développe alors.

L'installation du « télétype rouge », les accords sur les arrêts des expériencesnucléaires, le traité de non-prolifération nucléaire (1968) et l'ouverture des négociations sur la limitation des armesstratégiques (S.A.L.T.) consacrent, étape par étape, le rapprochement entre l'Est et l'Ouest. • Des conflits internes entament le monolithisme des blocs.

Ces fissures remettent en cause la bipolarisation du monde qui avait prévalu durant la guerre froide.

Chine et U.R.S.S.s'accusent mutuellement des pires turpitudes ; le retrait des conseillers et techniciens soviétiques (1960) précède larupture des relations diplomatiques (1967) ; les combats frontaliers comme ceux de l'Oussouri (1969)approfondissent plus encore la rupture du monde socialiste.

De son côté, de Gaulle rompt la cohésion du campatlantique : ses critiques contre le dollar et la politique américaine au Viêt-nam (discours de Phnom Penh)s'assortissent d'un retrait militaire de l'O.T.A.N.

(1966). 2.

L'achèvement de la décolonisation • L'accession de la plupart des pays d'Afrique à l'indépendance marque avec éclat le triomphe du processus de décolonisation amorcé aux lendemains de la Seconde Guerremondiale.

La « Communauté », dernière tentative de la France pour maintenir des liens organiques entre elle et sescolonies africaines, éclate en 1960 ; la « coopération » succède à la colonisation.

Lje, Congo belge (1960) et lescolonies britanniques d'Afrique n'échappent pas à un mouvement désormais inexorable.

L'indépendance algérienne,en 1962, met un terme à huit ans de guerre ; 130 ans de présence, l'implantation d'un million de colons et lequadrillage du pays par une armée de 500 000 hommes n'ont pû empêcher la naissance d'une nation.

L'acharnementdxi petit Portugal à conserver ses possessions d'Angola et du Mozambique n'en apparaît que plus dérisoire, à contre-courant de l'Histoire.

En 1970, il ne reste plus, des immenses possessions françaises et anglaises, que « les confettisde l'Empire ». • L'émergence d'un Tiers monde, d'un monde à part, est ainsi confirmé.

A l'O.N.U.

ces pays ne tardent pas à devenirmajoritaires.

Les conférences des pays non alignés, à Belgrade en 1961, puis au Caire en 1964, s'efforcent demettre sur pied, malgré les difficultés, une organisation et des orientations politiques qui leur soient propres.

Lesannées soixante marquent la fin du règne sans partage de l'homme blanc. 3.

La crise des valeurs établies • Le triomphalisme communiste de Khrouchtchev doit céder la place, depuis 1964, au morne pragmatisme deBrejnev, garant de la stabilité des bénéficiaires de la Nomenklatura.

Que reste-t-il, en 1970, de la confiance quel'U.R.S.S., derrière la ronde jovialité de Khrouchtchev, affichait en 1960 ? Gagarine avait été le premier homme lancédans l'espace, mais c'est Armstrong qui marche sur la Lune.

Khrouchtchev avait promis que l'U.R.S.S.

dépasserait,en 1971, le niveau de vie américain, mais son plan quinquennal doit être interrompu en 1963 ; le limogeage du «bâtisseur du communisme » est la sanction de ses échecs.

La « supériorité morale » prêtée au communisme. »

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