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AFFIRMER LE DETERMINISME EST-CE NIER LA LIBERTE ?

Publié le 11/09/2011

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 Pouvoir de choisir entre des partis contraires, de réaliser des possibles, de créer du nouveau et de faire surgir de l’imprévisible dans le monde, la liberté postule contingence et indétermination. Dans un univers rigoureusement déterminé, où tout ce qui se produit est l’effet de causes antécédentes et où les phénomènes sont liés entre eux par des rapports nécessaires formulables par des lois, la liberté paraît exclue. Il semble donc impossible de penser l’existence d’un acte libre dans un monde soumis au déterminisme. Affirmer le déterminisme c’est donc, apparemment, nier la liberté humaine.  On peut toutefois postuler que l’homme n’est pas dans le monde comme une chose parmi les choses ni même comme un vivant parmi les vivants. Dans la nature il ne serait pas pour autant de la nature ; immanent à l’ordre naturel où règne un déterminisme sans faille, il lui serait aussi transcendant et cette transcendance, par laquelle il échappe aux déterminismes de la nature, ne serait qu’un autre nom de sa liberté.  Mais ce postulat, qui fait de l’homme « un empire dans un empire «, est critiquable. A quel titre, en effet, l’homme échapperait-il aux déterminismes naturels ? Parce que c’est un être doué de conscience et de volonté dira-t-on. Mais cela suffit-il pour le faire déroger aux lois ordinaires de la nature et à l’enchaînement nécessaire des causes et des effets ? Peut-on alors concevoir la liberté humaine sans faire déroger l’homme à l’ordre déterministe de la nature ?

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« ETRE NATUREL COMME LES AUTRES. Remarquons tout d’abord l’intérêt non seulement théorique mais aussi pratique de la réconciliation envisagée.

Si, eneffet, l’affirmation du déterminisme ne peut se concilier avec celle de la liberté humaine, qu’advient-il alors dujugement moral ? Comment juger, soit qu’on le loue, soit qu’on le blâme, celui qui n’a pas pu agir autrement qu’il n’afait ? Le déterminisme semble nier la responsabilité, et sans responsabilité, il n’y a plus de morale qui tienne.Comment, donc, peut-on réconcilier théoriquement ce qu’il apparaît légitime, voire nécessaire, d’un point de vuepratique (moral), d’accorder ?Ne peut-on pas, pour ce faire, conserver l’idée d’un déterminisme universel en l’appliquant à la totalité du réel, endehors de l’homme, et de voir ainsi dans ce dernier « un empire dans un empire », une réalité s’élevant au-dessus detous les déterminismes et transcendant l’univers ? La conciliation pourrait donc être la suivante : s’il existe undéterminisme régnant au sein du réel, néanmoins la réalité humaine demeure, en quelque sorte, en dehors de cecircuit.

La liberté de l’homme s’élèverait ainsi au-dessus de tout ce qui existe.C’est en ce sens que Kant nous propose de faire de toute action humaine une double lecture.

Une lecture« scientifique » et déterministe qui explique l’action comme n’importe quel autre phénomène de la nature, c’est-à-dire comme l’effet nécessaire des causes qui l’ont produite.

L’homme est ici appréhendé dans son être phénoménalque Kant appelle aussi « moi empirique » ; comme tel il est tout aussi déterminé dans ses volontés et dans sesactions que le sont tous les phénomènes de la nature par leurs causes antécédentes.

Mais il est possible de faire dela même action une tout autre lecture : une lecture morale.

Dans cette perspective l’action sera rattachée à unevolonté absolument libre, c’est-à-dire capable de commencer une série causale sans être elle-même la suite etl’effet de causes antérieures.

Il faut alors concevoir l’homme non plus dans son être phénoménal mais dans sa réaliténouménale, pensable à défaut d’être connaissable.

Ainsi est-il possible de juger moralement les actions humaines, detenir leurs auteurs pour responsables et d’exiger d’eux qu’ils se conduisent selon certains principes moraux.

« Tudois, donc tu peux ».

Par où l’on retrouve la solidarité déjà mentionnée entre la morale et le libre arbitre et c’estbien comme postulat moral (« postulat de la raison pratique ») que Kant est amené à poser la liberté humainecomme volonté absolument indéterminée.

Comment une volonté qui ne serait pas indéterminée pourrait-elle êtrecapable de désintéressement ?Dans une tout autre perspective, Sartre nous propose une solution similaire pour concilier l’affirmation de la libertéhumaine avec le principe du déterminisme.

Sans doute, reconnaît Sartre, l’existence humaine s’inscrit-elle dans unmonde, un corps, une société, une histoire qui ne relèvent pas de son pouvoir de choix ni donc de sa liberté.

Qui ajamais choisi son monde, le lieu et l’époque où il est né, son corps, son sexe, sa famille, l’éducation qu’il a reçue, lesrencontres qu’il a faites … ? Mais ces facteurs, qui conditionnent l’existence de chaque homme, ne déterminent enrien le choix de ses actions.

Ils définissent ce que Sartre appelle sa « situation » et s’il est vrai qu’ « il n’y a deliberté qu’en situation », il est tout aussi vrai qu’ « il n’y a de situation que par la liberté ».

Ainsi n’est-ce pas parceque leur situation économique et sociale était en elle-même et par elle-même révoltante que les ouvriers se sontrévoltés au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle ; elle ne leur est apparue telle qu’en raison du projetd’existence qui était le leur, individuellement et collectivement, projet qui ne fait qu’un avec l’existence humainecomme « choix absolu de soi par soi ».

Si l’homme est libre, absolument libre, pense Sartre, cela tient au fait que,contrairement aux choses dont l’essence ou la nature détermine l’existence, « l’existence, en l’homme, précèdel’essence ».

Il n’existe, en d’autres termes, aucune nature ou essence prédéfinie de l’homme ni d’aucun homme qui ledétermine à être ce qu’il est.

Il lui incombe alors de se définir lui-même en se faisant être, par ses choix et par sesactes, ce qu’il est.

L’homme n’est donc finalement rien d’autre que « la somme de ses actes » et il n’est la sommede ses actes que parce qu’il n’est originairement rien.

« L’homme, tel que le conçoit l’existentialisme, s’il n’est pasdéfinissable, c’est qu’il n’est d’abord rien.

Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait … L’homme n’est riend’autre que ce qu’il se fait ».Comme chez Kant, déterminisme et liberté se concilient chez Sartre en faisant déroger l’homme à l’ordre naturel descauses et des effets.Dans cette perspective, ce n’est pas le déterminisme qui est le contraire de la liberté (car l’homme, en tant qu’ilexiste, échappe à tous les déterminismes qui circonscrivent sa situation dans le monde), c’est le fatalisme.

C’est ence sens qu’on peut comprendre cette autre formule de Sartre : « ce n’est pas le déterminisme, c’est le fatalisme quiest l’envers de la liberté » (L’imaginaire).

Le déterminisme naturel est en effet le plus précieux auxiliaire de la liberté(d’action) et non ce qui lui fait obstacle.

« Le déterminisme est à la liberté, disait Alain dans le même sens, ce quel’eau est au nageur ».

Alors que les décisions du destin sont insondables ou seulement accessibles à la divinationcomme le pensaient les Stoïciens, les déterminismes naturels, les relations causales ou les lois de la nature sontrationnellement connaissables.

Ainsi, en connaissant ces lois, il est possible d’agir efficacement sur la nature et detransformer les obstacles qu’elle dresse devant nous en autant de moyens d’action, à l’instar de ce navigateurqu’évoque Alain, avançant contre le vent par la force même du vent.Les solutions précédemment envisagées au problème de la liberté et du déterminisme ne sont toutefois pasentièrement satisfaisantes en ce que elles présupposent cela même qui est, fondamentalement, en question : àsavoir que l’homme est un être qui transcende l’ordre de la nature ou du moins qu’il y a une dimension, en lui, quiéchappe à l’enchaînement nécessaire des causes et des effets ou, si l’on veut, aux lois ordinaires de la nature.

Paroù l’on comprend que la position du libre arbitre est solidaire d’une conception dualiste opposant l’homme et lemonde comme l’âme au corps, l’esprit à la matière, le noumène au phénomène, le « pour soi » à l’ « en soi ».

Maisqu’en serait-il de la liberté humaine dans une perspective récusant un tel dualisme, une perspective où l’homme neserait pas, dans la nature, comme « un empire dans un empire » ? La liberté, dans une telle perspective, est-ellepossible et pensable ? III- LA LIBERTE HUMAINE COMME CONNAISSANCE DU DETERMINISME. »

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