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Agir moralement, est-ce nécessairement lutter contre ses désirs ?

Publié le 20/01/2004

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De l'homme qui cède à tous ses désirs, la philosophie et la littérature ont fréquemment dressé un portrait peu encourageant : il "se vautre" dans le plaisir, ne pense qu'à ses satisfactions personnelles immédiates, ne vit que pour lui. Dans une telle optique, le moins qu'on puisse lui reprocher, semble-t-il, est de ne guère se soucier de ce que peut moralement signifier sa conduite. Doit-on en déduire qu'il existe une contradiction insoluble entre les désirs et l'action morale ? Ne pourrait-on, au contraire, concevoir une morale qui tienne compte des désirs de l'individu et leur accorde une satisfaction au moins partielle ? Mais, dans ce cas, ne risque-t-on pas de retomber sur un écueil majeur : l'opposition entre l'égoïsme du désir et la souci de l'autre qu'implique l'action morale ?

- La question prend appui sur l'opposition fréquente entre désir (individuel) et conduite morale (généralement conçue comme tenant compte des autres). - « Nécessairement « ouvre toutefois la possibilité de concevoir un accord entre les désirs et l'action morale : peut-on citer un exemple historique d'une telle compatibilité ? - Une morale du désir peut-elle tenir compte d'une collectivité élargie ? Semble-t-il possible d'articuler entre eux les désirs individuels pour qu'ils s'harmonisent d'un point de vue moral ?

« n'est-ce pas le sujet désirant qui attribue à l'objet de son désir des qualités positives qu'il peut être leseul à concevoir ? En liaison avec l'intérêt immédiatement personnel, le désir ne peut que s'effacer devant la loiuniverselle.

Son refoulement ne souffre pas sans exception, car ce ne peut être pour ma propre satisfaction quej'agis moralement, même si je retire de ma conduite le sentiment de ma propre dignité. Dans la Critique de la raison pratique, Kant montre que le bonheur individuel, recherché par tout un chacun suivantses propres penchants, ne peut être une finalité morale.

La recherche du bonheur peut fournir des maximespersonnelles d'action, mais non des lois à la volonté, même si l'on prend pour finalité le bonheur de tous.

Ladéfinition générale du bonheur est subjective, donc variable et changeante.

On pourrait au mieux en tirer des règlesgénérales, mais jamais des règles universelles (valables toujours et nécessairement), car la base en est l'expérienceet ce que l'on en ressent.

La recherche du bonheur ne peut donc aboutir à une éthique comportant des règlespratiques communes à tout être raisonnable.A la différence de ces éthiques eudémonistes (eudaimonia : bonheur) qui s'en remettent à la subjectivité de chacunpour apprécier le bonheur, la loi morale doit être valable pour toute volonté raisonnable.

La morale repose sur deslois universelles et nécessaires (valables pour tous et que l'on ale devoir de respecter).

A la question que dois-jefaire ?, la morale répond : le devoir, et uniquement le devoir.

Le souverain bien n'est pas le bonheur, mais la bonnevolonté, c'est-à-dire la bonne intention, désintéressée, l'intention de faire le bien pour le bien, ou encore de faire lebien par devoir.

Elle repose sur un impératif catégorique ("tu dois parce que tu dois") et non hypothétique ("si tuveux obtenir tel résultat, fais ainsi").

Sans condition, il ne repose sur rien de sensible.

L'action n'est pas bonnesuivant ses résultats, mais bonne en soi quand elle est faite par devoir.

"Agis uniquement d'après la maxime qui faitque tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle." Par ailleurs, le devoir commande le respectde la personne, de l'être raisonnable en tant que valeur absolue : l'humanité, que ce soit la sienne ou celle d'autrui,doit toujours être respectée comme une fin absolue, et jamais traitée simplement comme moyen.

Seule cettevolonté morale est autonome dans le sens où elle répond à la loi de raison qu'elle trouve en elle (et qui exige denous plier à l'universalité), et non à des exigences sensibles, naturelles et empiriques, qui nous rendent dépendants,hétéronomes : en ce cas, c'est l'expérience qui commande et non la volonté rationnelle. [III.

Le désir satisfait, au prix du conformisme] L'insistance de Kant sur l'universalité de la loi morale comme seul mobile de l'action est telle, et aboutit à uneconception si rigoureuse, que lui-même a dû reconnaître qu'au sens strict, une conduite purement morale n'avait,peut-être jamais existé...

C'est que sa réflexion cherche à mettre en lumière les fondements de la moralité tellequ'elle existe et se trouve déjà pratiquée, et non à réformer la vie morale en proposant aux hommes des règlesnouvelles.

Là est aussi ce qui le distingue des épicuriens – pour ne rien dire de la différence des contexteshistoriques et sociaux dans lesquels ils travaillent – qui, pour leur part, avaient bien l'intention de modifier les moeursde leurs contemporains.

Aucun projet de ce genre chez Kant : les moeurs lui paraissent globalement suffisantes,même si elles ne permettent pas à l'homme d'être purement moral.En d'autres termes, on doit aussi retenir des analyses kantiennes la différence établie entre la conduite « par devoir» et celle qui n'est que « conforme au devoir ».

La première serait donc trop pure pour être réalisable.

La secondeau contraire est fréquente, et elle permet une sorte de rencontre entre l'apparence de la « bonne conduite » et lasatisfaction de quelques désirs.

L'homme n'est donc pas condamné à balayer ses désirs et à ne jamais chercher àles satisfaire, pourvu que cette satisfaction n'entre pas en contradiction avec la moralité régnante, qui permet auxêtres humains de vivre à peu près en harmonie.Ainsi, selon un exemple célèbre, rien ne nous permet d'affirmer que le commerçant qui rend honnêtement la monnaieà toute sa clientèle agit de la sorte par pur respect de la loi.

Tant que nous ne pourrons pas « sonder son coeur »(et cela est bien impossible), nous pouvons aussi penser qu'il n'agit que par intérêt personnel, pour conserver saréputation d'honnêteté et du même coup sa clientèle : peu importe dans le quotidien ! De même, nous ne pouvonsêtre assurés qu'un mari se dévoue pour son épouse malade par pur respect de la loi : peut-être trouve-t-il làl'occasion de satisfaire son désir d'être bien vu par ses voisins.

ou de s'attacher encore davantage son épouse.

Iln'en reste pas moins que sa conduite semble morale (ne serait-ce que dans la mesure où elle est universalisable).L'homme n'est pas purement rationnel, ses désirs sont présents pour le lui rappeler.

Et la rigueur de la morale doit enquelque sorte, être accommodée avec les désirs, leur donner périodiquement l'occasion de trouver quelques objetssatisfaisants, au prix d'une ambiguïté de la conduite apparente, dont il devient impossible de qualifier à coup sûr lavaleur morale. [Conclusion] Puisqu'on peut ainsi constater que même la conception la plus exigeante de l'action morale laisse place à l'éventuellesatisfaction de certains désirs, pourvu qu'elle ne vienne pas mettre en cause l'apparence sociale de la moralité, onpeut admettre qu'il n'est pas nécessaire, au sens strict, de lutter contre ses désirs pour agir moralement.

Encorefaut-il considérer que, parmi tous les désirs possibles, certains sont incontestablement impossibles à satisfaire enrespectant les apparences de la moralité : dans de tels cas, la censure semble s'imposer.

Il resterait à savoir si elleest toujours possible.. »

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