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Aimer son travail, est-ce toujours travailler ?

Publié le 12/08/2005

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travail
si les navettes tissaient d'elles-mêmes [...] alors ni les chefs d'artisans n'auraient besoin d'ouvriers, ni les maîtres d'esclaves. » (« Politique », I, 4). Mais cette ruine, cette dégradation du corps, qui ne développe plus une habileté ou un talent mais itère & réitère un même geste qui n'a plus de sens pour celui qui l'exécute, est corrélative d'un abrutissement spirituel. Le « pire » réside dans la séparation de la conception et de l'exécution qui fait que le travail n'est plus conçu mais subi, ne développe plus intelligence ou créativité, mais cantonne l'homme à la contemplation d'une action imposée étrangère, absurde. « Travail forcé, il n'est plus la satisfaction d'un besoin, mais un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. » Ainsi on conçoit que « ce qui est humain devienne animal. » Mais, ajoute Marx : « on fuit le travail comme la peste. » « C'est pourquoi l'ouvrier n'a le sentiment d'être soi qu'en dehors du travail ». Le travail étant devenu animal, machinal, torturant, l'homme s'y voyant dépossédé de sa propre activité, ne peut plus se sentir lui-même qu'en dehors du travail.
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« [L'idée de travail contient l'idée de contrainteet d'activité forcée.

Si on aime ce que l'on fait, ce n'est plus un travail.

Le sens commun ne se trompe pas vraiment lorsqu'il perçoit spontanément le travail commeune activité pénible et forcée.

Un travail que j'aime n'est plus véritablement un travail, c'est une activité ludique.] L'étymologie est significativeEn latin, le mot labor signifie à la fois «travail» et «souffrance».

L'adjectif français a hérité de cette équivocité: laborieux signifieaussi bien «relatif au travail» (dans l'expression activité laborieuse, par exemple) que «difficile et pénible» (un effort laborieux ).Le mot peine évoque la souffrance, mais aussi le travail (comme dans l'expression: prendre la peine de...).Comme transformatrice, consciente et médiate, l'activité du travailleur est déterminée par un but à atteindre.

La subordinationconstante de la volonté à ce but crée un état de tension.

L'oeuvre, dit Marx, « exige pendant toute sa durée, outre l'effort desorganes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d'une tension constante de la volonté ».Voilà pourquoi le travail est pénible. Le travail aliénéIl faut distinguer ici « exploitation » et « aliénation ».

Ce ne sont pas des termes équivalents : le mot « exploitation » désigne laréalité économique d'un travail non payé, au moins en partie.

Le mot « aliénation » renvoie à une situation où le travailleur ne se« reconnaît » plus dans son travail.

Il ne s'agit plus seulement de la dimension économique.

La dénonciation se fait en fonctiond'une certaine idée de ce que devrait représenter le travail pour l'homme : permettre la réalisation de l'individu en étant lamanifestation, l'extériorisation de lui-même.

La critique de l'aliénation fait référence à une « essence » de l'humanité, dont letravail est censé accomplir la réalisation.

Cette critique suppose donc un point de vue « philosophique », en quoi elle se distinguede la problématique plus « économique » qui analyse l'exploitation du travail.Cette réflexion sur l'aliénation implique en effet que le travail, non seulement comme rapport à la nature, mais aussi commerapport à autrui, met en jeu la définition et la réalisation de l'humanité.La production capitaliste entraîne d ‘abord l'appauvrissement continu de toute une partie de la population : « L'ouvrier s'appauvrità mesure qu'il produit la richesse, à mesure que sa production gagne en puissance et en volume.

» Mais ce n'est là encore quel'aspect le plus extérieur, et en quelque sorte quantitatif, du phénomène.

En réalité, l'ouvrier se perd lui-même dan le processusde production.

« Plus il crée de marchandises, plus l'ouvrier devient lui-même une marchandise vile.

La dévalorisation deshommes augmente en raison de la valorisation directe des objets.

Le travail ne produit pas seulement des marchandises, il seproduit lui-même et il produit l'ouvrier comme des marchandises dans la mesure même où il produit des marchandises engénéral.

»L'ouvrier se perd comme homme et devient chose dans l'acte économique de production.

Cette aliénation se présente sous undouble aspect, que Marx caractérise brièvement comme suit :« 1.

Le rapport entre l'ouvrier et les produits du travail comme objet étranger et comme objet qui le domine.

Ce rapport est enmême temps son lien avec le monde environnant sensible, avec les objets de la nature, monde sensible hostile à l'ouvrier.2.

Le rapport du travail avec l'acte de production à l'intérieur du travail.

C'est la relation de l'ouvrier avec son activité proprecomme avec une activité étrangère, qui ne lui appartient pas, une activité qui est souffrance, une force qui est impuissance, uneprocréation qui est castration.

» C'est donc à la fois le rapport du travailleur avec le produit de son travail et son rapport avec cetravail lui-même qui portent la marque de l'aliénation.

Le premier a d'ailleurs pour corollaire un rapport aliéné à la nature.Précisons.

L'ouvrier est d'abord aliéné par rapport à son produit.

Celui-ci lui échappe.

Aussitôt qu'il est créé, l'ouvrier en estdépossédé : « L'objet que le travail produit, le produit du travail, vient s'opposer au travail comme s'il s'agissait d'un êtreétranger, comme si le produit était une puissance indépendante du producteur.

» L'ouvrier ne perd pas seulement son produit,mais son produit se présente en face de lui comme une puissance hostile : transformé en capital, il devient l'instrumentd'exploitation de sa force de travail.

Plus le capital s'accroît du fruit de son travail, et plus il se pose face à l'ouvrier en maître,plus l'ouvrier doit en passer par ses conditions, car, une fois que le capital domine le système économique tout entier ou presquetout entier, l'ouvrier ne peut plus vivre qu'en se louant à lui.

Le produit du travail devient ainsi, en face de l'ouvrier, objet, il setient en face de lui comme une chose qui ne lui appartient pas et à laquelle il se trouve opposé comme sujet.Situation contradictoire tant du capital, qui ne peut subsister comme capital qu'en accroissant la misère de l'ouvrier, que del'ouvrier, qui ne peut subsister comme ouvrier qu'en accroissant le capital.

Richesse et misère à la fois.

Et la richesse croît dansla même proportion que la misère : « Certes, le travail produit des merveilles pour les riches, mais pour le travailleur il produit ledépouillement.

Il produit la beauté, mais pour l'ouvrier c'est l'infirmité.

Il remplace l'ouvrier par les machines, mais il rejette unepartie des ouvriers vers un travail barbare et transforme l'autre moitié en machines.

Il produit l'esprit, mais pour l'ouvrier ilproduit l'absurdité, le crétinisme.

»L'ouvrier n'est pas moins aliéné, en un second lieu, dans l'acte même de la production.

C'est même là qu'est la cause de sonaliénation par rapport à son produit.

« Premièrement, dit Marx, le travail est extérieur à l'ouvrier, cad il n'appartient pas à sonêtre ; par conséquent, il ne s'affirme pas dans son travail, bien au contraire, il s'y renie ; loin d'y être heureux, il s'y sentmalheureux ; il n'y développe aucune énergie libre, ni physique, ni morale, mais y mortifie son corps et y ruine son esprit.

Etc'est pourquoi l'ouvrier ne se sent chez lui que lorsqu'il a quitté son travail ; quand il travaille, il ne se sent pas ‘à la maison' ».Un tel travail, l'homme ne peut pas l'accomplir librement ou spontanément, il faut qu'il y soit contraint : « Son travail parconséquent n'est pas volontaire mais forcé ; c'est du travail forcé.

Il n'est donc pas la satisfaction d'un besoin, mais un moyenpour satisfaire des besoins extérieurs à lui-même.

Que le travail soit parfaitement étranger à l'ouvrier nous est clairementdémontré par le fait qu'on fuit devant le travail comme devant la peste, quand il n'existe pas de contrainte physique ou autre.

Letravail extérieur, le travail dans lequel l'homme sort de lui-même, est un sacrifice de soi, une mortification.

»Finalement le travail, extérieur à l'homme, imposé à l'homme, n'est plus même son travail.Ainsi, le travail, activité proprement humaine de l'homme, assurant sa domination sur le monde naturel et sa supériorité sur lemonde animal, échappe ici à l'ouvrier : celui-ci n'accomplit pas son travail, mais un travail qu'il a vendu et aliéné, un travail quine lui appartient plus, parce qu'il a loué pour un temps donné sa force de travail.De cette aliénation d'une activité essentiellement humaine, il résulte que les autres activités de l'homme perdent en l'ouvrier toutleur caractère de « culture » humaine et sont rabaissées à l'animalité.

L'homme privé de son travail se retrouve exclusivementdans l'exercice de ses fonctions inférieures ; mais celles-ci, exercées comme des fins en elles-mêmes, sont proprementinstinctives ou animales : la liberté, qui y cherchait un refuge, disparaît en réalité.. »

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