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Alors que Sainte-Beuve déclare que pour juger équitablement les chefs-d'œuvre il ne faut pas les séparer « de la société dont ils furent les plus belles décorations », et que Renan affirme que « la véritable admiration est historique », Anatole France dit au contraire que « comprendre un chef-d'œuvre, c'est le recréer soi-même à nouveau. Chaque génération d'hommes cherche une émotion nouvelle dans les ouvrages des vieux maîtres ». Dans quelle mesure ces diverses conceptions peuvent-ell

Publié le 03/03/2011

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beuve

   Le texte vous indique les œuvres qui vous fourniront des exemples, les grandes œuvres dramatiques du XVIIe siècle. Dramatique signifie ici : « écrit pour le théâtre « (cf. p. 24). Vous pouvez donc parler d'une comédie, et nous supposerons que vous choisissez trois pièces expliquées dans l'année, Polyeucte, Phèdre et Le Misanthrope.    Le sujet vous propose trois conceptions pouvant aider dans l'étude de ces œuvres, autrement dit trois points de vue possibles de la critique. Chaque jugement présente certains mots-clés.

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« franc et d'une coquette, leur monde les condamnant tous deux, b) Cette société s'exprime aussi dans les qualitésesthétiques qui répondent à son goût : goût du romanesque et de l'héroïsme (Polyeucte), des étudespsychologiques, des portraits (Le Misanthrope), d'un certain lyrisme (Polyeucte), d'un langage à la fois pur, élégantet noble. FEUILLE 3 : Les circonstances historiques permettent d'élargir ces remarques en jugeant les œuvres d'après : 1 lescirconstances politiques : l'ordre politique et social paraissant incontestable, la littérature s'oriente vers l'étude despassions de l'individu ou vers la critique des originaux qui ne s'adaptent pas à l'idéal de leur classe; 2 la religion : lemolinisme (la volonté obtient la grâce : Polyeucte), le jansénisme (la volonté ne peut rien sans la grâce : Phèdre); 3la philosophie : le stoïcisme, la volonté (Polyeucte et Descartes); 4 la culture latine (Polyeucte) ou grecque (propreà Port-Royal : Phèdre); 5 l'histoire de la langue, épurée et codifiée par Malherbe, Vaugelas, encore plus pure chezRacine que chez Corneille; 6 l'histoire des genres dramatiques, amenés à la simplicité et à la perfection par lesthéoriciens. FEUILLE 4 : Exemples de variations dans l'interprétation des œuvres : a) Polyeucte : XVIIIe siècle : pour Voltaire, Sévère est le vrai héros, car il est tolérant, Polyeucte est un fanatique;XXe siècle, pour Péguy (Victor-Marie, comte Hugo), l'œuvre est avant tout le couronnement mystique de la volontécornélienne qui s'élève de l'héroïsme de l'honneur (Le Cid), à celui du patriotisme (Horace), puisa celui du surnaturelet de la grâce. h) Le Misanthrope : XVIIIe siècle : J.-J.

Rousseau (Lettre à d'Alembert) critique Philinte et loue Alceste, le vraihonnête homme.

XIXe siècle : Alceste prend l'air d'un amoureux romantique.

XXe siècle : l'impossibilité de secomprendre pour Alceste et Célimène est rapprochée de l'insatisfaction métaphysique dans l'amour de Mauriac, oude la vue proustienne d'après laquelle on n'aime pas un être réel, mais l'idée qu'on s'en fait. c) Phèdre aussi a été repensée à travers les héroïnes de Mauriac déchirées entre l'appel de la chair et l'horreur dupéché. d) On pourra élargir la question, sans se limiter aux œuvres choisies, en montrant qu'à chaque époque la critiqueinvente des critères propres à son temps pour examiner les œuvres du passé.

Par exemple, le XXe siècle a fondé lacritique des « valeurs », comme disait Thibaudet, en jugeant Montaigne ou Stendhal sur l'art de vivre qu'ilsproposent à un homme moderne, Corneille, sur l'énergie ou le patriotisme.

Il a aussi adopté des critères sociaux etretrouvé dans les œuvres d'autrefois un moment de l'évolution sociologique, politique ou économique (cf.

SUJETSNos 5 et 14).

La nouvelle critique cherche dans les œuvres une « structure », c'est-à-dire une sorte de schémapropre à chaque écrivain selon lequel elles se développent et qu'on peut trouver tantôt dans le retour persistant decertains thèmes ou de certaines habitudes du style, tantôt en analysant, jusque dans l'inconscient, la formefondamentale de l'esprit de l'écrivain. FEUILLE 5 : Pour la beauté grecque de Phèdre, cf.

p.

122.

On pourra aussi trouver dans la pièce une étude del'hérédité, ou de l'inconscient; ou des conflits modernes (père, jeune épouse, beau-fils).

On peut transposer lesacrifice héroïque de Polyeucte dans un domaine actuel (politique, science, etc.) ou retrouver l'admiration dansl'amour moderne, ou un choix de valeurs qui échappe au conformisme social, etc.

Alceste a des rapports avec lescontestataires de notre temps, ou incarne la pureté et la sincérité de la jeunesse dans l'amour, etc. FEUILLE 6 : a) Si on juge sur les critères de Sainte-Beuve ou de Renan, on trouvera, au XVIIe siècle, d'autresœuvres aussi conformes à la société et aux circonstances historiques, chez Quinault, Pradon, Thomas Corneille parexemple, qui ne nous disent plus rien.

Il faut donc admettre que le génie doit dépasser son temps, b) On objectera àAnatole France qu'aimer une œuvre au prix de beaux contresens est peut-être la recréer, mais non pleinement lacomprendre.

c) Concluons que la connaissance du public et des intentions de l'auteur est nécessaire pour saisir lesens originel de l'œuvre, mais que c'est seulement en la revivant dans l'esprit de notre époque que nous lui assuronscette durée qui est la marque du chef-d'œuvre.. »

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