L'Amérique latine
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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souveraineté économique et morale, drame doublé de la guerre civile entre libéraux et conservateurs et de la guerrereligieuse.
Avant 1850, l'Amérique, baptisée latine par Napoléon III, n'a goûté de l'indépendance que ses fruits amers ; et lastabilité, en dehors du Brésil, ne règne que sur des zones jadis marginales dans l'empire ; le désordre absolucaractérise les pays de la mine coloniale et des mondes indiens : Mexique, Pérou, Bolivie.
Après 1850, on assiste soudain à la consolidation rapide de l'ordre nouveau, car la relation avec les métropoleséconomiques se modifie avec la conjoncture internationale.
Le mouvement à la hausse, qu'il soit lié ou non à l'orcalifornien et australien, se poursuivra jusqu'en 1873, stimulé par la rénovation des transports maritimes qui amplifieet unifie l'espace mondial.
Quant à l'or, il rattache fermement le Pacifique, de Valparaiso à San Francisco, àl'économie métropolitaine.
Les conséquences immédiates sont considérables pour tous les pays qui se trouvent surcette route : la Californie consomme le blé chilien ; tous les ports se développent ; Panama devient fascinant.
Parses conséquences indirectes, le changement économique mondial ouvre une nouvelle étape historique pourl'Amérique latine.
Les métropoles offrent un marché à la production traditionnelle du continent (minéraux, produitsagricoles) et aux produits nouveaux (guano, étain, cuivre, etc.) ; elles lui offrent capitaux et techniques ; elles luivendent leurs produits industriels.
Partout commence l'assaut mené contre les terres de l'Église et des communautés indiennes ; cette agressivité estd'autant plus grande qu'elle est le fait de secteurs jusque-là marginaux : aristocratie rurale provinciale, petitscommerçants, métis.
Le commerce international et l'expansion des marchés locaux (croissance démographique eturbaine vont de pair) rendent l'agriculture enfin rentable.
Cela se traduit par l'aggravation de la situation des paysans indiens qui ne sont plus protégés par l'administration etla loi coloniale.
On n'utilise plus le mot "indien" et Bolívar affirme qu'il n'y a que des "Américains".
En fait, les Indiensgardent un statut personnalisé, puisqu'ils paient une contribution personnelle, véritable capitation, héritée du tributcolonial ; ils sont taillables et corvéables à merci par le grand propriétaire, l'État, l'armée.
Les communautés sontdépouillées de leurs terres.
Le XIXe siècle est celui du développement du grand domaine, latifundium hérité de la colonie, mais encore augmentédes terres dont on dépouille l'Indien, après avoir, en un savant amalgame juridique, lié terres d'Église et terres devillage comme "terres de communautés".
Les propriétaires tirent grand profit de la main-d'œuvre rurale, recrutée pardes contrats qui sont souvent durs et trompeurs, enchaînée par les dettes, la terreur, l'habitude, sur les grandsdomaines où peinent les nouveaux serfs.
Le développement économique, dans ces conditions, pèse de manière redoutable sur les ruraux ; le cas limite estcelui des Indiens "sauvages", exterminés au même moment que leurs frères nord-américains : Yaquis du Mexique,Araucans du Chili, Patagons d'Argentine, combien sont-ils de peuples à mourir en même temps que les Cheyennes,que Louis Riel, chef des métis franco-canadiens de la Saskatchewan, que Sitting Bull ?
Les vraies victimes du changement, de la révolution économique sont les ruraux.
Victimes du servage, ils ne sontpas promus à la dignité de salariés : l'État n'a plus la fonction ambivalente de la monarchie paternaliste et donne sonappui inconditionnel au hacendado qui produit pour le marché.
La tradition autoritaire persiste, mais la productiviténouvelle met fin aux relations "féodales", d'homme à homme, qui caractérisaient la hacienda traditionnelle.
Le rythmedu travail s'accélère et en conséquence un thème nouveau apparaît, celui de la paresse des travailleurs ruraux.
Les investissements étrangers et les crédits accordés aux gouvernements affluent qui permettent à l'État de selibérer de ses sources fiscales rurales et douanières tout en se consolidant.
Le fait majeur du siècle se trouve là, lereste ne dépasse pas l'anecdote : l'expansion constante résoudra l'endettement, dit-on, les crises commerciales(1873) doublées de la crise financière ne remettent pas le système en question, car il correspond à une divisioninternationale du travail.
Division reconduite à l'intérieur du cadre national : la commercialisation et le transport interocéanique sont auxmains des étrangers qui pénètrent même dans les secteurs jusque-là réservés aux nationaux : l'élevage, l'agriculturespéculative, les mines, les chemins de fer.
Comme ce phénomène a laissé un héritage négatif au XXe siècle, l'historien est tenté de le condamner, oubliant queles contemporains l'ont apprécié en toute conscience.
Parlera-t-on de la démission des classes dirigeantes etpossédantes ? Cette distribution des rôles profite aux particuliers qui ont décidé de ne pas investir de cette manière: l'Amérique latine produit les matières premières pour les nouveaux centres de l'économie mondiale et consomme lesproduits industriels, les combustibles, les capitaux de l'Europe, puis des États-Unis.
Cela est facilité par le nouveau libre-échangisme, et l'idéologie qui l'accompagne n'est pas une doctrine imposée parle profiteur étranger au national aveugle.
Morcellement, chaos, anarchie, c'est l'histoire du début du XIXe siècle.
Puis, grâce au changement de laconjoncture internationale, il fut possible de financer la construction des États et d'arrêter une dégradationcatastrophique.
A l'intérieur des empires, l'organisation sociale reposait sur un réseau de petits groupes dont leschefs disposaient d'une autonomie de fait.
Le pouvoir local polyvalent qui en résultait servait d'intermédiaire et.
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