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l'amour s'oppose-t-il a la raison ?

Publié le 21/10/2005

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amour
Invoquer, comme le fait Lachelier, l'humeur du philosophe ou ses expériences de jeunesse est tout aussi insuffisant (le fait-on pour l'optimisme de Leibniz ?). Il y a cohérence entre la métaphysique et l'anthropologie. L'amour et la mort prennent une importance nouvelle hors de la référence à la dualité de l'âme et du corps. Tout amour, toute passion amoureuse cachent sous leurs manifestations, des plus vulgaires aux plus sublimes, le même vouloir- vivre, le même « génie de l'espèce ». Cette dénonciation de la sexualité (« le grand secret »), en particulier dans le chapitre férocement misogyne des Parerga « sur les femmes », eut un grand retentissement littéraire, et Freud pourra trouver chez Schopenhauer non seulement la subversion du moi et le primat de la sexualité, mais même l'ébauche d'une théorie du refoulement. En perpétuant l'espèce dans l'individu, la sexualité signifie au moi sa propre mort. Les moralistes ont bien vu que la peur de la mort était aveugle, déraisonnable, mais elle ne peut être comprise et surmontée que rapportée au noyau de notre être, au vouloir- vivre indestructible. Là encore, l'illusion est de chercher un principe d'immortalité dans l'indépendance d'une âme raisonnable. L'amour n'a rien de rationnel, c'est une pulsion que l'individu croit maîtriser mais dont il n'a pas le contrôle.
Quand on oppose deux concepts, différents par essence, il est parfois difficile de trouver un point de coïncidence entre les deux. Il suffit de comparer les champs lexicaux de l’amour et celui de la raison l’amour est ivresse, sentiment, passion, elle vient du cœur. La raison est calcul, ordre, organisation, elle peut être aussi saisie directe de l’être en soi, elle vient de l’intelligence. Plutôt que de chercher des coïncidences, il faudrait plutôt chercher une certaine complémentarité dans la perception qu’à l’homme de ses propres réalités.


amour

« c'est une pulsion que l'individu croit maîtriser mais dont il n'a pas le contrôle.

Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures, prend racine uniquement dansl'instinct sexuel... La passion amoureuse est le thème éternel des romanciers, des poètes, elle joue dans la vie de l'homme un rôleprimordial.

Pourtant les philosophes, à l'exception de Platon dans Le Banquet et Phèdre, semblent, pendantlongtemps, ne s'être guère préoccupés de la question.

S'il est vrai que Kant évoque, dans Doctrine de la vertu, latendance à ce plaisir qui s'appelle amour de la chair ou simplement volupté, c'est pour condamner aussitôt le vicequi en résulte : « l'impudence », et nous rappeler que la chasteté est le devoir de l'homme envers lui-même.

Belaveu de la honte qu'éprouvait sans aucun doute Kant à imaginer le plaisir sexuel et reconnaissance indirecte, avantFreud, que notre civilisation est fondée sur la répression de la sexualité.Rompant avec le silence et loin de toute pudeur, Schopenhauer, lançant un défi à toute la philosophie allemande deson temps et à tous les spécialistes de l'université, consacre tout un chapitre des Compléments au Monde commeVolonté et comme Représentation à l'amour.

On peut y lire (trad.

Marianna Simon, Métaphysique de l'amour, coll.10/18) :« Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures, prend racine uniquement dans l'instinctsexuel, et n'est même qu'un instinct sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé et, rigoureusement parlant,plus individualisé.

»L'amour et le travail sont, sans aucun doute, les deux grands problèmes auxquels l'homme se trouve confronté dansson existence individuelle.

Mais si le travail prend souvent un caractère contraignant, il semble, au premier abord,que l'amour soit le plus puissant et le plus énergique ressort de la vie.

A tel point que ce dernier perturbe le mondeorganisé du travail et de la raison :« But dernier de presque chaque aspiration humaine, il acquiert une influence néfaste sur les affaires les plusimportantes, interrompt à toute heure les occupations les plus sérieuses [...] trame encore journellement les conflitsles plus inextricables et les plus graves, rompt les liens les plus solides [...] donc au total se conduit comme undémon hostile, qui s'efforce de tout mettre à l'envers, de tout embrouiller et renverser.

»Pourquoi toute cette agitation et cette fureur ? Pourquoi une chose si simple occupe-t-elle une telle place dans lavie au point de troubler la sage ordonnance des choses ? Én observateur attentif des choses humaines,Schopenhauer répond qu'il ne s'agit pas d'une bagatelle.

L'amour mérite bien toute cette gravité et cette ardeurdans les efforts qu'on y consacre.

Én effet, son but, par son importance, dépasse radicalement tous les autres butsde la vie, car ce n'est pas de l'intérêt de l'individu qu'il s'agit mais de celui de l'espèce :« La fin dernière de toute intrigue galante, qu'elle soit jouée en brodequins ou en cothurnes, est réellement plusconsidérable que tous les autres buts de la vie humaine et par conséquent digne du sérieux profond avec lequelchacun la poursuit.

Ce qui se décide de la sorte n'est en effet rien de moins que la composition de la générationfuture.

»On sait que, pour Schopenhauer, les tendances, les désirs des hommes ne sont que des manifestations de ceVouloir impersonnel qui anime la nature.

Vouloir qu'on peut voir aussi bien dans la force d'attraction que dans cellequi fait croître et végéter la plante...

Mais l'homme a l'illusion de poursuivre son propre intérêt.

Or, avec la sexualitéet l'amour, les masques tombent.

Autrement dit, le caractère absurde et paradoxal de la vie de l'homme apparaîtouvertement.

L'énergie, le sérieux que les hommes consacrent à la passion amoureuse ne sert, au fond, que lesintérêts de l'espèce.

Certes l'individu, dans sa vie sexuelle et amoureuse, ressent cet intérêt comme personnel, maisce n'est là qu'une ruse de la nature :« La nature ne peut [...] atteindre son but qu'en inculquant à l'individu une certaine illusion, grâce à laquelle ilregardera comme un bien pour lui-même ce qui n'est tel en fait que pour l'espèce; ainsi il se mettra au service decelle-ci tout en s'imaginant servir son intérêt propre.

»Ici donc, comme dans tout instinct, l'amour a pris la forme d'une illusion pour agir sur la volonté humaine.

L'amourn'est qu'un instinct déguisé.

Tel est le sens de cette phrase :« Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures, prend racine uniquement dans l'instinctsexuel, et n'est même qu'un instinct sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé et, rigoureusement parlant,plus individualisé.

»Si éthérée qu'elle soit, si objective et si bien revêtue de sublimes couleurs qu'elle puisse nous paraître, la passionamoureuse n'a en vue que la procréation d'un nouvel être.

Voilà le but véritable, quoique ignoré des intéressés, detout roman d'amour.

Et peu importe la façon et les moyens de l'atteindre.

Sans cette ruse de l'instinct, l'humanitépérirait.

L'individu étant, en général, profondément égoïste, il se soucierait peu de l'intérêt de l'espèce.

C'est doncseulement parce qu'il a l'illusion de poursuivre, dans l'amour, ses petits buts égoïstes, qu'il met son activité auservice de l'espèce :« Une simple chimère, qui s'évanouira aussitôt après, flotte dans son esprit et se substitue comme motif à uneréalité.

»Que la génération future dépende, dans toute sa détermination individuelle, de ce sérieux avec lequel la passionamoureuse est éprouvée, cela n'est-il pas une fin bien plus élevée et plus noble que celle des « sentimentstranscendants » et des « bulles de savon immatérielles » des âmes amoureuses ? Si l'on reconnaît que tel est le butvéritable de l'amour, alors on s'apercevra que l'inclination croissante de deux amoureux est en réalité déjà la volontéde vivre de l'enfant qu'ils peuvent et veulent engendrer.

Leur regard plein de désirs n'est-il pas la promesse d'uneindividualité harmonieuse à venir ? N'est-ce pas d'ailleurs le sens du beau qui d'ordinaire gouverne l'instinct sexuel ?Pourquoi, sinon parce qu'il s'agit de perpétuer le type de l'espèce le plus authentique possible ?« C'est un mirage voluptueux qui leurre l'homme, en lui faisant croire qu'il trouvera dans les bras d'une femme dont la. »

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