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L'amour peut-il s'exprimer au moyen du langage ?

Publié le 08/03/2004

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amour
Au cri succède donc un langage des gestes, puis de la voix, signes sensibles pour exprimer la pensée « Les moyens généraux par lesquels nous pouvons agir sur les sens d'autrui se bornent à deux, savoir le mouvement et la voix. L'action du mouvement est immédiate par le toucher ou médiate par le geste : la première ayant pour terme la longueur du bras, ne peut se transmettre à distance, mais l'autre atteint aussi loin que le rayon visuel. Ainsi restent seulement la vue et l'ouïe pour organes passifs du langage entre des hommes dispersés. » Mais la langue sert aussi à émouvoir le coeur et à enflammer les passions. Alors, c'est tout autre chose. Le langage des gestes, qui est un langage muet et qui jusqu'alors faisait tout, ne vaut plus rien. C'est la voix, avec ses accents, qui l'emporte : « La seule pantomime sans discours vous laissera presque tranquille ; le discours sans geste vous arrachera des pleurs. Les passions ont leurs gestes, mais elles ont aussi leurs accents, et ces accents qui nous font tressaillir, ces accents auxquels on ne peut dérober son organe pénètrent par lui jusqu'au fond du coeur, y portent malgré nous les mouvements qui les arrachent, et nous font sentir ce que nous entendons. » Aussi, pour Rousseau, la véritable origine des langues n'est pas dans les besoins, mais dans les passions, qui poussent les hommes à se rapprocher (alors que les besoins ont tendance à les éloigner les uns des autres) : « Ce n'est ni la faim ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains, on peut s'en nourrir sans parler, on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître ; mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste la nature dicte des accents, des cris, des plaintes : voilà les plus anciens mots inventés.
amour

« Cependant Du contrat social (1761) fait de Rousseau un des plus grands philosophes du XVIII siècle.

C'estdéjà une sorte de dissertation philosophique répondant à la question de savoir « Si le rétablissement dessciences et des arts a contribué à épurer les moeurs » qui l'a rendu célèbre avec le Discours sur les scienceset les arts (1750).

Et c'est à nouveau pour répondre à une question mise au concours par l'Académie de Dijon(« Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle ») queRousseau publie (mais cette fois sans être couronné) son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalitéparmi les hommes (1755).

C'est dans ce texte, qui dénonce l'inégalité sociale comme contraire à la loinaturelle, que Rousseau, réfléchissant sur le « besoin des langues » dans l'état de nature, déclare :« Le premier langage de l'homme, le langage le plus universel, le plus énergique, et le seul dont il eut besoin,avant qu'il fallût persuader des hommes assemblés, est le cri de la nature.

»On sait que Rousseau, de manière toute théorique, fait une description d'un état de nature supposé, quiaurait existé avant l'institution de la société.

Il imagine un temps antérieur où l'homme sauvage est « éparsdans les bois parmi les animaux », et remarque qu'aucun progrès n'est possible, certes sans l'aiguillon de lanécessité, mais aussi et surtout sans le « secours de la communication ».

D'où l'obligation pour Rousseau deréfléchir au moyen de communication qu'est le langage :« Qu'on songe de combien d'idées nous sommes redevables à l'usage de la parole : combien la grammaireexerce et facilite les opérations de l'esprit ; et qu'on pense aux peines inconcevables, et au temps infini qu'adû coûter la première invention des langues.

»Le cri, comme premier langage, est celui qui est poussé dans les grands dangers pour implorer du secours oupour manifester le soulagement de maux violents.

C'est une sorte de cri de la nature, qui ne peut s'exprimerque par excès, dans des situations extraordinaires.

Que le premier langage soit celui du cri, Rousseau soutientaussi cela dans un autre passage du Discours : « Des cris inarticulés, beaucoup de gestes, et quelques bruitsimitatifs durent composer pendant longtemps la langue universelle.

» Il reviendra à la question de l'origine dulangage dans le traité d'éducation que constitue Émile, où il estime que les pleurs de l'enfant sont une sortede langue naturelle et commune à tous les hommes : « De ces pleurs qu'on croirait si peu dignes d'attention,naît le premier rapport de l'homme à tout ce qui l'environne ; ici se forme le premier anneau de cette chaînedont l'ordre social est formé.

»Mais si le cri est l'expression naturelle du désarroi de l'homme dans une situation extrême, il n'est d'aucunsecours dans le besoin de communiquer qui naît lorsque l'homme reconnaît l'autre comme semblable à lui.Autrui perçu à la fois comme être pensant et sensible, à qui on désire communiquer et ses pensées et sessentiments.

Cela n'est possible que par les sens, « seuls instruments par lesquels un homme puisse agir sur unautre ».

Toute la description de cette action de l'homme sur l'homme est surtout faite par Rousseau dans sonEssai sur l'origine des langues (rédigé entre 1745 et 1761, et publié après sa mort).

Si le texte sur le langagedu Discours sur l'origine de l'inégalité était une simple parenthèse, au contraire, l'Essai expose une théorie trèsélaborée du développement des langues.

Au cri succède donc un langage des gestes, puis de la voix, signessensibles pour exprimer la pensée« Les moyens généraux par lesquels nous pouvons agir sur les sens d'autrui se bornent à deux, savoir lemouvement et la voix.

L'action du mouvement estimmédiate par le toucher ou médiate par le geste : la première ayant pour terme la longueur du bras, ne peutse transmettre à distance, mais l'autre atteint aussi loin que le rayon visuel.

Ainsi restent seulement la vue etl'ouïe pour organes passifs du langage entre des hommes dispersés.

»Mais la langue sert aussi à émouvoir le coeur et à enflammer les passions.

Alors, c'est tout autre chose.

Lelangage des gestes, qui est un langage muet et qui jusqu'alors faisait tout, ne vaut plus rien.

C'est la voix,avec ses accents, qui l'emporte :« La seule pantomime sans discours vous laissera presque tranquille ; le discours sans geste vous arracherades pleurs.

Les passions ont leurs gestes, mais elles ont aussi leurs accents, et ces accents qui nous fonttressaillir, ces accents auxquels on ne peut dérober son organe pénètrent par lui jusqu'au fond du coeur, yportent malgré nous les mouvements qui les arrachent, et nous font sentir ce que nous entendons.

»Aussi, pour Rousseau, la véritable origine des langues n'est pas dans les besoins, mais dans les passions, quipoussent les hommes à se rapprocher (alors que les besoins ont tendance à les éloigner les uns des autres) :« Ce n'est ni la faim ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère qui leur ont arraché les premières voix.Les fruits ne se dérobent point à nos mains, on peut s'en nourrir sans parler, on poursuit en silence la proiedont on veut se repaître ; mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste la naturedicte des accents, des cris, des plaintes : voilà les plus anciens mots inventés.

»Mais le développement des langues ne s'arrête pas là.Car Rousseau, on l'aura compris, a en tête une vision de l'homme qu'on pourrait dire tripartite : d'abord ce quiest de l'ordre des besoins, puis ce qui est de l'ordre des passions, enfin ce qui est de l'ordre de la raison.

Criset gestes relèvent encore des besoins; la voix et ses accents vont avec les passions.

Un autre langageconvient à la raison.

D'où l'idée rousseauiste qu'en dehors du langage des gestes, il y a deux types de langue.Celle, tout d'abord, qui vise à persuader, composée surtout de voyelles, où les sons existent à peine articulés,et qui se rapproche du chant de la musique, et de la poésie.

Celle, ensuite, qui vise à convaincre et qui estaujourd'hui la langue que nous connaissons.

Elle est certes composée de voyelles mais les consonnes s'ymultiplient.

Les sons sont nettement articulés.

Elle est simple et méthodique, et vise le sens propre plus que lesens figuré.

Et, s'interrogeant sur la possibilité d'une langue mère, d'une première langue « naturelle »,Rousseau lui donne les caractéristiques de la langue de la passion.

Tous les tours de cette langue devraientêtre en images, en sentiments, en figures :« Comme les voix naturelles sont inarticulées, les mots auraient peu d'articulations ; quelques consonnesinterposées effaçant l'hiatus des voyelles suffiraient pour les rendre coulantes et faciles à prononcer.

Enrevanche, les sons seraient très variés, et la diversité des accents multiplierait les mêmes voix : la quantité,. »

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