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L'ART ET LE BEAU

Publié le 15/11/2011

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Il s’agit d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’art. Il ne s’agit plus de dire que n’importe quel objet banal, trivial, ou laid, peut être représenté dans une oeuvre d’art, la laideur de l’objet étant transfigurée par la beauté de la représentation. Il ne s’agit pas non plus de dire que l’on peut incorporer des matériaux ordinaires à des tableaux ou à des sculptures : voir La Chèvre de Picasso, sculpture qui est un assemblage d’éléments hétéroclites : un panier d’osier forme le ventre, un cep de vigne forme les cornes, et un appareil électrique constitue l’arrière-train (représentation dans le manuel, p. 233). Il s’agit de dire que n’importe quel objet peut être par lui-même une oeuvre d’art. C’est un mouvement initié par Marcel Duchamp, qui s’oppose à la conception traditionnelle de l’art.  En 1913, avec sa Roue de bicyclette montée sur un tabouret, il invente le ready-made, terme qui évoque le vêtement « prêt-à-porter «, par opposition au vêtement « sur mesure «. En 1917, il envoie anonymement au jury d’une exposition organisée à New-York une poterie émaillée qu’il a intitulée Fountain, et qui est un urinoir ordinaire.

« 2 La nature imite l’art Cette conception de l’art comme simple imitation de la beauté naturelle nous semble à bien des égards dépassée ;non seulement elle fait l’impasse sur la dimension de création propre à l’activité artistique, mais en plus il n’est passûr que le beau existe dans la nature.

Lorsque nous remarquons un beau coucher de soleil ou un beau ciel chargé denuages, n’est-ce pas parce que l’art nous a appris à les voir, parce qu’ils nous rappellent certains tableaux ?C’est ce qu’affirme Oscar Wilde dans Le déclin du mensonge : « La Vie imite l’Art beaucoup plus que l’Art n’imite laVie ».

Il prend l’exemple des brouillards de Londres qu’on ne voit que depuis Turner et Manet : « Des brouillards ontpu exister pendant des siècles à Londres.

Mais personne ne les a vus, et ainsi, nous ne savons rien d’eux.

Ilsn’existèrent qu’au jour où l’art les inventa » (Ibid.).

Ils n’existèrent qu’à partir du moment où les peintres nous ontappris à les voir.

Voir manuel, p.

217 : un tableau de P.

Klee et une photographie de Yann Arthus-Bertrand illustrentla formule d’O.

Wilde selon laquelle la nature imite l’art.De la même façon, Proust affirmait que « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie parconséquent pleinement vécue, c’est la littérature » (A la recherche du temps perdu, tome III, Le temps retrouvé).L’art en effet nous donne accès à une multiplicité de mondes, à une multiplicité de points de vue sur le monde ;grâce à l’art, je peux comprendre comment autrui perçoit le monde, je ne suis pas réduit à ma perspectiveindividuelle.

« Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’estpas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dansla lune.

Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y ad’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceuxqui roulent dans l’infini.

Ce travail de l’artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l’expérience,sous des mots quelque chose de différent, c’est exactement le travail inverse de celui que, à chaque minute, quandnous vivons détournés de nous-même, l’amour-propre, la passion, l’intelligence et l’habitude aussi accomplissent ennous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, lesnomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie ».Lorsque nous sommes détournés de nous-mêmes, lorsque nous sommes tout entiers tournés vers l’action et versl’utilité pratique, nous ne prêtons plus attention au monde qui nous entoure, nous ne distinguons que desnomenclatures, que des classifications utiles pour l’action.

Cette activité effrénée, cet affairement, qui nous saisit leplus souvent est le plus bas degré de « la vie », il en constitue une vision appauvrie, réductrice.

Il faudra sedétourner de l’action par la contemplation des oeuvres d’art pour retrouver la « vraie vie », la vie multiple et dense,riche et variée, que nous font saisir tous les regards d’artistes sur le monde.En somme, l’art n’est pas une copie du monde mais un accès au monde.

Il nous apprend à voir ce que nous nevoyons plus dans l’affairement quotidien.

Selon la belle formule de Paul Klee, « l’art ne reproduit pas le visible ; ilrend visible » (Théorie de l’art moderne).

Sur cette question, voir le texte de Bergson, manuel, p.

239 (La pensée etle mouvant). II Le beau existe-t-il dans les choses ou dans le regard que nous portons sur elles ? 1 Le beau n’est pas la représentation d’une chose belle, mais la belle représentation d’une chose Cette formule de Kant signifie qu’il n’y a pas d’objets qui par nature seraient beaux et dignes d’une représentationesthétique, tout peut être représenté.

L’art peut métamorphoser n’importe quel objet trivial en beauté.

Les naturesmortes des peintres hollandais nous montrent une carafe, quelques fruits, quelques noix et un morceau de fromage,et nous offrent un spectacle sublime, Van Gogh peint des godillots de paysan etc.

C’est la représentation de l’objet,et non l’objet lui-même, qui est jugée d’un point de vue esthétique, qui est qualifiée de belle.

C’est pourquoi lalaideur elle-même peut être transfigurée dans une oeuvre d’art.

La souffrance, l’agonie, la mort, la guerre peuventdonner lieu à de belles représentations, à de belles tragédies par exemple.

On peut faire un tableau splendide quidénonce la laideur du monde, comme Guernica, de Picasso.Encore faut-il pour cela éviter la confusion entre l’expérience du beau et la sensation de l’agréable, d’une part, etentre l’appréciation esthétique et le jugement moral, d’autre part.

Céline est un écrivain génial même si ses idéessont à vomir, ce n’est pas en fonction de considérations morales que nous pourrons juger de ses qualités d’écrivain.La polémique récente au sujet de Michel Houellebecq en est encore un bon exemple. 2 Le beau n’est pas l’agréable.

L’universalité du jugement de goût Lire texte de Kant, manuel, p.

218 (Critique de la faculté de juger, § 7).

Que le beau ne soit pas l’agréable, nouspouvons en avoir le pressentiment à partir d’une expérience très banale : il nous arrive de trouver belle une oeuvred’art qui pourtant nous met mal à l’aise.

Kant dans ce texte insiste sur le fait que le jugement qui porte surl’agréable n’a rien à voir avec le jugement qui porte sur le beau.

La fameuse formule « à chacun son goût » ne vautque pour l’agréable.

Lorsque quelque chose me plaît, je conçois volontiers que d’autres puissent ne pas partagermon avis, je conçois volontiers que d’autres n’aient pas le même goût que moi, je n’ai aucun mal à dire « cela estagréable pour moi ».

En revanche, nous ne disons pas que quelque chose est beau pour nous ; lorsque noustrouvons une chose belle, nous nous attendons toujours à ce que les autres éprouvent le même sentiment quenous, et nous sommes effectivement étonnés, déçus, lorsqu’un tel accord ne se produit pas.

L’universalité dujugement de goût (jugement esthétique) n’est donc pas toujours réalisée dans les faits (loin de là), elle n’endemeure pas moins toujours espérée, attendue, exigée.

« Le beau est ce qui est représenté sans concept commeobjet d’une satisfaction universelle » (CFJ, § 6).Or comment se fait-il que nous puissions postuler qu’un tel accord va avoir lieu ? Il y a ici un paradoxe qui reposesur le fait que le jugement de goût (jugement esthétique) n’est pas un jugement de connaissance.

Il ne fait. »

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