Devoir de Philosophie

L'art est-il un détournement de la réalité ?

Publié le 16/11/2010

Extrait du document

  • L'art, éloignement et mise à distance de la vraie réalité (la réponse platonicienne).
  • L'art permet de retrouver le réel en nous détournant de l'action simplificatrice.
  • L'art, accès au monde de l'Esprit (qui est ce qu'il y a de plus réel).
  • « plaisante barrant l'accès au réel ? D'où le problème soulevé : l'art est-il divertissement ou accès à la vérité authentique ? Discussion A) L'art nous éloigne de la vraie réalité. N'est-il pas évident, sous un certain angle, que l'art nous détourne de la vraie réalité et qu'il nous invite à nous satisfaire d'un univers d'apparences et d'illusions, loin du réel véritable ? Simple évasion, pure jouissance imaginative et sensible, l'art ne désigne-t-il pas un divertissement qui nous arrache au réel véritable? Que désigne, en effet, le réel ? Par opposition à l'illusoire, ce qui existe effectivement et non pas seulement à l'état d'imagination ou de manifestation sensible.

    Or, pour toute une tradition fidèle à Platon et à sa doctrine, le réel,l'authentique réalité, c'est l'Essence ou l'Idée, l'Intelligible, ce que Platon nomme ousia, c'est-à-dire « Idée » ou Essence ».

    Le réel, dans cette perspective fort classique, se confond tout entier avec la pureté d'une Essence spirituelle dépassant le monde de l'expérience sensible.

    Ce dernier se trouve, dès lors, relégué dans la pure apparence.

    Le réel, c'est l'intelligible, l'ordre spirituel, et non point l'ordre du sensible.

    Or, l'art nous détourne de cechamp de l'ousia et fait miroiter, pour nos sens, une organisation phénoménale et empirique. L'oeuvre d'art, en effet, imite-t-elle ousia, l'esprit, l'intelligible, ou bien le monde sensible illusoire ? C'est une simple évasion, un divertissement, une satisfaction dont l'essence n'est pas spiri tuelle.

    Ce n'est point l'Idée que j'appréhende dans l'oeuvre artistique, mais un monde d'apparences.

    Prenons, pour illustrer cette doctrine, l'exemple de tel tableau impressionniste du XIXe siècle.

    Soit l'oeuvre de A.

    Sisley, Port-Marly (1876) (on nous pardonnera l'emprunt de l'exemple au XIXe siècle, mais la conception de Platon survit jusqu'à notre époque).

    Ce qui surgit alors pour moi, c'est l'apparence sensible, l'apparition glacée de l'air, l'écluse sous la neige, la surface durcie du fleuve, la vie végétale suspendue, les arbres chargés de gel ou de givre, l'eau éclairée d'une lumière métallique, le manteaublanc se superposant aux maisons, etc.

    Tout ceci, pour admirable qu'il soit, n'est qu'imitation de l'apparence,reproduction du sensible.

    Dans cette perspective, l'oeuvre d'art nous détourne de notre vrai chemin, de la lumièrede l'Essence spirituelle.

    Elle offre une simple satisfaction dans l'imaginaire, un faux monde, le nôtre, dans saphénoménalité pure et simple. Nous avons pris l'exemple d'un tableau moderne pour mieux situer le problème, mais ne pourrait-on en revenir à l'exemple platonicien, tel que Platon l'exprime dans La République ? Si le peintre représente un lit, dit Platon, ce tableau refait habilement ce qui existait déjà dans le monde extérieur.

    L'art, copie de copie, nous éloigne du réel,puisque l'Idée en est absente.

    Quand l'artisan travaille et fait un lit, il crée le lit sensible et matériel, déjà éloigné du lit idéal.

    Quant à l'artiste, il copie le lit sensible, réalisé par le menuisier. Ainsi, la matière artistique est un « irréel » (le réel étant l'essence).

    Elle vient au troisième rang, dans l'ordre des réalités : d'abord l'Idée, ensuite les choses empiriques, enfin les créations de l'art.

    Dès lors, ce dernier nous détourne du réel ; c'est un mensonge au second degré.

    Loin du vrai, l'art nous entraîne vers des fantômes, des tromperies.

    Quel égarement que l'art ! Je crois parvenir à une expérience authentique, mais, fondamentalement, l'artiste ne produit que des simu lacres qui me trompent.

    L'art me maintient esclave des apparences, esclave et prisonnier de ce monde de la caverne » dont nous parle Platon. « Quel but se propose la peinture relativement à chaque objet ? Est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou 'ce qui paraît tel qu'il paraît ; est-ce l'imitation de l'appa rence ou de la réalité ? De l'apparence [...]. L'art d'imiter est donc bien éloigné du vrai. » (Platon, La République.) Ainsi, l'art nous détourne du réel, il nous distrait de ce qui est véritablement, de cette essence des choses, duvéritablement être.

    Loin de toute conversion à l'ordre du vrai, il nous entraîne dans l'apparence phénoménale pure. Mais cette analyse ne rend pas compte de la totalité de notre expérience artistique.

    Si nous revenons au tableau deSisley mentionné plus haut, nous remarquons que l'oeuvre d'art décrite, pour phénoménale qu'elle soit, nous permetd'échapper un instant rapide, à la lourde pesée de l'expérience quotidienne, comme si la prison du réel s'ouvrait vers autre chose.

    Il faut donc tenter de mieux répondre à la question posée.

    Si l'expérience esthétique et artistique nousmarque si profondément, n'est-ce point parce qu'elle fait advenir quelque chose de véri table et d'essentiel ? B) L'art permet de retrouver le réel en nous faisant échapper à l'action souvent simplificatrice la vision directe ». Est-ce bien une simple représentation empirique qui se donne à moi dans un tableau ? S'il me purifie et me communique un sentiment de soulagement, c'est que précisément, il opère, bien souvent, une conversion vers le réel qu'il faut prendre en compte maintenant.

    Le tableau de Sisley m'introduit dans un monde mystérieux irréductible à l'univers phénoménal.

    Il me fait accéder à une présence spirituelle, à un ordre transfiguré des choses.

    L'extaseesthétique est incompréhensible si l'art me détourne du réel et s'enracine dans un simple mirage phénoménal.

    Quandj'écoute une cantate de Bach, surgit une valeur de beauté spirituelle qui met tout à distance et produit l'extase.Donc, l'art ne me détourne ni de l'essence authentique ni de ma conversion vers le vrai.

    L'art me délivre de monvouloir vivre immédiat et me porte vers de pures essences spirituelles.

    Loin de me détourner des « Idées », il m'entraîne vers elles.

    En somme, il me fait accéder à une connaissance supérieure et plus vraie.

    L'art m'affranchitprovisoirement du jeu des apparences, pour me faire entrer ailleurs, me permettre une ouverture vers une vision plusdirecte de la réalité.

    Loin du monde utilitaire, je découvre alors le monde réel, l'univers authentique du vrai, celui duspirituel ou de la « Durée pure ». C'est ce que Bergson nous montre fort bien dans diverses analyses : « Approfondissons ce que nous éprouvons. »

    ↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

    Liens utiles