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Art et passion ?

Publié le 03/02/2004

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Le spectateur est-il prédisposé, par sa nature même, à réagir en fonction d'une représentation spécialement conçue pour le troubler en des points sensibles de sa personnalité ? Aristote ne le dit pas. La "Poétique" ne répond pas vraiment à l'attente de la "Politique".  Aristote, là aussi, avait évoqué la catharsis, mais uniquement à propos de la musique «Nous disons qu'on doit étudier la musique, non pas vue de l'éducation et de la purgation - ce que nous en vue d'un avantage unique, mais de plusieurs (en nous en reparlerons plus clairement dans un entendons par purgation, terme employé en général, traité sur la poétique - et, en troisième lieu, en vue du divertissement, de la détente et du délassement après la tension de l'effort). » Certes, il en reparle, mais si peu ! En revanche, la "Politique" donne quelques précisions qu'on ne retrouve pas dans la "Poétique": à la crainte et à la pitié s'ajoute l'«enthousiasme». A propos de cet état d'exaltation, Aristote fait référence explicitement au sens thérapeutique du terme: «certains individus ont une réceptivité particulière pour cette sorte d'émotions [l'enthousiasme], et nous voyons ces gens-là, sous l'effet des chants sacrés, recouvrer leur calme comme sous l'action d'une cure médicale ou d'une purgation. » Est-ce pour lui, une manière de retrouver le lieu commun selon lequel «la musique adoucit les moeurs» ? Il y a sans doute un peu de cela, mais il faut aller plus loin dans l'interprétation. Dans la "Politique", Aristote suggère lui-même que la catharsis concerne également la tragédie, c'est-à-dire la vue, et non pas seulement l'écoute de ce qu'il appelle des chants éthiques, dynamiques ou exaltants. Il n'y a pas à s'en étonner puisque la tragédie, à l'époque, réalise une certaine forme d' «art total» harmonisant le texte, les choeurs et la danse.

« Selon Aristote, la fonction de la tragédie était de représenter les passions humaines afin d'en «purger» lesspectateurs. Le plaisir que procure la tragédie est spécifique.

Aristote le définit ainsi : « [...] la tragédie est l'imitation d'une action de caractère élevé et complète, d'une certaine étendue, dans un langage relevéd'assaisonnements d'une espèce particulière suivant les diversesparties, imitation qui est faite par des personnages en action et non aumoyen d'un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgationpropre à pareilles émotions. » Assaisonnement du langage désigne la proportion variable de chants et de vers.

L'essence de la tragédieréside dans l'action, non dans le récit, action représentée en un tempslimité.

Le plaisir résulte des émotions ressenties: crainte et pitié.

Toutcela est clair.

Aristote mentionne la cause et les effets. Mais sur le mécanisme de l'opération, peu de détails ! Un seul termeassez inattendu: « purgation », catharsis.

On peut dire aussi « purification ».

Ce mot a donné lieu à maints commentaires.

Chez Aristote lui-même, il est l'objet de plusieurs interprétations.

On croit comprendre qu'il y a un rapport entre l'imitation, la mimésis, et lapurgation, la catharsis: devant un spectacle représentant des actionséprouvantes, je suis enclin à ressentir les mêmes émotions que l'oncherche à provoquer en moi.

La représentation de sentiments violentsou oppressants, par exemple la terreur, l'effroi ou la pitié, bien que mimés et donc fictifs, déclenche dans le public, dans la réalité, des sentiments analogues. Cette réaction est banale dans la vie courante; trop d'événements réels, effrayants ou affligeants, suscitentdes émotions correspondantes, par exemple, de la compassion pour les victimes.

Mais ce phénomène est plussurprenant lorsqu'il s'agit d'un spectacle créé et imaginé de toutes pièces.

Il suppose une identification avecun personnage et non plus avec une personne.

Certes, cette identification a ses limites, car il ne s'agit pasd'imiter, de copier ni de transposer dans la vie réelle les actions qui se déroulent sur la scène.

Et l'on imaginemal un jeune homme, influencé par l' " Œdipe " de Sophocle , décidant de tuer son père, de commettre un inceste avec sa mère et de se crever les yeux. POINT DE CULTURE GENERALE : Œdipe, c'est le héros maudit par essence.

Promis à un destin fatal par l'oracle, telle la Belle au bois dormant à qui une sorcière jette un mauvais sort, l'enfant est retiré à sesparents Laïos, roi de Thèbes, et Jocaste, pour être élevé loin du foyer familial.

Bien sûr, en dépit de toutes lesprécautions, comme pour la princesse du conte, la prédiction se réalise, et sans le savoir Œdipe tueréellement son père biologique et épouse sa mère.

Comprenant sa méprise des années plus tard, alors que lapeste dévaste son royaume, et horrifié de son parricide et de son inceste, le roi se crève les yeux et sebannit du monde.

À ce malheur, s'en est ajouté un autre beaucoup plus tard puisque le pauvre homme a vu lapsychanalyse donner son nom à un complexe, dont l'humanité entière souffrirait.

C'est dire à quel point laculpabilité doit peser sur ses épaules. Mais n'est-ce pas un peu trop réducteur de ne penser à Œdipe qu'en termes freudiens ? C'est oublier en effetla détermination de cet homme qui a voulu échapper à une mauvaise fortune édictée par des instancessupérieures.

C'est oublier l'équité dont ce roi fait preuve dans sa vie et dans l'exercice de ses fonctions.

Eneffet, c'est au nom de la justice qu'il cherche le meurtrier de Laïos, sans savoir encore que ce dernier est sonvrai père.

Et c'est au cours de cette enquête qu'il découvre donc toute la vérité à son sujet.

D'une certainefaçon, Œdipe, c'est à la fois le premier flic ou détective de l'histoire mais c'est aussi le premier héros à faireune introspection.

On en revient à l'analyse, mais au sens littéraire, car c'est le propre de tout grandpersonnage : être à la fin du livre différent de celui qu'on a connu au début. Et c'est aussi la signature des mythes : donner naissance à un symbole, ici celui d'un homme qui a ététrompé, qui s'est trompé, mais qui reprend en main son destin (car s'il se punit, il ne se suicide pas) pourl'assumer avec courage. Ce transfert de la fiction à la réalité est-il toutefois tellement inconcevable? Pour nous, malheureusement non.Mais, pour Aristote , certainement.

En éprouvant des sentiments analogues à ceux que la tragédie provoque en moi, je me libère du poids de ces états affectifs pendant et après le spectacle.

J'en ressors comme purgéet apaisé.

Ces émotions préexistaient-elles en moi à l'état latent et le spectacle s'est-il contenté de leséveiller? Ou bien les a-t-il d'un bout à l'autre provoquées? Le spectateur est-il prédisposé, par sa naturemême, à réagir en fonction d'une représentation spécialement conçue pour le troubler en des points sensiblesde sa personnalité ? Aristote ne le dit pas. La " Poétique " ne répond pas vraiment à l'attente de la " Politique ".

Aristote , là aussi, avait évoqué la catharsis, mais uniquement à propos de la musique « Nous disons qu'on doit étudier la musique, non pas vue de l'éducation et de la purgation - ce que nous en vue d'un avantage unique, mais de plusieurs (en nous enreparlerons plus clairement dans un entendons par purgation, terme employé en général, traité sur la poétique. »

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