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L'art est-il le produit de la liberté ?

Publié le 30/03/2004

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  • [Dans la mesure où la création artistique exprime pleinementla liberté de l'esprit, l'artiste, par ses œuvres, nous ouvre sur un monde qui échappe à toute servitude.]

Le travail de l'artiste est totalement libre Comme le jeu, la création artistique est une activité libre et désintéressée. Pour créer, l'artiste met bien en oeuvre une certaine technique. Mais celle-ci ne consiste pas dans l'application d'un savoir préexistant. Inversement, le travailleur a l'art et la manière de parvenir à un certain résultat. Mais il doit suivre le « mode d'emploi « et viser l'utilité. La première différence entre l'art et la technique concerne le rapport à la science ou au savoir. Alors que la technique consiste en la mise en application d'une théorie, l'idée vient à l'artiste au fur et à mesure qu'il crée. Par exemple, l'architecte conçoit et dessine sa maison avant de la construire. En revanche, « un beau vers n'est pas d'abord en projet et ensuite fait; mais il se montre beau au poète; et la belle statue se montre belle au sculpteur au fur et à mesure qu'il la fait « (Alain, Système des beaux-arts). a Cela explique qu'un technicien puisse reproduire la même oeuvre à l'infini et à l'identique, alors que la création artistique reste toujours unique : « la règle du beau n'apparaît que dans l'oeuvre, et y reste prise, en sorte qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune manière, à faire une autre oeuvre « (idem). L'oeuvre belle peut servir ensuite de modèle à d'autres, mais elle ne peut jamais être reproduite.

« ensuite de modèle à d'autres, mais elle ne peut jamais être reproduite.Enfin, la technique se caractérise par son utilité.

Elle entend apporter du confort à l'homme, et vise à luirapporter sur le plan économique, en lui faisant par exemple gagner en productivité.

L'art, en revanche, secaractérise par son aspect désintéressé.

C'est la création qui est sa propre fin, et non sa valeur marchande.C'est en ce sens qu'on qualifie souvent l'art d'inutile.En dépit de leurs similitudes, la technique et l'art se distinguent donc par leur processus et leur finalité.Pour créer, l'artiste met bien en oeuvre une certaine technique.

Mais celle-ci ne consiste pas dansl'application d'un savoir préexistant.

Inversement, le technicien a l'art et la manière de parvenir à un certainrésultat.

Mais il doit suivre le « mode d'emploi » et viser l'utilité.

L'artiste, parce qu'il crée, invente un nouveaumonde, un monde qui échappe aux pesanteurs de la vie de tous les jours.

Ainsi que le montre le philosopheAlain, la seule contrainte de l'artiste est de dominer la matière qu'il travaille afin de parvenir à la maîtrise deson art, afin de pouvoir exprimer librement sa sensibilité. L'artiste est toujours un résistant, un engagé L'engagement de l'artiste...L'actualité nous a récemment appris qu'on pouvait être écrivain, vivre à la fin du xxe siècle, dans l'une desplus anciennes démocraties d'Europe, et mettre, par la seule publication d'un roman, sa vie en péril : S.Rushdie se cache encore des tueurs venus d'Iran comme naguère Voltaire s'efforçait de rejoindre la Suissepour échapper à l'Église et à la justice du Roi.

On ne pardonne pas toujours aux artistes leur libertéd'expression et leur engagement dans les grands débats de leurs temps parce que la liberté de cetengagement s'exprime par une oeuvre, plus forte que les discours militants, invincible puisque dépositaire decet éclat d'éternité que Malraux appelle un anti-destin.

Mais dira-t-on seulement d'une oeuvre qu'elle estengagée quand elle « prend parti » ? L'arbitre n'est-il pas voué à l'engagement par l'oeuvre elle-même? Nedevrait-on pas dire toujours d'une grande oeuvre qu'elle est engagée? ...

est impliqué par le processus de création artistique...Sartre rappelle, dans Qu'est-ce que la littérature ?, que « l'écrivain engagé sait que la parole est action ».

Sila littérature engagée, c'est la littérature perçue comme une action, alors toute littérature est, par définition,engagée.

« La fonction de l'écrivain — ajoute Sartre — est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer lemonde et que nul ne s'en puisse dire innocent.

»Ainsi, lorsqu'il décrit les conditions de vie des mineurs, Zola s'engage autant que par la défense du capitaineDreyfus.

De la même façon, Le Rouge et le Noir est une oeuvre profondément engagée, car le miroir quepromène Stendhal sur les traces de Julien Sorel réfléchit l'image d'une société ossifiée, repliée sur elle-même.Dans ce monde qui ressemble à un tombeau (la province, le séminaire), ceux qui ont l'énergie de vouloirrespirer l'air de leurs passions, ceux-là doivent combattre.

L'oeuvre d'art dévoile, elle ne reproduit pas ce quiest (comme le pensaient les Grecs), elle donne à voir et à sentir ce qui était avant elle inaperçu.

Dans ledomaine pictural, l'exemple de Guernica, présentée à Paris au Pavillon républicain de l'Exposition internationale,est significatif.

Le tableau montre à une opinion (peu désireuse d'ouvrir les yeux en 1937) l'horreur de laguerre d'Espagne.

Ces corps éclatés, ces membres que semble disproportionner la douleur, cette mêlée enfind'où l'on ne distingue plus les hommes des bêtes, rendent sensible la détresse d'un peuple.

Au-delà dubombardement du petit village espagnol, c'est l'atrocité de tout un siècle qui est représentée, un siècle « noiret gris ». ...

qui dévoile le monde.Bien sûr, une oeuvre est engagée lorsqu'elle exprime un parti pris et s'intègre dans une lettre ouvertementmenée par son auteur.

Mais cette perception de l'art engagé est beaucoup trop restrictive.

Elle feint d'ignorerque toute oeuvre est un acte de dévoilement du réel et que l'artiste ne ressemble pas à Zeuxis, ce peintregrec qui représentait de façon si réaliste les grains de raisin sur ses fresques que les pigeons venaient s'ybriser le bec.

Il n'y a pas d'oeuvre qui ne trouve sa satisfaction dans un engagement par rapport au contextequi l'a vu naître.

C'est que, en retournant la perspective, « la littérature (l'art) d'une époque, c'est l'époquedigérée par sa littérature (son art) », comme le confia Sartre à Madeleine Chapsal.

L'engagement apparaîtcomme ce mécanisme de digestion, d'appropriation du réel, « biologiquement » indispensable à une oeuvred'art !C'est la raison pour laquelle les artistes ont toujours été les premières victimes de la répression.

Créantlibrement de nouvelles réalités, ils vont nécessairement à contre-courant de ce qui prive l'homme de liberté.

[L'artiste peut être soumis à des codes esthétiques.

Il suit une démarche trop personnelle et nous éloigne de la réalité.

Il ne peut donc nous aider à être libres.] La liberté de l'artiste est trop particulière pour être celle des autresL'artiste est peut-être libre de créer ce qu'il veut.

Mais sa liberté ne me sert à rien.

Il est trop enfermé dans. »

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