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L'ART - LE STYLE - LA POÉSIE LE LANGAGE CHEZ PROUST

Publié le 05/04/2011

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L'art est une restitution de la vie.

L'artiste doit « ressaisir « cette vie, la sienne d'abord, celle des autres ensuite. Il doit défaire le travail qu'avaient fait notre1 amour-propre, notre passion, notre esprit d'imitation, notre intelligence abstraite, nos habitudes. Il doit nous faire retourner aux profondeurs, où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous. (T.R., 2) Par l'art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers, qui n'est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. (T. R., 2) Les excuses ne figurent point dans l'art, les intentions n'y sont pas comptées, à tout moment l'artiste doit écouter son instinct, ce qui fait que l'art est ce qu'il y a de plus réel, la plus austère école de la vie et le vrai jugement dernier. (T. R., 2) L'œuvre d'art est imposée à l'artiste, nous ne la faisons pas à notre gré, elle préexiste à nous; elle est à la fois nécessaire et cachée, nous devons la découvrir comme nous ferions pour une loi de la nature. (T. R., 2)

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« style n'est nullement un enjolivement...

ce n'est même pas une question de technique, c'est — comme la couleurchez les peintres — une qualité de la vision, la révélation de l'univers particulier que chacun de nous voit, et que nevoient pas les autres.

(T.

R., 2) Je me suis efforcé de rejeter tout ce que dicte l'intelligence pure, tout ce qui est rhétorique, enjolivement et à peuprès, images voulues et cherchées, pour exprimer mes impressions profondes et authentiques et respecter la marchenaturelle de ma pensée.

(Lettre à Camille Vettard, 1920) « Le style de Proust, écrit Léon-Pierre Quint, révèle son extraordinaire entreprise : atteindre par l'intuition, exprimerpar l'intelligence les plus fugaces sentiments de la vie intérieure.

» Il est naturel, en dépit de tout ce que l'on a dit de ses obscurités, tours et détours, méandres de la pensée et de ladescription.

Il écrit comme il est, comme il voit, comme il pense, tel Montaigne. • Ce style est d'une hardiesse extrême.

Il va du langage le plus raffiné au plus populaire, à l'argot.

Toujours commeMontaigne, il prend, où il le trouve, ce dont il a besoin. • Cependant, toujours réel, il n'est pas réaliste. Il procède par images, par métaphores concrètes.

Il reste enfin dans une tradition classique, et Benjamin Crémieux adit justement : « Depuis le naturalisme, Proust est sans doute le seul écrivain français dont le style repose sur lelangage vivant de certains salons, où persiste encore quelque chose du langage de la Cour.

» En 1905, Proust écrivait à un ami, à propos de son style déjà critiqué : Mais je suis bien obligé de tisser ces longues soies comme je les file, et si j'abrégeais mes phrases, cela ferait despetits morceaux de phrases, pas des phrases. Il veut que l'épithète, l'image soient d'une profondeur et d'une justesse que personne n'atteint, parce que, ajoute-t-il, nous n'avons pas la force d'aller jusqu'à ce fond extrême où gît la vérité, l'univers réel, notre impressionauthentique. La phrase de Proust n'est pas unique dans la littérature française.

La filiation avec Montaigne est certaine, sanscependant qu'il y ait eu influence véritable.

L'écrivain du XVIe siècle et celui du premier quart du XXe ont encommun l'investigation lucide de l'inconscient, et l'examen du conscient passé au crible du plus pointilleux espritcritique.La filiation avec Saint-Simon est également certaine, et cette fois il y eut influence profonde.

Le mémorialiste de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe, et lechercheur du Temps Perdu font, l'un et l'autre, un appel impérieux à la mémoire. Mais d'autres grands écrivains français ont usé de cette même phrase interminable, difficile, fatigante, où lesincidentes et les parenthèses jalonnent — et retardent — la marche du sujet.

Nous ne savons pas si Proust aimaitMarivaux.

Il ne le cite pas, et aucun des critiques ou des amis qui ont écrit sur lui, en donnant des détailsinnombrables et précis sur ses préférences parmi les écrivains français et étrangers, n'a cité Marivaux.

Cependant laressemblance est criante : même souplesse de l'induction psychologique suivant tous les fils de la pensée, dusentiment, de l'imagination, sans se perdre, sans se départir du jugement objectif, et sans que l'intelligence served'autre chose que d'instrument prospecteur.

Voici deux phrases de Marivaux typiques, que l'on pourra comparer auxphrases de Proust (voir les extraits de La Recherche du Temps Perdu, page 71): I. « Jusque-là je m'étais possédé, je ne m'étais pas tout à fait perdu de vue, mais ceci fut plus fort que moi, et laproposition d'être mené ainsi gaillardement à la comédie, me tourna entièrement la tête; la hauteur de mon étatm'éblouit; je me sentis étourdi d'une vapeur de joie, de gloire, de fortune, de mondanité, si on veut bien mepermettre de parler ainsi; car je n'ignore pas qu'il y a des lecteurs fâcheux, quoique estimables, avec qui il vautmieux laisser là ce qu'on sent que de le dire, quand on ne peut l'exprimer que d'une manière qui paraîtrait singulière,ce qui arrive quelquefois pourtant, surtout dans les choses où il est question de rendre ce qui se passe dans l'âme,cette âme qui se tourne en bien plus de façons que nous n'avons de moyens pour les dire, et à qui du moins ondevrait laisser dans son besoin la liberté de se servir des expressions du mieux qu'elle pourrait, pourvu qu'elleentendît clairement ce qu'elle voudrait dire, et qu'elle ne pût employer d'autres termes, sans diminuer ou altérer sapensée.

» ([Le Paysan parvenu.) II. « Je n'avais que les grâces que je n'avais pu m'ôter, c'est-à-dire celles de mon âge et de ma figure, avec lesquellesje pourrais encore me soutenir, me disais-je bien secrètement en moi-même, et si secrètement que je n'y faisaispoint d'attention, quoique cela m'aidât à renoncer aux agréments que je ne me donnais pas et dont je faisais unsacrifice à Mme de Miran.

Ce n'est pas qu'elle eût songé à me dire : ne vous ajustez point.

Mais je suis sûre que dès. »

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