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ARTICLE DE PRESSE: La défaite de Lech Walesa

Publié le 22/02/2012

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28 août 1995 - Les occidentaux se sont finalement décidés à intervenir militairement en Bosnie. L'opération engagée dans la nuit du 29 au 30 août, et qui se poursuivait ce mercredi, est en effet une première depuis le début du conflit dans ce pays. Elle l'est par son objectif : " éliminer toute menace d'attaque contre la zone de sécurité de Sarajevo ", selon les termes d'un porte-parole de la Forpronu, c'est-à-dire, en clair, anéantir la puissance de feu des forces serbes autour de la capitale bosniaque. Elle l'est aussi par l'ampleur des moyens mis en oeuvre et par leur coordination. La Forpronu, engageant l'artillerie de la Force de réaction rapide (FRR) à sa disposition sur le mont Igman, et l'OTAN, engageant de son côté 65 avions, dont une dizaine d'appareils français, se sont réparti les tâches, se partageant les cibles et les créneaux de tir. L'objectif de l'opération conjointe est de museler les forces serbes de Bosnie en frappant leurs moyens de communication radars essentiellement et de détruire leur système de défense antiaérien, leurs batteries d'artillerie, leurs dépôts de munitions. C'est peu après 2 heures du matin, mercredi, que l'aviation de l'OTAN, appuyée au sol par la FRR, a lancé une série de raids contre des positions stratégiques serbes autour de Sarajevo et à Pale, en réplique au bombardement d'un marché qui avait fait 37 morts et plus de 80 blessés, lundi, dans le centre de la capitale. Les avions ont mené dans la nuit deux vagues d'assaut : une première au sud et à l'est de Sarajevo, et une deuxième, beaucoup plus violente, dans la zone de Pale, le fief des Serbes de Bosnie, situé à une vingtaine de kilomètres de là. Un nouveau raid aérien de l'OTAN a eu lieu mercredi vers 9 heures. Les raids se poursuivent Les artilleurs français et britanniques de la FRR basés sur le mont Igman, qui domine Sarajevo et le faubourg d'Iliza, une zone sous contrôle serbe, ont, pour leur part, commencé peu après 4 heures du matin à pilonner des positions à l'ouest de la capitale bosniaque, au-delà du secteur de l'aéroport. Mercredi matin, un porte-parole de l'ONU annonçait que la FRR avait tiré 600 obus sur des objectifs serbes au cours de l'opération. Les cibles étaient essentiellement des positions d'armes lourdes et des dépôts de munitions. L'importante caserne serbe de Lukavika, notamment, aurait été touchée. Des appareils de l'OTAN ont, d'autre part, bombardé des cibles serbes autour des " zones de sécurité " de Gorazde, à l'est, et de Tuzla, au nord. Comme autour de Sarajevo, les batteries de missiles antiaériens, les radars liés à ces systèmes de défense et les installations de communication des Serbes ont été les cibles privilégiées, a précisé une source diplomatique à Zagreb. A 9 heures mercredi, alors que la troisième vague de bombardements était en cours, un porte-parole de la Forpronu, Myriam Sochacki, annonçait que les opérations " se poursuivaient " : " Ce sera aux commandements impliqués de décider de la fin, quand ils considéreront que l'objectif est atteint. " D'autres raids aériens et tirs d'artillerie de la FRR n'étaient donc pas exclus dans la journée de mercredi, et même les jours suivants. L'OTAN et la Forpronu ont donc finalement changé de registre en Bosnie. En effet, la seule véritable manifestation de fermeté dont ait jamais fait preuve la communauté internationale depuis le début de la guerre, il y a près de quatre ans, en était restée au stade de la menace. C'était en février 1994, quand, après un premier bombardement meurtrier du marché de Markale, à Sarajevo, l'OTAN avait adressé un ultimatum aux forces serbes pour qu'elles retirent leur artillerie des abords de Sarajevo. Ces dernières avaient obtempéré, épargnant aux Occidentaux le passage à l'acte. Toutes les interventions effectives s'étaient bornées, jusqu'ici, à des objectifs très ponctuels, voire symboliques, ou à des " frappes d'avertissement " sur des cibles mineures, qui n'étaient jamais parvenues à dissuader les forces serbes. Certaines avaient même eu des conséquences catastrophiques, les troupes du général Mladic y répondant par des représailles qui allaient rester, elles, impunies. Changement d'attitude Dès lundi soir, quelques heures après le carnage perpétré par les Serbes dans le centre de Sarajevo, les signes d'un changement d'attitude étaient perceptibles. Tout en se réservant sur les conclusions définitives de son enquête, la Forpronu laissait entendre qu'il n'y avait guère de doute quant aux auteurs de ce massacre. L'idée de la riposte était déjà acquise. Une intense concertation commençait dans la nuit de lundi à mardi entre la Forpronu et l'OTAN. Ni au sein de la Forpronu, ni au sein de la FRR, ni entre les principales capitales concernées (Washington, Paris, Londres), ni peut-être même entre les différents responsables militaires et politiques dans chaque capitale, le consensus ne s'est imposé d'emblée sur la nature de la riposte à infliger aux Serbes. Certains responsables français, à Paris ou sur le terrain, qui se méfient des " frappes massives ", semblaient plutôt partisans d'une intervention exclusive de la FRR. C'est encore cette préférence que faisait valoir Jacques Chirac, mardi soir, lorsqu'il a pris l'initiative de téléphoner au premier ministre britannique, John Major. Les Anglais et les Américains penchaient pour le recours à l'aviation. Jusqu'à mardi soir, la Forpronu affirmait qu'elle maintenait ouvertes les deux options. La coordination qui s'est en fin de compte opérée entre l'OTAN et la FRR reflète, outre les considérations d'efficacité technique, l'accord politique finalement intervenu sur l'ampleur à donner à la riposte. Les propos tenus par M. Izetbegovic, mardi soir à Paris, où il était invité par Jacques Chirac, reflétaient le débat qui avait eu lieu. Le président bosniaque réclamait de la communauté internationale non pas une frappe ponctuelle, mais qu'elle élimine toute l'artillerie serbe qui tient Sarajevo sous son feu. Il menaçait, sinon, de suspendre sa participation à tout pourparler de paix. Le ministère russe des affaires étrangères avait, de son côté, rappelé, dans l'après-midi, que Moscou désapprouvait les frappes aériennes. Cette désapprobation n'était cependant plus de nature à arrêter les Occidentaux. Washington et Paris doivent avoir estimé que le risque que pourrait faire courir cette opération au processus de négociations ne devait pas les arrêter. C'est-à-dire que les Serbes de Bosnie n'avaient plus les moyens, militaires et politiques, de rester les maîtres du jeu. JACQUES ISNARD, CLAIRE TREAN Le Monde du 31 août 1995

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