[L'artiste, un charlatan ?]
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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nomme des «Idées» : ces Idées ne doivent pas être confondues avec les idées au sens moderne, qui sont despensées de notre esprit ; les Idées platoniciennes sont les essences, éternelles et immuables, des choses etdes êtres vivants qui forment le monde qui nous entoure, et ces êtres et ces choses n'ont de réalité que parleur participation à ces Idées.
En d'autres termes, les Idées sont les modèles des réalités de notre monde, etces réalités ne sont par conséquent que des imitations, des simulacres de ces idées.
Dans ces conditions, l'artiste, tournant son regard vers le monde sensible et non pas vers le monde intelligibledes idées comme le fait le philosophe, ne peut produire qu'un simulacre (l'œuvre d'art) de l'apparence d'unsimulacre (le sujet de l'œuvre d'art).Pourquoi le peintre fait-il «illusion aux enfants et aux ignorants» ?
Parce que les enfants et les ignorants, s'arrêtant naïvement aux données immédiates des sens, prennentl'apparence pour la réalité.
Question 3Est-ce condamner l'art que de dire qu'il porte sur les apparences ?
Quelques directions de recherches
Position de PlatonIl paraît évident au premier abord que pour Platon dire que l'art porte sur les apparences, c'est le condamner,puisqu'il s'éloigne par là même du vrai.
Cependant, on peut se demander si la condamnation platonicienne portesur le fait même d'imiter les apparences, ou bien plutôt sur le fait que l'art prétend reproduire la réalité, le vrai,alors qu'il n'imite que l'apparence.
Si l'artiste est un charlatan, c'est parce qu'il ne dit pas ce qu'il faitréellement, qu'il nous abuse et nous ment.
Mais aussitôt qu'il admet être un illusionniste et nous en avertit, quepouvons-nous lui reprocher ? Bien plus, l'art peut prendre une valeur pédagogique, en nous apprenant àreconnaître l'apparent et l'illusoire, à nous en méfier et à le dépasser.
Position de NietzschePour Nietzsche, c'est précisément parce qu'il porte sur l'apparence, ou plutôt parce qu'il est fondateurd'apparences, que l'art, entendu au sens le plus large, joue un rôle essentiel, celui de protéger la vie : «La vien'est possible que grâce à des illusions d'art» (Naissance de la tragédie).
«Si nous n'avions pas approuvé lesarts, si nous n 'avions pas inventé cette sorte de culte de l'erreur, nous ne pourrions pas supporter de voir ceque nous montre maintenant la science : l'universalité du non-vrai, du mensonge, et que la folie et l'erreur sontles conditions du monde intellectuel et sensible» (Gai savoir, §107).
Positions de Hegel et de BergsonDans une autre perspective, il convient de réfléchir sur la notion même d'apparence.
A cet égard, on pourraméditer les lignes suivantes de Hegel : « L'art, dit-on, est le règne de l'apparence, de l'illusion, et ce que nousappelons beau pourrait tout aussi bien être qualifié d'apparence et d'illusoire.
Or des buts véritables, dignesd'être poursuivis, ne sauraient être réalisés par l'apparence et l'illusion [...]Mais au fond, qu'est-ce que l'apparence ? Quels sont ses rapports avec l'essence ? N'oublions pas que touteessence, toute vérité, pour ne pas rester abstraction pure, doit apparaître [...] l'apparence elle-même est loind'être quelque chose d'inessentiel, elle constitue, au contraire, un moment essentiel de l'essence.
Le vraiexiste pour lui-même dans l'esprit, apparaît en lui-même et est là pour les autres.
Il peut donc y avoir plusieurssortes d'apparence ; la différence porte sur le contenu de ce qui apparaît.
Si donc l'art est une apparence, ilaune apparence qui lui est propre, mais non une apparence tout court.Cette apparence, propre à l'art, peut, avons-nous dit, être considérée comme trompeuse, en comparaison dumonde extérieur, tel que nous le voyons de notre point de vue utilitaire, ou en comparaison de notre mondesensible et interne.
Nous n'appelons pas illusoires les objets du monde extérieur, ni ce qui réside dans notremonde interne, dans notre conscience.
Rien ne nous empêche de dire que, comparée à cette réalité,l'apparence de l'art est illusoire ; mais l'on peut dira avec autant de raison que ce que nous appelons réalitéest une illusion plus forte, une apparence plus trompeuse que l'apparence de l'art [...].
Nous savons que laréalité vraie existe au-delà de la sensation immédiate et des objets que nous percevons directement.
C'estdonc bien plutôt au monde extérieur qu'à l'apparence de l'art que s'applique le qualificatif d'illusoire.
»(Esthétique, coll.
« Champs », I, p.
29-30)Dans ces conditions, on peut bien dire avec Platon que l'art imite l'apparence, mais en précisant que cetteapparence n'est pas l'apparence banale de ce que nous nommons ordinairement la «réalité», celle que nousvoyons communément : elle est l'apparence de la réalité au regard de l'artiste, et ce dernier sait voir et nousfaire voir ce que nous étions incapable de distinguer.
C'est pourquoi l'artiste ne doit pas viser à produire unesimple imitation de la nature mais à recréer en quelque sorte la réalité pour nous en manifester la vérité..
»
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