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Auguste COMTE et l'individualisme

Publié le 20/01/2010

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auguste
Le positivisme n'admet jamais que des devoirs, chez tous envers tous. Car son point de vue toujours social ne peut comporter aucune notion de droit, constamment fondée sur l'individualité. Nous naissons chargés d'obligations de toute espèce, envers nos prédécesseurs, nos successeurs, et nos contemporains. Elles ne font ensuite que se développer ou s'accumuler avant que nous puissions rendre aucun service. Sur quel fondement humain pourrait donc s'asseoir l'idée de droit, qui supposerait raisonnablement une efficacité préalable ? Quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une portion imperceptible de ce que nous avons reçu. Ce ne serait pourtant qu'après une restitution complète que nous serions dignement autorisés à réclamer la réciprocité des nouveaux services. Tout droit humain est donc absurde autant qu'immoral. Auguste COMTE

 

            Ce texte d’Auguste Comte, extrait de Catéchisme positiviste, Dixième Entretien, nous interroge sur la place du droit, son fondement, son sens et sa valeur à l’aune de la conception positiviste de la société. C’est donc une critique virulente que Comte produit contre la notion de droit qui s’oppose au social. Cette opposition recoupe celle de l’individu et du créancier contre celle sociale du débiteur. En ce sens, il est possible de percevoir trois moments principaux dans ce texte : la dichotomie entre le positivisme et le droit (1ère partie : du début du texte à « constamment fondée sur l'individualité «), la remise en cause du fondement du droit (2nd partie : de Nous naissons chargés d'obligations de. toute espèce, envers nos prédécesseurs «), enfin, à travers la thématique de la dette envers notre passé, l’absurdité immorale du droit (3ème partie : de « Quels que puissent être nos efforts «, à la fin du texte). C’est suivant ces trois moments que nous entendons rendre compte du texte.

 

auguste

« à cela que la nature a voulu que l'homme soit libre en lui donnant la faculté de réfléchir et de se déterminer parlui-même, Auguste Comte aura beau jeu de répondre que voilà exactement une explication de type «métaphysique », ce qui ne représente qu'à peine un progrès par rapport à une explication de type théologiquequi s'appuierait sur ce que les dieux ont voulu.Si donc l'on veut bien laisser de côté les dieux ou la nature, alors il faut bien, semble-t-il, se rendre àl'évidence : « nous naissons chargés d'obligations ».

Celles-ci sont de trois sortes : « envers nosprédécesseurs, nos successeurs, et nos contemporains ».

On voit donc que le devoir ne s'arrête pas au simplerespect du droit des contemporains.

En marquant l'existence d'une série d'obligations envers ceux qui nous ontprécédés et ceux qui nous suivront, Auguste Comte pose implicitement le fondement de toute morale.

Il s'agitd'assurer la continuité de l'espèce humaine en favorisant son progrès, ce qui ne peut avoir lieu que si l'on gardemémoire du passé.

Ce ne sont donc pas à des individus que nousdevons quelque chose, mais à la société pensée dans son déroulement historique, car tout ce que noussommes en est tributaire.Ce point de vue, « toujours social » précise le texte, est en rupture avec la pensée rousseauiste du contratpassé entre des volontés libres et qui seul pourrait fonder la légitimité de toute autorité.

En effet, ces individuscontractants afin de s'associer n'existent pas.

Ce qui existe, ce sont des êtres humains déjà intégrés à unesociété et qui lui sont redevables de tout ce qu'ils sont.L'argumentation d'Auguste Comte repose sur l'équivalence étymologique du devoir et de la dette.

Il ne faut pasne voir là qu'un simple jeu sur les mots, mais plutôt la conséquence du rejet de toute explication «métaphysique » au sens comtien, c'est-à-dire de toute explication qui prétendrait s'affranchir des données del'expérience.

La réalité constatable du devoir, c'est la dette : celui qui a reçu doit rendre, en toute justice,l'équivalent de ce qu'il a reçu.

Si l'on admet ce point de vue, le reste de l'argumentation coule de source : nosdettes « ne font ensuite que se développer ou s'accumuler avant que nous puissions rendre aucun service »,et « la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une portion imperceptible de ceque nous avons reçu ».

En effet, même un grand homme particulièrement utile à l'humanité n'est ce qu'il estque par la grâce de ce qu'il a reçu de la société.

Quand bien même nous irions jusqu'à dire qu'un tel hommeaurait remboursé sa dette, jamais personne ne pourra se trouver en position d'exiger quoi que ce soit de lasociété, et l'hypothèse d'une « restitution complète » après laquelle « nous serions dignement autorisés àréclamer la réciprocité des nouveaux services » ne doit pas être prise à la lettre ; elle représente bien plutôtune limite inaccessible, qui doit aider chacun à se reconnaître éternellement débiteur.Dès lors, la question située au centre de cet extrait : « Sur quel fondement humain pourrait s'asseoir l'idée dedroit ? » trouve aisément sa réponse.

Il faut considérer tout droit humain comme « absurde autant qu'immoral», et considérer que l'idée selon laquelle il existerait des droits de l'homme n'a eu de valeur que transitoire.Dans la mesure où elle a servi à renvoyer définitivement l'idée de droit divin au rayon des idées dépassées, ellea pu avoir une justification historique, tenant à son rôle destructif.

Mais maintenant que l'Ancien Régime n'estplus, et qu'il s'agit de construire un ordre nouveau, il faut se débarrasser du ferment anarchique qui s'y trouve. Pour prolonger l'explication On peut tout d'abord compléter l'explication, en faisant remarquer les conséquences psychologiques etsociologiques de la priorité accordée au droit sur le devoir.

En posant l'existence de droits de l'hommeuniversels et inaliénables, n'a-t-on pas fabriqué des générations convaincues que tout leur était dû ? En effet,si le droit est premier, et si je n'ai au fond d'autre devoir que celui de respecter la liberté naturelle d'autrui, nevais-je pas être porté à revendiquer avant d'avoir songé à mériter ce que je revendique ? Et dans la mesure oùje pourrai toujours trou-ver que mon droit naturel n'est pas respecté dans son intégralité (ne serait-ce queparce que je n'ai pas pu choisir la société dans laquelle je suis amené à vivre), cela ne va-t-il pas me donnerun prétexte commode pour ne pas accomplir mes devoirs ?Ce type de discours, on s'en sera sans doute aperçu, est très répandu.

Mais son caractère « réactionnaire »ne doit pas nous dispenser d'examiner ce qu'il contient de vrai.

Auguste Comte montre d'ailleurs qu'on peut letenir avec une intention farouchement progressiste, et il en serait de même de nos jours.

Le problème sous-jacent à ces questions est celui du fondement de l'obligation.

Ce qui peut sembler insupportable dans lamentalité revendicatrice, c'est justement qu'elle tend à ignorer la question du fondement, ce qui la réduit àn'être plus que l'expression du caprice d'enfants gâtés par la démocratie, qui voudraient en jouir saris rien luiapporter, inconscients du prix historique qu'elle a coûté.Cependant il n'est pas sûr que de l'autre côté, du côté des tenants du devoir avant tout, on ait mieux réglé laquestion du fondement.

Il n'y a de dette que pour qui a réclamé un service.

De fait, chacun subit la sociétédans laquelle il vit, et le sentiment de reconnaissance ne peut guère avoir de sens que s'il s'adresse à unepersonne et non à une entité.

Si l'on veut vraiment écarter toute « métaphysique », alors c'est en termesd'intérêt qu'il faut raisonner, et on conviendra que l'intérêt commun doit être pris en compte, même du simplepoint de vue de l'égoïsme.

C'est ainsi que l'on pourra par exemple devenir conservateur dans la mesure où l'onse sent avantagé par la situation présente, et qu'à l'inverse seront révolutionnaires ceux qui estiment à tort ouà raison qu'ils n'ont rien à perdre, et tous trouveront facilement des justifications morales à leur combat.Cependant il n'est guère souhaitable qu'une société n'ait d'autre valeur à proposer que celle du « chacun poursoi ».

Or, l'idée de droits de l'homme mérite d'être reconsidérée à ce moment de notre réflexion.

Le problèmetient en partie dans le double sens du petit mot « de ».

Les droits de l'homme sont-ils les droits quiappartiennent à l'homme comme à leur seul maître, ou bien les droits qui traitent de l'homme comme de leurobjet privilégié ? La première interprétation ne résiste guère à la critique d'Auguste Comte.

Encore une fois,quel serait le fondement de tels droits ? Et même, de quel « homme » s'agit-il ? Qui décide du droit ? jamaisl'homme en général, en tout cas.. »

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