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Autrui m'aide-t-il à me connaître ou m'en empêche-t-il ?

Publié le 10/02/2005

Extrait du document

Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout de suite la vulgarité de mon geste et j'ai honte. (...) J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en demeure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme un objet que j'apparais à autrui. (...) la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit. » l  Ce que veut expliquer Sartre ici, c'est que quand je suis seul, je ne me connais pas, je vis, je me sens, je m'éprouve, tout au plus, mais je n'ai pas de regard extérieur sur moi-même. On ne peut pas plus dire de moi que je me connais qu'on dirait d'un animal qu'il se connaît.

Autrui m’est extérieur, il est plus éloigné de moi que je ne le suis de moi-même. En ce sens, on voit mal comment il pourrait m’aider à me connaître. Je semble être le mieux placé pour me connaître. Je suis d’ailleurs le seul à savoir ce que je pense, ce que je ressens, etc. À l’inverse, comment autrui pourrait-il m’empêcher de me connaître, puisqu’il n’a pas accès à mes pensées ? Comment pourrait-il se placer entre moi et moi-même ? Cela ne semble pas avoir de sens.

Pourtant, il m’arrive de faire l’expérience de me découvrir lorsque je suis avec un ami, pourtant les psychiatres aident leurs patients à mieux se connaître. Cela signifierait-il qu’autrui puisse m’aider à me connaître ? À l’inverse, quand je suis avec d’autres, je peux avoir l’impression de ne plus me reconnaître, de ne plus être moi-même, voire de ne plus savoir qui je suis.

De ces deux sortes d’expériences contradictoires, puis-je déduire qu’autrui m’aide à me connaître ou qu’il m’en empêche ?

« l Plus encore, c'est dans le regard de l'autre, c'est-à-dire dans le regard qu'il porte sur nous, et nonplus dans le regard que nous portons sur lui, que nous pouvons apprendre à nous connaître. Sans autrui, je ne prends même pas conscience que j'existe 2. l Sartre, l'Être et le Néant , 3e partie, I, 1 : « La honte dans sa structure première est honte devantquelqu'un.

Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : cegeste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vissimplement (...).

Mais voici tout à coup que je lève la tête :quelqu'un était là et m'a vu.

Je réalise tout de suite la vulgaritéde mon geste et j'ai honte.

(...) J'ai honte de moi tel quej'apparais à autrui.

Et, par l'apparition même d'autrui, je suis misen demeure de porter un jugement sur moi-même comme sur unobjet, car c'est comme un objet que j'apparais à autrui.

(...) lahonte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suiscomme autrui me voit.

» l Ce que veut expliquer Sartre ici, c'est que quand je suis seul, jene me connais pas, je vis, je me sens, je m'éprouve, tout auplus, mais je n'ai pas de regard extérieur sur moi-même.

On nepeut pas plus dire de moi que je me connais qu'on dirait d'unanimal qu'il se connaît. l Or la connaissance est connaissance (à comparer avec laconnaissance scientifique, par exemple) d'un objet extérieur.Pour me connaître, il faut non seulement que je sorte de moi-même pour pouvoir porter mon regard sur moi, mais il faut aussique je me mette dans la peau d'un sujet capable de connaissance, c'est-à-dire d'un autre êtrehumain. l C'est par le regard d'autrui, et parce que je me mets à la place d'autrui (que j'imagine ce qu'il peut sedire en me regardant) que je peux avoir un point de vue extérieur sur moi, le point de vue de laconnaissance. l Autrui, donc, non seulement m'aide à me connaître, mais m'est indispensable pour me connaître.

Mais il me faut apprendre à me connaître dans ma singularité, qu'autrui peut me masquer 3. l Je dois cependant garder à l'esprit que je ne suis pas autrui. l Autant me placer du point de vue d'autrui pour me regarder m'aide à me connaître, autant me croire entout point semblable à autrui, ou vouloir lui ressembler, c'est ne pas me connaître. l Nous avons en effet tendance à vouloir plaire aux autres, à vouloir leur ressembler, au risque de perdrenotre identité, notre singularité, de ne plus être ce que nous sommes, et donc de ne plus nousconnaître. l Spinoza, Éthique , III, proposition XXIX : « Nous nous efforcerons aussi à faire tout ce que nous imaginons que les hommes verront avec joie,et nous aurons en aversion de faire ce que nous imaginons que les hommes ont en aversion.

» l Contexte : Spinoza a montré que nous imitions naturellement les affections des autres : si quelqu'unaime quelque chose, nous l'aimons. l Il en déduit que nous cherchons à être approuvés des autres, car donner de la joie aux autres nousprocure de la joie. l Mais nous pouvons poursuivre l'analyse de Spinoza en remarquant qu'à trop vouloir plaire aux autres,nous risquons de ne plus être nous-mêmes, de ne plus savoir qui nous sommes ou ce que nousvoulons, c'est-à-dire de ne plus nous connaître. l C'est en cela que, loin de nous aider à nous connaître, autrui peut nous empêcher de nous connaître,en nous empêchant d'exprimer pleinement (et, par suite, de pouvoir constater) ce que nous sommes. Conclusion :. »

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