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Autrui comme limite à ma liberté ?

Publié le 14/03/2004

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Autrement dit, loin que l'on doive opposer mon être pour moi-même à mon être pour autrui, « l'être-pour-autrui apparaît comme une condition nécessaire de mon être pour moi-même » : « L'intuition géniale de Hegel est de me faire dépendre de l'autre en mon être. Je suis, dit-il, un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre. » Mais Hegel n'a réussi que sur le plan de la connaissance : « Le grand ressort de la lutte des consciences, c'est l'effort de chacune pour transformer sa certitude de soi en vérité. » Il reste donc à passer au niveau de l'existence effective et concrète d'autrui. Aussi Sartre récupère-t-il le sens hégélien de la dialectique du maître et de l'esclave, mais en l'appliquant à des rapports concrets d'existence : regard, amour, désir, sexualité, caresse. L'autre différence, c'est que si, pour Hegel, le conflit n'est qu'un moment, Sartre semble y voir le fondement constitutif de la relation à autrui. On connaît la formule fameuse : « L'enfer, c'est les autres ». Ce thème est développé sur un plan plus philosophique dans « L'être & le néant ». Parodiant la sentence biblique et reprenant l'idée hégélienne selon laquelle « chaque conscience poursuit la mort de l'autre ». Sartre y affirme : « S'il y a un Autre, quel qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, une nature ; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre.

« monde.

Mais autrui me voit.

J'existe sur le mode d' « être-vu-par-autrui ». Second moment : être vu. « Imaginons que j'en sois venu à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Jesuis seul et sur le plan de la conscience non-thétique de moi. » Je suis seul & j'existe sur le plan de la conscience non-thétique ou immédiate de moi, cela signifie que monattitude n'a aucun « dehors », que je n'ai pas conscience de « moi » comme objet et qu'il n'y a donc rien à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier , les juger.

Je suis mes actes et « ils portent en eux- mêmes leur totale justification ». « Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde. » Qu'est-ce que cela signifie , sinon que le regard d'autrui me fige.

J'étais liberté pure, conscience allégée detoute image, me voici devenu quelqu'un, un objet du regard.

Je me vois parce qu'on me voit : mon « moi » fait irruption.

En même temps j'en viens à exister sur le même plan que les objets.

Je suis objet d'un regard.

Autruisurgit et j'ai un « dehors », une apparence externe.

J'ai une nature qui ne m'appartient pas.

Ce que je suispour autrui (vicieux, jaloux...), je ne suis plus libre de l'être.

Je suis engagé dans un autre être.

Plus jamais jene pourrai échapper à l'image qu'autrui me tend de moi-même.

Autrement dit, j'existe sur le mode d' « être- pour-autrui ». « Ma chute originelle, c'est l'existence d'autrui... » Cela signifie donc que tout se passe comme si autrui me faisait m'écrouler au milieu des choses.

C'est ce que je découvre dans la honte qui n'est, au fond, que« l'appréhension de moi-même comme nature ».

Chute originelle qui fait songer au péché originel.

Je suis découvert, presque nu devant le regard tout-puissant de l'Autre, regard qui me dépouille de matranscendance. Face à autrui, je ne peux plus qu'être « projet de récupération de mon être ».

Si autrui me regarde, je le regarde aussi.

S'il tend à me chosifier, je peux faire de même.

Mon projet de récupérer mon être ne peut seréaliser que si je m'empare de cette liberté d'autrui et que je la réduis à être liberté soumise à ma liberté.

Et,en effet, tout est combat, même l'amour.

Quel est, en effet, le désir de tout être amoureux ? N'est-ce pasd'abord de posséder l'être aimé, d'en faire sa chose ? Le combat se poursuit même dans les moments les plusdoux, jusque dans le désir, la caresse.

Le désir est une tentative pour déshabiller le corps de ses mouvementscomme de ses vêtements et le faire exister comme pure chair.

Le désir, cette tentative d'incarnation d'autrui,s'exprime par la caresse : « En caressant autrui, je fais naître sa chair, par ma caresse, sous mes doigts.

La caresse est l'ensemble des cérémonies qui incarnent Autrui. » Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que la caresse, ce n'est pas le simple « contact de deux épidermes », mais une façon, pour moi, d'empâter l'être désiré dans sa chair : « Mon but est de le faire s'incarner à ses propres yeux comme chair, il faut que je l'entraîne sur le terrain de la facticité pure, il faut qu'il se résume pour lui-même à n'être que chair... » Devenu corps, chair, présence offerte, sous mes doigts, par ma caresse, autrui ne me transcende plus.

Je suisrassuré : autrui est ma chose, il ne sera plus que ceci, cad chair. Si Sartre nous fait sentir toute cette « part du diable » qu'il peut y avoir dans nos rapports avec autrui – qui, comme sa pièce de théâtre « Huis clos » tend à montrer, sont souvent « tordus » - notons cependant que la vision sartrienne n'est pas entièrement négative.

Sartre , à la suite de Hegel , reconnaît que j'ai besoin de la médiation d'autrui pour obtenir quelque vérité sur moi.

Des sentiments comme la honte ou lapudeur ne me découvrent-ils pas des aspects essentiels de mon être que j'ignorais sans autrui ? Avoir honte,n'est-ce pas reconnaître que je suis tel qu'autrui me voit ? Que cette image qu'autrui me tend de moi-mêmen'est pas une vaine image ? Autrui est, ainsi, un médiateur indispensable entre moi & moi-même.

Il me faitpasser d'une « conscience non-positionnelle de soi » à « une conscience réflexive ».

Autrement dit il me fait accéder à une véritable conscience de moi-même.

D'où la formule : « Je suis un être Pour-soi, qui n'est Pour- soi que par un autre. » Enfin si la relation à autrui est conflictuelle, c'est parce que le projet originel de tout être humain,c'est d'être cause de soi, de coïncider totalement avec lui-même, tel Dieu.

Or, ce projet d'être Dieu est,comme le dit Sartre , une passion inutile.

La peinture du vécu concret de l'altérité dans « L'être & le néant » ne peut, sans doute, se comprendre qu'en référence à ce projet de l'homme.

Si l'homme pouvait renoncer àcela, peut-être pourrait-il alors accéder à une vie plus authentique en assumant sa liberté et en reconnaissantla liberté d'autrui comme autre.. »

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