Autrui n'est-il qu'un objet pour moi ?
Publié le 27/02/2008
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«
1.
Le sujet 45
Afin de répondre à cette question, nous envisagerons différentes conceptions de la
nature d'aut rui : en quel sens peut -on dire qu'il est un objet, voire seulement un objet ?
Quelles difficultés cette affirmation entraîne-t-elle, tant d'un point de vue psychologique
que moral ? De quoi témoigne la volonté de chosifier l'autre, ou de se chosifier soi-même ?
Qu' est -ce que cela nous apprend finalement sur nous-mêmes ? C'est notamment en nous
appuyant sur les conceptions développées par Sartre et par Kant que nous tenterons
d'apporter des réponses à ces questions concernant la nature des rapports humains,
aussi bien réels que fantasm és.
1re partie ......................................................................................................................
.
Par définition, autrui est mon semblabl e, un autre moi que moi-même.
Aussi
suis-je à mon tour autrui pour lui.
Si cette réversibilité se comprend bien en
théorie, force est de constater qu'elle n'est pas toujours respectée en pratique : je
fa is sou vent davantage cas de moi-même que de l'autre, et je me comporte à son égard
d'une façon que je trouve inacceptable lorsque c'est autrui qui l'adopte.
Dans le même
sens, il y a fort à parier qu'autrui ne me perçoit pas comme je me perçois moi-même et,
réciproquement, qu'il ne se perçoi t pas lui-même comme je le perçois.
Or, comment le
vo is-je tout d'abord ? Comme un objet, et peut-être même uniquement comme tel.
En
eff et, si l'on entend par le mot objet ce à quoi se rapporte (ou peut se rapporter) un sujet,
pa r la perception, l'imagination ou la pensée, il est clair qu'autrui n'est qu'un objet parmi
tant d'autres :je crois en l'existence de Paul pour les mêmes raisons que je crois en l' exis
tence de cette table ou de la planète Jupiter, c'est-à-dire parce que je le perçois, ou parce
qu'un tiers m'assure qu'il l' a perçu.
Autrement dit, je crois en l'existence d'autrui parce
que, comme pour tout autre objet, je peux le voir, l'entendre, le toucher, etc.
Par ailleurs, certains domaines exigent que l'on réduise autrui à un simple
objet, à une chose animée, et non pas à un être par rapport auquel on pourrait
avo ir de la compassion.
Le domaine médical est sur ce point exemplaire : pour bien
exercer son savoir-faire, le chirurgien doit ne voir autrui que comme un objet qu'il faut
guérir, un corps qu'il s'agit de réparer comme un mécanicien réparerait une voiture.
Le
médecin ne doit pas alors s'identifier à la souff rance de son patient : il doit la prendre
en compte, ainsi que certaines données d'ordre psychologique, mais sans se l'appro
prier person nellement.
On peut par conséq uent considérer qu'autrui cesse d'être un
objet quand j'éprouve de la com passion envers lui.
Dans Le fondement de la mor ale,
Schopenhauer avance d'ailleurs l'hypothèse selon laquelle c'est la « compassion »,
l'empathie qu'un sujet ressent pour un autre sujet, qui est la base de la véritable
morale.
Le mot comp assion provient du latin cum patum, signifiant souffrir avec : lorsque
je compatis à la souff rance d'autrui, ou que je partage sa joie sans éprouver de jalousie, je
me mets littéralement à sa place.
Je ne le vois plus alors ni comme un objet ni comme un.
»
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