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Autrui peut-il m'aider ?

Publié le 10/03/2004

Extrait du document

L'énoncé du sujet est quelque peu déroutant. Pris au sens littéral, il est en effet évident qu 'autrui peut m'aider et on ne voit pas où est le problème. Il convient donc de « problématiser « cette question, de lui donner un sens philosophique. On peut par exemple le faire en se demandant si je puis considérer autrui en tant qu'autrui, c'est-à-dire en tant que personne, comme une aide, c'est-à-dire faire de lui un moyen au service de mes fin (ou bien voir en lui un obstacle s'opposant à ces fins).

  • 1) Autrui, obstacle et moyen pour moi
  • 2) L'amitié est-elle égoïste ?
  • 3) Mon devoir est de traiter autrui comme une fin

« Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présenced'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait ladémonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais àautrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

Lahonte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Elle estimmédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt dela tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclencheaussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est commeobjet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Jereconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devantautrui; ces deux structures sont inséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui poursaisir à plein toutes les structures de mon être.

Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.

La présence d'autruiexplicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif,l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le fait premierest la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double etréciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce quim'exclut en étant soi.Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui,comme nous l'avons dit', font preuve.

La même analyse pourrait être faite,comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaîttributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoirpour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de laformule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de laconnaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement. De même, très tôt, Aristote affirmait qu'apprendre à se connaître était chose très difficile et que "par conséquent, àla façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre ànous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir." Dans une même lignée, Sartre affirme que je me vois tel qu'autrui me voit et autrui est constitutif de la consciencede soi spontanée que chacun a : ce qu'on est pour soi, c'est d'abord ce qu'on est pour autrui. Ainsi, le regard d'autrui sur moi, m'est indispensable pour prendre conscience de moi-même. La conscience solitaire « Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, par vice, à coller mon oreille contre une porte, à regarderpar le trou d'une serrure.

Je suis seul et sur le plan de la conscience non thétique (de) moi.

Cela signifie d'abord qu'iln'y a pas de moi pour habiter ma conscience.

Rien donc à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier.

Ils nesont nullement connus, mais je les suis [...].

Ma conscience colle à mes actes, elle est mes actes » (L'Etre et leNéant, 1943, rééd.

Tel, p.

305). La conscience devant autrui « Voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu.

Je réalise tout à coup toute la vulgarité demon geste et j'ai honte.

[...] J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui.

Et, par l'apparition même d'autrui, je suismis en demeure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet » (id., p.

307). La présence d'autrui n'implique pas une simple révélation de ce que je suis ; elle me constitue comme un êtrenouveau, « vulgaire » par exemple, que je n'étais pas et que je ne pouvais donc pas connaître avant l'apparitiond'autrui.

Cet être que je suis devenu sous le regard d'autrui est « solidification et aliénation de mes proprespossibilités » car « s'il y a un Autre, quel qu'il soit, [...] sans même qu'il agisse autrement sur moi que par lesurgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre ; et lahonte est — comme la fierté — l'appréhension de moi-même comme nature » (id., p.

307).Dans ces conditions, « le conflit est le sens originel de l'être-pour-autrui ».

En effet « autrui est d'abord pour moil'être pour qui je suis objet », il menace donc ma qualité de sujet libre, que je suis radicalement.

Toute rencontreest heurt, affrontement de libertés. Transition. La notion d'aide entendue comme moyen et son contraire, celle d'obstacle, nous l'avons vu, ont en commun d'être relatives à une fin qui leur est extérieure.

On comprend alors dans quelle direction on doit orienter laréflexion lorsqu'on demande si autrui peut m'aider, celle de savoir si, dans la relation que j'entretiens avec lui, autruipeut être autre qu'un être relatif à une fin autre que lui.

Autre qu'un être dont la rencontre concerne mon être.. »

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