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Avons-nous le droit de nous venger ?

Publié le 28/01/2004

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droit
Mais il y a parfois loin des principes à la réalité : le droit réel est le produit de circonstances historiques et de rapports de force, il est l'objet de batailles dont l'enjeu est souvent la défense d'intérêts particuliers.Destiné à bannir la violence de la société, le droit est souvent un produit de la violence, lorsqu'une partie de la société impose sa loi à une autre, il sert parfois à perpétuer la violence quand il est placé au service d'une oppression ou d'une exploitation de l'homme par l'homme.La loi et les décisions judiciaires doivent inévitablement recevoir le renfort de la force publique : qui se soucierait de les respecter, s'il n'y avait la peur du gendarme ? La balance reçoit le concours du glaive. Si le droit le juste, républicain, il s'agit bien d'une force publique, dont l'usage répond à l'intérêt collectif. En revanche, là où le droit servirait partialement à maintenir des situations d'oppression ou d'exploitation abusive, l'usage de la prétendue force publique ne serait pas autre chose qu'une perpétuation de la violence.Le spécialiste en droit peut nous indiquer « ce qui est le droit », cad ce que disent et ont dit des lois en un certain lieu et à une certaine époque, mais il ne peut pour autant dire si le droit positif est juste parce que le critère universel auquel on peut reconnaître le juste de l'injuste lui échappe. Seul le droit naturel qui ne repose que sur des principes a priori -indépendants de l'expérience qui est toujours particulière- peut fournir à une législation positive ses principes immuables. Réaliser pratiquement l'idée de droit, c'est éliminer toute violence au sein des sociétés humaines. Ce qui ne signifie pas que tous les moyens sont bons ou que toute détermination positive du droit soit moralement permise, voire prescrite.
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« Quelle est alors la finalité de la vengeance? Lorsque Edmond Dantes, qui plus tard deviendra le comte de Monte-Cristo, décide de se venger, il espère compenser le tort qu'il a subi, en punissant les agents de son malheur.

Maisdans la vengeance, le châtiment ne restaure pas une situation antérieure.

Le mal commis ne peut être aboli.

Et rienjamais n'annulera les années passées par Edmond Dantes en prison.

Aucun châtiment ne restitue ce qui a été perdu.Mais si le châtiment ne guérit pas du mal physique, il peut apporter une consolation morale; la consolation d'avoirpuni celui qui a eu l'intention de nous nuire.

On ne désire pas tant se venger de qui nous a fait du mal, mais de quis'est appliqué à nous faire du mal.Or cela demande des lumières que l'homme naturel n'a pas, ni du côté de celui qui produit le préjudice, car il nepense pas en réalité s'en prendre à une personne propre, ni du côté de celui qui le subit, puisqu'il ne se sent pasvisé personnellement.

Voilà pourquoi les hommes, dans l'état de nature, peuvent s'infliger mutuellement beaucoup deviolence sans pourtant s'offenser, et inversement les hommes, dans l'état de société, s'offenser pour presque rien -c'est l'histoire du Cid de Corneille. 2.

La justice se distingue d'abord de la vengeance par ceci qu'elle tente de la contenir.

Bien sûr, la vengeance necessera jamais de s'exercer, mais du moins la justice s'emploie à en limiter les effets.

La vengeance engendre lavengeance en une chaîne infinie.

C'est un mécanisme itératif que rien ne semble pouvoir freiner.

On se venge d'uncrime de sang en faisant couler à nouveau le sang.

Mais le châtiment infligé apparaît comme un préjudice pour celuiqui en est la victime, il n'est pas vécu par elle, comme la juste compensation d'un dommage.

Ce qui rouvre le conflit,loin d'y mettre un terme.

On est ainsi pris dans un enchaînement inéluctable de la violence.De crimes en représailles, la vengeance contamine tout le corps social, et le menace d'éclatement.

Cette réactionen chaîne n'a pas d'origine précisément assignable ; le crime que la vengeance punit est lui-même conçu comme lavengeance d'un crime plus originel.

Rien dans la vengeance donc ne semble pouvoir en arrêter les effets. 3.

La justice a pour fonction première de se substituer à la vengeance.

Une peine est toujours infligée, toutefois cen'est plus un particulier qui en décide, mais la loi.

Et cela change tout.

Lorsqu'il y a vengeance, le choix de la peineest fixé par la personne lésée, ou par l'un de ses proches, qui par contagion s'estime blessé.

Ainsi on ne voit pasqu'il y ait un vrai principe de justice, puisque la sanction est prononcée par quelqu'un qui est juge et partie.

Lajustice s'exerce d'une façon bien plus impersonnelle et anonyme.

Le juge ne prend pas parti, il décide en touteimpartialité, il n'est selon la fameuse formule de Montesquieu que la «bouche qui prononce les paroles de la loi».Extérieur au conflit, on peut attendre du juge qu'il n'écoute que la voix de sa raison, et qu'il ne cède pas aux sirènesde la passion et du sentiment.L'acte de la justice s'effectue par un tiers, qui surplombe les deux parties en présence, la personne lésée et lecriminel.

(Dans le cas de la vengeance au contraire, le tiers est exclu.) En conséquence de quoi, la sanctionprononcée par le juge stoppe le mécanisme de la vengeance.

Auprès de qui le justiciable pourrait-il se plaindre dusort qui lui est fait, puisque le juge ne se veut que l'écho de la loi? On ne peut s'attaquer à une entité abstraite telleque la justice.Quant au plaignant, deux situations peuvent se présenter à lui.

S'il estime que la peine retenue par la justicecorrespond à ce qu'il attendait, la vengeance devient inutile.

Le sentiment d'avoir été vengé s'éprouve au travers duverdict de la justice.

Sans être une vengeance, la justice assouvit dans ce cas un désirde vengeance.

Mais à parler rigoureusement, le criminel n'est pas vengé, il subit le châtiment de la justice.

Si, aucontraire, le plaignant n'obtient pas la sentence escomptée, la puissance de la justice le dissuade suffisamment dese venger.La justice donc restreint la vengeance à sa portion congrue.

Elle court-circuite la chaîne indéfinie de la violenceréciproque, et disqualifie la vengeance, en la décrétant hors la loi.

Celui qui prétend, au nom de la justice deshommes (qui se serait révélée trop clémente), ou d'une justice divine supérieure, se substituer à la force des lois,c'est-à-dire à la seule véritable justice, cherche un alibi à une vengeance personnelle.

Nul n'a le droit de se fairejustice.

La justice s'affirme et se fait par elle-même.

Qui veut la détourner à son profit devient injuste. 2.

La justice vengeresse 1.

Il reste à s'interroger maintenant sur la question de l'évaluation des peines selon que l'on a affaire à un acte dejustice, ou de vengeance.

Nous avons tendance à voir dans la loi du talion le principe de compensation à l'oeuvredans toute vengeance.

Le châtiment aurait pour but de réparer le crime, ce qui imposerait que la peine lui fût égale.Se venger consisterait à rétablir l'équilibre, donc à infliger un dommage identique au préjudice subi.

Ce que rendparfaitement la loi du talion qui dit «oeil pour oeil, dent pour dent ».

Cette formule traduit pour nous l'aspect cruel etsanguinaire de la vengeance.Or en replaçant ce principe dans son contexte (Lévitique, 24), nous découvrons, comme le dit le philosophe Lévinasdans Difficile liberté (voir le chapitre qui s'intitule «La loi du talion»), «qu'il s'insère dans un ordre social où aucunesanction, si légère soit-elle, ne s'inflige en dehors d'une sentence juridique».

La loi du talion, loin d'exciter et defavoriser la vengeance, limite son extension.

Il est effrayant, dira-t-on, que, pour un oeil crevé, on doive répondrede la même manière.

Mais la formule signifie également que l'on ne fera rien de plus, par exemple crever les deuxyeux, ou plus radicalement tuer.

Pour tant de dents brisées, on rétorquera par autant de dents endommagées.

Etpar là, la loi du talion, interdit une montée en puissance des peines.

La loi du talion prône le châtiment et tout à lafois la restriction de ce châtiment.

Ce qui préfigure l'installation d'une justice fondée sur l'égalité.

La vengeance,elle, n'exclut pas que le châtiment surpasse le mal reçu, puisque, comme nous l'avons dit, elle se rapporte àl'offense, et non au préjudice objectif.La justice pénale, comme application de la loi, cherche à proportionner la peine au crime.

Les auteurs du XVIIIesiècle qui s'intéressent à cette question sont tous très sensibles à cette idée d'une différenciation des peines.Montesquieu, dans un chapitre de L'esprit des lois (chap.

XVI, livre VI), entièrement consacré à ce problème et. »

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