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Barthes : Texte scriptible, texte lisible

Publié le 29/03/2011

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   Comment [...] poser la valeur d'un texte? Comment fonder une première typologie des textes? L'évaluation fondatrice de tous les textes ne peut venir de ni la science, car la science n'évalue pas, ni de l'idéologie, car la valeur idéologique d'un texte (morale, esthétique, politique, aléthique3) est une valeur de représentation non de production (l'idéologie « reflète «, elle ne travaille pas). Notre évaluation ne peut être liée qu'à une pratique et cette pratique est celle de l'écriture. Il y a d'un côté ce qu'il est possible d'écrire et de l'autre ce qu'il n'est plus possible d'écrire; ce qui est dans la pratique de l'écrivain et ce qui en est sorti : quels textes accepterais-je d'écrire (de ré-écrire), de désirer, d'avancer comme une force dans ce monde qui est le mien? Ce que l'évaluation trouve, c'est cette valeur-ci : ce qui peut être aujourd'hui écrit (ré-écrit) : le scriptible. Pourquoi le scriptible est-il notre valeur? Parce que l'enjeu du travail littéraire (de la littérature comme travail), c'est de faire du lecteur, non plus un consommateur, mais un producteur de texte. Notre littérature est marquée par le divorce impitoyable que l'institution littéraire maintient entre le fabricant et l'usager du texte, son propriétaire et son client, son auteur et son lecteur. Ce lecteur est alors plongé dans une sorte d'oisiveté, d'intransitivité, et, pour tout dire, de sérieux : au lieu de jouer lui-même, d'accéder pleinement à l'enchantement du signifiant, à la volupté de l'écriture, il ne lui reste plus en partage que la pauvre liberté de recevoir ou de rejeter le texte : la lecture n'est plus qu'un référendum. En face du texte scriptible s'établit donc sa contre-valeur, sa valeur négative, réactive : ce qui peut être lu mais non écrit : le lisible. Nous appelons classique tout texte lisible.    S\Z, Éditions du Seuil, 1970, collection « Tel quel «, p. 10.

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