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Baruch SPINOZA: Pour former l'État…

Publié le 09/04/2005

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spinoza
Pour former l'État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d'une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l'individu n'avait renoncé à son droit d'agir suivant le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir par son propre décret qu'il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de changer quoi que ce soit dans l'État de l'autorité de son propre décret. Baruch SPINOZA

POUR DÉMARRER Spinoza applique, dans ses analyses, une règle fondamentale, reposant sur la distinction des pensées et des paroles, d'un côté, et des actions, de l'autre. Conseils pratiques Posez-vous la question : dans un État, quelle est la limite de la liberté de penser et de parler ? Définissez bien l'État comme organisation politique de la société. Notez que Spinoza dessaisit l'individu d'une partie de sa liberté d'action et conserve sa liberté d'opinion. Bibliographie SPINOZA, Traité théologico-politique, in Spinoza, Ouvres, tome 2, GarnierFlammarion.

 

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« s'agissait que de cela, nous resterions dans le simple ordre du discours, bâtissant des idées restant au fond dedouces rêveries, et même, au sens étymologique du mot, des utopies ( utopos en grec, qui signifie « qui n'a pas de lieu » soit pas de lieu pour se réaliser).

Souhaiter un régime qui permette aux hommes de se réaliser est une chose, mais penser sa véritable concrétisation en est une autre, soit penser ce qui en l'homme le rend capable de vivre unetelle aventure.

Or, c'est ici toute la question.

Comment concilier un pouvoir qui s'appliquerait aux hommes tout enrespectant ce qu'ils sont, des êtres libres.

Comment l'exercice du pouvoir, qui s'accompagne du renoncement pourchacun de certains de ses droits, peut s'accorder avec la liberté humaine? Démocratie: est-elle seulement possible?I. Spinoza commence par répondre à une question: à qui peut appartenir en propre le pouvoir de décréter? En d'autrestermes, à qui revient la souveraineté, soit cet espace ou s'exerce proprement le pouvoir politique? Ainsi, on peutétablir, comme le fait Spinoza lui-même, un spectre qui va du pouvoir de tous, au pouvoir d'un seul, en passant parle pouvoir de quelques uns.

D'un côté du spectre, la possession du pouvoir revient donc à un ensemble large autantque faire ce peut.

On parle en ce sens d'une démocratie, soit un type de pouvoir où chacun à part à prendre dansla décision collective.

Chacun est occupé en ce sens, et préoccupé par la res publica , la chose publique.

Parce que le pouvoir appartient à tous, il n'appartient précisément à personne en propre.

Personne ne jouit alors d'un statutparticulier qui le hisserait au-dessus du reste des décisionnaires.

Au milieu du spectre, soit lorsque le pouvoirappartient cette fois-ci à un ensemble plus restreint, lorsqu'il n'appartient qu'à quelques uns, on parle alorsd'oligarchie.

Cette fois-ci, ce ne sont que quelques hommes qui bénéficient du pouvoir, quelque soit la manière dontils y sont parvenus.

Enfin, à l'autre extrémité du spectre, le pouvoir cette fois-ci, n'est pas partagé: il est pour ainsidire autocratique, en ce sens qu'il n'appartient plus qu'à un seul comme ceci peut être le cas dans une monarchieabsolue.

Le pouvoir est alors donné à un seul qui bénéficie d'une marge d'action extrêmement large, plus large quen'importe quel autre sujet.

Et c'est légitimement que l'on parle de sujet, soit étymologiquement, subjectum , ce qui se tient en dessous, entendons en-dessous du pouvoir. Bien évidemment, Spinoza trouve que la démocratie demeure le régime qui optimise de façon incontestable la libertéde chacun.

Mais une nouvelle question fait irruption: peut-on penser concrètement un république? En d'autrestermes, le pouvoir peut-il être partagé? Y a-t-il réellement possibilité de la chose publique, d'un pouvoir partagé partous et donc par définition pouvoir commun? Il faut saisir l'inquiétude de Spinoza, une inquiétude qui naîtprécisément de la définition erronée de la liberté qu'établissent la plupart des hommes.

En effet, la plupart pensentque la liberté peut se définir comme pouvoir de faire ce que l'on veut .

C'est à vrai dire une définition appauvrie de la liberté.

Faire proprement ce que l'on veut est très loin d'être une preuve de réelle liberté.

L'homme qui est ivre et quicrie à qui veut l'entendre qu'il est libre l'est-il pour autant? Non, de toute évidence, c'est l'alcool qui parle à traverslui, c'est elle qui guide ses actes, et en cela, il n'est qu'un pantin.

Ce qui pose problème pour Spinoza, c'estjustement cette illusion de liberté: les hommes agissent indépendamment de la conscience d'agir, ils ne saisissentpas la véritable source de leur action.

Là où ils se pensent libres parce qu'ils font ce qu'ils veulent, ils ne font querépondre à des impulsions irrationnelles qui les contrôlent plus qu'il ne les contrôlent.

Ils deviennent les hôtes, oumême le moyen pour ces inclinations de s'exprimer.

L'un croit être libre, alors que ce sont des inclinations violentesqui parlent à travers lui.

L'autre se croit libre, alors que c'est la souffrance, sa propre souffrance, qui le pousse àagir de telle ou telle manière.

Non seulement les hommes ne deviennent que des pantins de leurs propresinclinations, mais ils ne font même pas retour sur eux pour se rendre compte à quel point ils sont esclaves. Or, pour Spinoza, il est claire que la démocratie ne peut reposer sur un tel fonctionnement individuel, sur une tellecroyance erronée.

On pourrait presque, pour comprendre ce passage, repenser à la phrase qui ouvre le Discours de la méthode de Descartes, en la comprenant de manière ironique: « Le bon sens est la chose la mieux partagé au monde ».

Chacun croit être doté mieux que quiconque de bon sens.

Et c'est précisément cette haute (mais surtout erronée) image de soi qui pousse chacun à penser qu'il a raison d'agir de telle ou telle manière.

Chacun se sentappuyer par la propre estime qu'il a de lui-même dans ses actions, aussi capricieuses soient-elles.

Il y afoncièrement une fragmentation du champ social: chacun opine dans le sens qui lui convient: il se croit libre parcequ'il fait ce qu'il veut, et se sent légitime parce qu'il entretient une fausse image de lui-même.

L'homme se croit librelà où il est esclave: à une fausse définition de la liberté il rajoute un autre méfait, celui de ne jamais faire retour surlui et ainsi de s'ignorer foncièrement.

L'homme se croit ainsi libre lorsqu'il encourage des mesures sécuritaires, alorsque c'est la peur qui guide chacune de ses pensées, une peur qui avance en son esprit de manière discrète, unepeur qu'il ne perçoit jamais.

Son jugement n'est jamais libre mais foncièrement hétéronomique.

On entend par làqu'une foule de motif le pousse à agir de telle ou telle manière sans même que l'homme perçoive l'ensemble de sesmotifs qui opèrent pour la plupart dans l'ombre.

C'est ce qui inquiète Spinoza: le vivre-ensemble n'est pas innésemble-t-il: la volonté particulière ne semble pas coïncider spontanément avec la volonté générale.

Et parce quechacun veut toujours contre les autres, le champ social risque de devenir un champ de guerre ou tous pensent à ladéfense de leur propres intérêts dans jamais concevoir plus largement le devenir de l'ensemble social. Démocratie: le renoncement à soi? II. Ce qui semble découler de la première partie du texte, c'est que la démocratie demeure foncièrement impossible.

Sibeaucoup juge de façon erronée, tout en ignorant le jugement d'autrui, et surtout, tout en étant persuadé de lajustesse de son propos par la fausse idée qu'il entretient de lui, il semble que la sphère sociale soit vouée àexploser.

En effet, si chacun pense comme il l'entend, jamais il ne pourra se produire un consentement commun, unaccord global qui établisse précisément une volonté générale.

La conclusion logique à cela serait que chacun. »

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