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LA BATAILLE D'« ANDROMAQUE» (Racine)

Publié le 13/04/2011

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andromaque

Racine avait soumis Alexandre à Corneille, alors âgé de cinquante-neuf ans, et l'auteur du Cid lui a déclaré tout net qu'il avait un grand talent pour la poésie, mais qu'il n'en avait point pour la tragédie. Or, Algésilas, représenté cinq mois après Alexandre, à l'Hôtel de Bourgogne, est une chute complète (avril 1666). Racine savait qu'il ferait mieux, « et il attendait qu'une belle idée s'emparât de son imagination «. On ne sait pas comment il s'arrêta au sujet d'Andromaque. L'explication la plus saugrenue en apparence, le veuvage de la Du Parc, est peut-être la meilleure. Il lut bientôt chez Henriette d'Angleterre, Madame, des fragments d'une tragédie émouvante qui arrachaient souvent des larmes à son auditrice dont l'émotion s'explique par la valeur du texte et par l'art du lecteur, lequel, de l'avis de tous, eût été un acteur sans égal.

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« Qui, sans le flatter nullementOn ne peut voir assurément,Ou du moins je me l'imagine,Des plus beaux faits d'une Racine...

» Ainsi la pièce fut jouée d'abord à la cour, dans les appartements de la Reine, et deux ou trois jours après, rueMauconseil. « Andromaque, veuve d'Hector » était représentée par Mlle Du Parc.

« FLORIDOR » tenait le rôle de Pyrrhus.

Floridor, de son vrai nom Jolias de Soulas, était denoblesse briarde.

Ecuyer dans les gardes françaises avant de monter sur les planches, il avait brillé au Théâtre duMarais, et depuis 1643 tenait les premiers emplois à l'Hôtel de Bourgogne, dont il était l'« orateur », annonçant lesspectacles nouveaux; de grande taille, doué d'un organe plein et sonore, la physionomie ouverte et distinguée,d'une probité à toute épreuve, il fut un des plus fameux comédiens du XVIIe siècle. Zacharie Jacob, dit « MONTFLEURY », un Angevin, lui aussi d'extraction noble, ancien page du duc de Guise, prêtaità Oreste un étrange physique.

Envahi par l'embonpoint, « gros et gras, entripaillé comme il faut », dit Molière(Impromptu de Versailles), âgé de soixante ou soixante-huit ans, il jouait en force, se démenant comme un diable,manière qui avait assuré sa réputation et les propos mordants de Cyrano de Bergerac. Mlle DES ŒILLETS (Alice Faviole ou Faviot, femme de Nicolas Devintz des Œillets), née vers 1621, qui débuta vers1658, était Hermione, après avoir été Axiane dans Alexandre.

Le Mercure dira d'elle, après sa mort, survenue le 26octobre 1670 : «C'était une très excellente et gracieuse comédienne, quoique laide, point jeune et fort maigre, maismalgré cela, fort pleine d'agrément : le tragique était son fort.

» Avec de tels interprètes, l'œuvre alla aux nues et, chose rare, connut d'emblée un égal succès devant la Cour et devant le public ordinaire des comédiens du Roi. ELLE APPORTAIT TANT DE NOUVEAUTÉ, UNE CONCEPTION SI RÉVOLUTIONNAIRE DE LA TRAGÉDIE, QUE SONRETENTISSEMENT N'EST COMPARABLE QU'AU BRUIT QUE FIT LE « CID » EN SON TEMPS.

Corneille en ressentit unevive jalousie, et se rangea parmi le petit groupe des opposants, avant de diriger la cabale contre Britannicus.

Lespartisans de Corneille se divisèrent.

Saint-Evremont, exilé à Londres, parce qu'ami de Fouquet, et qui, aprèsAlexandre, disait que la vieillesse de Corneille ne le tourmentait plus, était un peu réticent.

Il écrit : « ...C'est unebelle pièce, fort au-dessus du médiocre, quoique un peu au-dessous du grand » et quelques jours après : « ...Ellem'a semblé très belle, mais je crois qu'on peut aller plus loin dans les passions ». Si Louis XIV aimait tout à fait l'œuvre, le grand Condé trouvait Pyrrhus trop violent, trop emporté, trop farouche; M.le duc de Créqui critiquait Pyrrhus, trop passionné, Oreste mauvais diplomate; pour le comte d'Olonne, Andromaquedemeurait trop fidèle à un mort. Le clan des poètes tragiques, auquel s'était joint Chabelain, expliquait ce succès par le mérite des acteurs. La vieille Cour, fidèle à Corneille, son contemporain, emboîta le pas. Racine, « mieux armé de railleries caustiques pour se venger que d'un juste dédain pour se mettre au-dessus detraits ridicules souvent partis de bien bas », fit front.

Avant de légitimer, pour les censeurs éclairés, son point devue dans les « préfaces » de la pièce, il lança des épigrammes virulentes contre ceux qui s'étaient découverts.Créqui, d'une virilité douteuse, avait été à Rome, en 1662, près du pape, un déplorable ambassadeur.

La comtessed'Olonne n'était point attachée à ses devoirs.

Deux quatrains coururent les salons et les ruelles : « La vraisemblance est peu dans cette pièce, Si l'on en croit d'Olonne et Créqui : Créqui dit que Pyrrhus aime tropsa maîtresse, D'Olonne qu'Andromaque aime trop son mari ». et : « Créqui prétend qu'Oreste est un pauvre homme Qui soutient mal le rang d'ambassadeur : Et Créqui de ce rangconnaît bien la splendeur ! Si quelqu'un l'entend mieux, je l'irai dire à Rome.

» Les événements se mirent du côté de Racine et d'une étrange façon : le 13 décembre, après quelquesreprésentations, meurt Montfleury, « Lequel a, jouant Oreste,Hélas ! joué de tout son reste.

» On raconte que, dans le feu de l'action, il craqua les ceintures qui lui contenaient l'abdomen et périt d'éventration.. »

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