Devoir de Philosophie

G. BATAILLE, L'Érotisme, Deuxièmes partie (« Études diverses sur l'érotisme »), Etude IV : l'énigme de l'inceste

Publié le 20/10/2012

Extrait du document

 
 
                  « Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apporte pas de réserve. Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations, d'une part, celle que l'homme fait du monde donné et, d'autre part, celle de sa propre animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme. «
 
G. BATAILLE, L'Érotisme, Deuxièmes partie (« Études diverses sur l'érotisme «), Etude IV : " l'énigme de l'inceste ", U.G.E., coll. 10/18, p. 237.
 
 
Par quel mouvement dialectique le travail peut-il rattraper l’éducation ? Nature et culture sont ici un couple de notion qui est repris sur le monde de la négation puisque le travail et l’éducation ont pour finalité commune la transformation humaine de la nature extérieure t de la nature humaine. La thèse clairement énoncée consiste à soutenir que l’homme est le seul animal qui nie le donné naturel, en lui et en-dehors de lui.
Pourquoi G. Bataille lie-t-il nécessairement travail et éducation ? Plus précisément l’homme en tant que double négativité de la nature extérieure et de sa nature intérieure entretient-il encore une liaison avec la nature. Si l’homme et le monde sont des êtres culturelles n’est-ce pas dire que depuis lors la nature externe/interne est une fiction ? Dans ce texte, il est clair que son propos est de comprendre l’émergence de l’humaine nature au terme d’une nouvelle approche définitionnelle de l’homme. Mais quelle est la ligne de démarcation qui tranche entre nature et culture, entre animalité et humanité ? Plus exactement : faut-il penseur avec notre auteur que travail et éducation sont les discriminants entre l’ordre de l’humanité et celui de l’animalité ou bien soutenir qu’il existe d’autres points de rupture plus fondamentaux ? 
 

« serait être.

Elle lui donne vie, et le maintien en vie.

Ce qui est donné à l’homme peut êtr e inné comm e la naissance ou l’envi ronn em ent, ou bien encor e donné après coup.

Par et dans l e travail l’homme modifie ce donné premier comme « matière première ».

G.

Bataille instaure une ligne de démarcation entre la sphère animalière et la sphère de l’humanité.

Si l’animal n’est rien d’autre que ce qu’il est pour ne satisfaire que ses besoins élémentaires, l’homme, quand à lui, modifie le donné intérie ur par le je u de la négation.

Si l’homme travaille c’est parce que est l’animal qui ne peut fondamentalement pas s’adapter à la nature et à sa nature.

Il n’est pas de sa nature de se conformer à la nature.

C’est pourquoi il est en son être de refuser ce qui lui est donné.

Loin d’être immédiatement et spontanément en accord à la nature, l’ homo laborans doit produire un monde « artificiel » dans lequel il peut exister.

Il doit ainsi produire ses propres conditions d’existence.

Le travail n’est pas ici perçu comme simple production de richesses (des biens, des services), il est appréhendé dans son essence.

G.

Bataille e st le voisin de Marx lors que celui -ci dit que « le travail est de pr ime abord un acte qui se passe entre l’homme e t la nature » (Le Capital , I, 3, cha p.

VII).

L’homm e e st l’ élém ent natur el qui s e r e tourn e contre la nature.

Assurément le travail est -il souffrance, douleur — ce que signifie son approche étymologique tripalium , qui désignait soit une machine où l’on assujettissait les chevaux pour les ferrer, soit un instrument de torture.

Mais G.

Bataille en suivant Hegel dépasse ce qui se tient à la surface de cette activité pour la comprendre comme le moyen par lequel l’hum anité peut se réaliser.

Ce qu’il retint de Hegel, c’est la reprise de l’humanité par le truchement de la conscience : conscience de la mort et du travail dont nous gardons une nostalgie même si le travail en sa négativité expulse la violence originelle que nous impose la nature sous la forme de la mortalité et de la sexualité.

Aussi le travail n’est pas un accident historique ni une fatalité ni une détermination sociologique, il définit l’essence de l’homme.

Si l’animal ne produit que sous l’empris e des besoins physiologiques , l’homme travaille alors même qu’il s e délivre de la s eule sati sfaction de s es b esoins physiques.

Si la production ani malière se situe dans le prolongement de son corps , il transforme son milieu avec ses dents, av ec se s griffes ; l’homm e se tient face à sa propre production.

C’ est dire que seul l’homme travaille.

Ainsi, le travail spécifiquement humaine peut se confondre o u se réduire à la production an imale, r elation simple de l’être avec la nature : il est une humanisation de la nature dans laquelle se métamorphose la nature de l’homme.

L’homm e travaille parce qu e le travail est ce par quoi l’ hommes fait en se faisant , se fait en faisant autre chose.

Mais il n’engendre pas seul em ent le monde culturel, il est de sa nature d e nie r sa natur e pour r ecréer un autre monde pr oprement humain.

G.

Bataille ne distingue par le travail de la technique.

La raison n’est pas tant que l’homme travaille avec des moyens techniques, avec des savoir -faire, mais il se livre dans son être comme Homo f aber, pour reprendre l’expression de Bergson.

L’ Homo faber, l’homme fabricateur d’outils, est une détermination essentielle à l’homme.

En effet, dans L’Évolution créatrice Bergson montre que si l’instinct animal utilise ses organes vivants pour agir sur la manière, l’intelligence humaine fabrique des organes artificiels indépendants du corps humain qui réagissent en retour sur leurs inventeurs.

« L’intelligence, relève Bergson, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de f abriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication » (Ibid.).

Bataille comme Bergson opère une remontée à l’origine de l’humanité en la cernant dans son rapport premier à la nature et à sa nature.

Le travail réclame une conduite, une attitude mue par l’effort et constamment rapportée à l’activité productrice.

Du travail, il en ressort une « conduit raisonnable » selon les règles morales que l’homme s’édicte.

Le travail porte sur soi, il consiste à se remodeler en réfrénant les mouvements spontanés .

Le travail fonde l’éducation comme l’éducation possibiliste le travail en société.

Il doit donc constamment et incessamment différer ses besoins et désirs pour produire d’autres besoins plus s piritualiser.

Le travail exige une discipline sans laquelle il ne pourrait nier son immédiateté pour s’élever à la satisfaction d’un désir différé hautement plus jouissif.

L’érotisme qui donne son titre à l’ouvrage est ici le contentement de désirs spirit ualisés.

Le travail et l’éducation font passer l’homme de l’indigente satisfaction des besoins primaires à la réalisation de désirs plus élaborés.

Étrangement, travail et éducation sont subordonnés à l’érotisme ! Notre penseur voit dans le cortège de contr aintes un tremplin pour accéder aux plaisirs.

Il détache donc, contre l’opinion communément admise, le travail et l’éducation de la peine pour les ramener du côté du jeu, du loisir.

Le travail comme d’ailleurs l’éducation aussi douloureux soient -ils partic ipent essentiellement à la recherche de la satisfaction proprement humaine et à la quête du bonheur.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles