Y a-t-il de belles morts ?
Publié le 27/02/2004
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Analyse du sens globale de la question Une question provocatrice en ce que la mort est un concept limite, un impensable qui coupe le souffle (comment comprendre que la vie qui était là l’instant précédent disparaisse de façon définitive l’instant suivant ?) La mort s’associe davantage à l’angoisse et a l’inquiétude qu’a la contemplation esthétique. Proposer de voir la mort comme belle relève-t-il alors d’une insolence outrageuse oubliant que rien n’est plus douloureux que de se savoir mortel ou s’agit-il par l’intermédiaire de la mort d’une façon authentique de saisir la vie comme nécessairement mortelle, ce qui suppose de prendre acte de son essentielle finitude ? La lucidité vigilante provoquée par la saisie de ma mortalité n’est-elle pas ce qui engage au refus radical de rater sa vie ? Analyse des présupposés de la question L’opinion commune lorsqu’elle parle de belle mort indique qu’on est mort de vieillesse et qu’on a dès lors disposé d’un temps considérable, que la mort nous emporte quand le corps et l’esprit sont à ce point exténué qu’ils n’ont plus la force ni le goût de vivre. Le sens commun envisage la mort sans scandale, lorsque l’on meurt dans son sommeil,, sans s’en apercevoir ; lorsque notre propre mort nous est, en quelque sorte, confisquée, lorsque nous en sommes dessaisis. Etrange considération : rien ne m’est plus propre que ma mortalité et rien ne serait plus satisfaisant que de défaire la mort de toute subjectivité. Rien d’étonnant alors à ce que la mort soit le tabou moderne, on éloigne le cimetière à la périphérie des villes, et n’est toléré que le discours autorisé de la formule stéréotypée selon laquelle « on meurt bien tous un jour «. L’impersonnalité du « on « empêchant toute subjectivation de sa propre mort : si tout le monde meurt personne n’est concerné en particulier. Que la mort colporte avec elle des facultés de dépression, qu’elle vienne faire s’affaisser l’intérêt que nous portons au monde, à nos activités ou aux autres, en venant poser l’affligeante question « à quoi bon ? « ; c’est sans doute ce sont le sens commun prend acte et c’est pour parer sa faculté anxiogène que la première réponse est celle du refoulement. Cela dit, que gagne-t-on à fuir cette possibilité éminemment subjective ? N’y prend-on pas toute capacité de choix lucide en nous imaginant que nous avons toujours tout le temps devant nous ? Refouler notre propre mortalité, n’est-ce pas le meilleur moyen de perdre sa vie, de la sacrifier sans même nous en apercevoir ? Il y aurait alors une façon d’envisager la mort dans son lien indéfectible à la vie pour montrer que la vie spécifiquement humaine consiste à vivre pour des raisons et que si ces raisons sont menacées on peut bien alors trouver des raisons de mourir. Analyse de « belle mort « La belle mort ne serait pas alors celle dont nous sommes dessaisis mais la mort envisagée comme un possible assumé au nom des valeurs défendues, des partis pris, des engagements. Mort de Socrate : le mort ne menace pas cette vie qui s’est consacré à la philosophie, face à la tentation de misologie dont un humain « trop humain « serait la proie, Socrate montre qui’il ne s’est pas trompé puisque la seule activité possible est celle de papier sur le sens. Mort de Jean Moulin : héroïsme de l’engagement. Plutôt mourir que de vivre comme un lâche ou un délateur. On comprend bien ici que la belle mort est la mort héroïque mais le terme de beauté n’en appelle pas qu’a la valeur morale mais à une esthétique de la représentation. C’est ici que l’art se convoque, nous avons en effet déjà indiqué que la mort est un impensable, et que l’entendement voit sa logique s’effondre dès lors qu’il a à saisir le passage de l’être au néant, ainsi si le concept reste muet sur la mort il ne nous reste peut-être plus que l’inflation des représentations. cf. : peinture de la mort du Christ.
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