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Bergson: Homme civilisé et science

Publié le 13/05/2005

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bergson
L'homme civilisé est celui chez lequel la science naissante, impliquée dans l'action quotidienne, a pu empiéter, grâce à une volonté sans cesse tendue, sur la magie qui occupait le reste du terrain. Le non-civilisé est au contraire celui qui, dédaignant l'effort, a laissé la magie pénétrer jusque dans la zone de la science naissante, se superposer à elle, la masquer au point de nous faire croire à une mentalité originelle d'où toute vraie science serait absente. (...) Ne parlons donc pas d'une ère de la magie à laquelle aurait succédé celle de la science. Disons que science et magie sont également naturelles, qu'elles ont toujours coexisté, que notre science est énormément plus vaste que celle de nos lointains ancêtres, mais que ceux-ci devaient être beaucoup moins magiciens que les non-civilisés d'aujourd'hui. Nous sommes restés, au fond, ce qu'ils étaient. Refoulée par la science, l'inclination à la magie subsiste et attend son heure. Que l'attention à la science se laisse un moment distraire, aussitôt la magie fait irruption dans notre société civilisée, comme profite du plus léger sommeil, pour se satisfaire dans un rêve, le désir réprimé pendant la veille. BERGSON
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« désirs ont une particularité importante ; ils sont insatiables, illimités, ils n'ont jamais de fin. Quand je connais un désir naturel, il cesse d'être dès qu'il est satisfait.

Une fois que j'ai mangé, je n'ai plus faim.

Ces plaisirs sont naturels parce qu'ils sont bornés : ils ont une limite naturelle.

A l'inverse, les désirs nonnaturels peuvent être dits vains parce qu'ils ne seront jamais comblés ; ils résident dans le principe du « toujours plus », l'illimité.

L'homme qui veut être riche, admiré, aimé, n'en a jamais fini de son désir. Il est facile de comprendre que si je veux parvenir au bonheur, à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme, je dois éliminer les désirs vains.

Le plaisir naît de ce qu'un désir est comblé.

Mais les désirs vains sont pardéfinition illimités.

Le plaisir que leur satisfaction procure est illusoire et ne sert qu'à les relancer.

A peine comblé, jeveux autre chose, je veux plus ; je ne cesse de désirer, donc de manquer, donc de souffrir.

L'homme des désirsvains, du « toujours plus », Platon le comparait déjà à un panier percé ; se condamner à ne jamais être comblé. La première et principale leçon d' Epicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter des désirs naturels.

Vivre en accord avec la nature consiste d'abord à ne pas céder au vertiges des désirs illusoires.Épicure les nomme vains, notre époque parlerait d'une course à la consommation. Il y a plus.

Certes tout plaisir est un bien en soi.

Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles.

Certes toute souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile.

Il ne faut pas rechercher toutplaisir, ni fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences.

Il ne faut pas céder à l'attrait del'immédiat, mais avoir une certaine intelligence du plaisir.

On voit que nous sommes loin de l'image du « bon vivant »,de celui qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s'offrent à lui. Épicure va même jusqu'à prôner une certaine austérité.

Il faut dit-il « savoir se suffire à soi-même » ; cela veut dire savoir se contenter de peu.

Car « Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, mais tout ce qui est vain est difficile à avoir.

» L'habitude de vivre simplement met à l'abri des coups du sort, tandis que l'habitude de vivre richement y rend plus vulnérable.

De plus l'habitude, par exemple, d'une bonne table, de mets précieux, transforme ce qui était audépart un plaisir (manger tel plat raffiné) en habitude voire en besoin.

Privé de ce superflu dont je me suis rendudépendant, je vais en souffrir par ma propre faute.

Par contre, le sage épicurien se réjouira d'une tablesomptueuse, mais ne souffrira pas de son absence ; car il a compris que ce n'est pas l'objet qui crée le plaisir, maisla cessation du désir, du manque.

Naturellement, ce n'est pas tel grand vin qui me fait plaisir, mais de ne plus avoirsoif.

S'habituer aux grands crus, c'est se condamner et à y trouver moins de plaisir, et à souffrir si pour une raisonou pour une autre on ne peut plus s'offrir ce produit et à ne plus être capable d'apprécier une boisson plus« ordinaire ». Ce souci d'autarcie, d'une vie simple qui nous rende le plus indépendant possible du hasard, des coups du sort, des autres, s'explique en partie par l'époque troublée, instable pendant laquelle Epicure écrit ; une époque où les solidarités traditionnelles de la cité grecque se défont, où la politique est instable, où l'économie ne l'est pasmoins. Mais cela n'invalide en rien le raisonnement d' Epicure , lequel dément l'interprétation déjà présente à son époque de sa doctrine : « Quand nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n'entendons pas par là le plaisir des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux qui ignorent notredoctrine, ou qui sont en désaccord avec elle ou qui l'interprètent dans un mauvais sens.

Le plaisir que nous avonsen vue est caractérisé par l'absence de souffrances corporelles et de troubles de l'âme.

Ce ne sont pas lesbeuveries et les orgies continuelles des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu'offre unetable luxueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais la raison vigilante qui recherche minutieusement les motifs dece qu'il faut rechercher ou éviter, et qui rejette les vaines opinions grâce auxquelles le plus grand trouble s'emparede l'âme.

» Ceux qui vivent en cédant à l'attrait du plaisir immédiat, qui cultivent les désirs vains, qui accordent une importanceextrême aux objets de leurs désirs, ceux-là n'ont rien compris au plaisir, et se condamnent à la souffrance. La vraie philosophie du plaisir est celle, apparemment austère, d' Epicure .

Celle qui prône le plaisir, mais guidé par la raison vigilante.

Si le véritable épicurisme semble austère, proche de l'ascétisme, on conclura par une sentenced'Epicure : « Dans les autres occupations, une fois qu'elles ont été menées à bien avec peine, vient le fruit ; mais, en philosophie, le plaisir va du même pas que la connaissance : car ce n'est pas après avoir appris que l'on jouit dufruit, mais apprendre et jouir vont ensemble. ». »

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