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Bergson: La liberté se confond-elle avec la réalisation de soi-même ?

Publié le 16/03/2006

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Nous accorderons d'ailleurs au déterminisme que nous abdiquons souvent notre liberté dans des circonstances plus graves, et que, par inertie ou mollesse, nous laissons ce même processus local s'accomplir alors que notre personnalité tout entière devrait pour ainsi dire vibrer. Quand nos amis les plus sûrs s'accordent à nous conseiller un acte important, les sentiments qu'ils expriment avec tant d'insistance viennent se poser à la surface de notre moi, et s'y solidifier à la manière des idées dont nous parlions tout à l'heure. Petit à petit ils formeront une croûte épaisse qui recouvrira nos sentiments personnels ; nous croirons agir librement, et c'est seulement en y réfléchissant plus tard que nous reconnaîtrons notre erreur. Mais aussi, au moment où l'acte va s'accomplir, il n'est pas rare qu'une révolte se produise. C'est le moi d'en bas qui remonte à la surface. C'est la croûte extérieure qui éclate, cédant à une irrésistible poussée. Il s'opérait donc, dans les profondeurs de ce moi, et au-dessous de ces arguments très raisonnablement juxtaposés, un bouillonnement et par là même une tension croissante de sentiments et d'idées, non point inconscients sans doute, mais auxquels nous ne voulions pas prendre garde. En y réfléchissant bien, en recueillant avec soin nos souvenirs, nous verrons que nous avons formé nous-mêmes ces idées, nous-mêmes vécu ces sentiments, mais que, par une inexplicable répugnance à vouloir, nous les avions repoussés dans les profondeurs obscures de notre être chaque fois qu'ils émergeaient à la surface. Et c'est pourquoi nous cherchons en vain à expliquer notre brusque changement de résolution par les circonstances apparentes qui le précédèrent. Nous voulons savoir en vertu de quelle raison nous nous sommes décidés, et nous trouvons que nous nous sommes décidés sans raison, peut-être même contre toute raison. Mais c'est là précisément, dans certains cas, la meilleure des raisons. Car l'action accomplie n'exprime plus alors telle idée superficielle, presque extérieure à nous, distincte et facile à exprimer : elle répond à l'ensemble de nos sentiments, de nos pensées et de nos aspirations les plus intimes, à cette conception particulière de la vie qui est l'équivalent de toute notre expérience passée, bref, à notre idée personnelle du bonheur et de l'honneur. [...]. Bref, nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l'expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve parfois entre l'oeuvre et l'artiste.

Dans le chapitre III de son Essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson  cherche à établir ce qu’est un acte libre. Un acte serait libre lorsqu’il émane du moi. Or des actes qui proviennent de notre moi peuvent nous apparaître après coup déterminés par les circonstances qui le précèdent. Si un acte est déterminé, alors il n’est pas libre. Il s’agit donc pour Bergson de récuser la thèse du déterminisme qui nie la possibilité de l’acte libre en concevant tous nos actes comme des résultats mécaniques d’états précédents. Sa stratégie argumentative se déploie en deux moments :  tout d’abord une concession au déterminisme destinées à montrer ce que l’acte libre n’est pas, ensuite la description et l’analyse de la crise intérieure permet de distinguer un moi d’en haut et un moi d’en bas sous la forme métaphorique du magma solidifié et du volcan en éruption. Nous sommes alors confrontés à ce problème : si les actes semblent devoir être causés par des conditions antécédentes,  que doit être un acte pour pouvoir être qualifié de libre ?

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« Dans le chapitre III de son Essai sur les données immédiates de la conscience , Bergson cherche à établir ce qu'est un acte libre.

Un acte serait libre lorsqu'il émane du moi.

Or des actes qui proviennent de notre moi peuvent nousapparaître après coup déterminés par les circonstances qui le précèdent.

Si un acte est déterminé, alors il n'est paslibre.

Il s'agit donc pour Bergson de récuser la thèse du déterminisme qui nie la possibilité de l'acte libre enconcevant tous nos actes comme des résultats mécaniques d'états précédents.

Sa stratégie argumentative sedéploie en deux moments : tout d'abord une concession au déterminisme destinées à montrer ce que l'acte libren'est pas, ensuite la description et l'analyse de la crise intérieure permet de distinguer un moi d'en haut et un moid'en bas sous la forme métaphorique du magma solidifié et du volcan en éruption.

Nous sommes alors confrontés àce problème : si les actes semblent devoir être causés par des conditions antécédentes, que doit être un acte pourpouvoir être qualifié de libre ? I Ce que l'acte libre n'est pas _ La stratégie de Bergson débute par une concession au déterminisme : « nous abdiquons souvent notre libertédans des circonstances plus graves ».

Cette comparaison renvoie à la thèse qui précède notre extrait : dans notrevie quotidienne, la plupart de nos actes ne sont pas libres, mais déterminés de telle manière à répondre le plusfacilement aux stimulis sensoriels sans requérir l'intervention de la conscience.

Par exemple, le matin, quand le réveilsonne, écrit Bergson « je suis un automate conscient et je le suis parce que j'ai tout avantage à l'être ».

Ainsicompris en général comme des réactions automatiques insignifiantes, nos actes ne sont pas libres si bien que laliberté dans nos actions est très rare.

Or à côté de ces circonstances quotidiennes insignifiantes, il y a de « cescirconstances graves » exceptionnelles qui appellent les actes libres dans la mesure où les réactions automatiquessemblables à celles du réveil ne lui sont plus adéquates.

Par exemple, s'il me faut décider de la vie que je vaismener, ou du métier qui m'occupera pendant une grande partie de mon existence, je ne peux me reposer sur uneréaction automatique.

Au contraire cette décision requiert un acte fondé sur l'intervention de ma conscience. _ Pourtant alors que les circonstances sont graves et requièrent un acte libre, il arrive que nous ne mettions pas,pour ainsi dire, à la hauteur de la situation et nous contentions de laisser nos automatismes décider pour nous :« par inertie ou par mollesse, nous laissons ce même processus local s'accomplir alors que notre personnalité touteentière devrait vibrer ».

Ainsi on peut se référer à la situation qui précède un choix important pour comprendre cequ'un acte libre n'est pas.

Par paresse ou lâcheté, je réclame un conseil de mes amis en pensant seulement éclairerma décision et la confronter à leurs avis : la décision ne peut être que libre puisque elle émane de moi.

Or qu'est-cequi se passe lors de notre conversation ? « Les sentiments qu'ils expriment avec tant d'insistance viennent se poserà la surface de notre moi et s'y solidifier » si bien « qu'ils formeront une croûte épaisse qui recouvrira nos sentimentspersonnels ». _ L'acte qui émane de mon moi ne pourra alors être libre dans la mesure où le moi lui-même sera recouvert d'unecroûte de sentiments qui ne sont pas les miens, mais ceux des autres.

Ainsi ma décision sera déterminée à lamanière des automatismes du réveil par des idées qui ne proviennent pas vraiment de ma conscience.

Ce qui étatvraiment moi a été comme enrobé à ce qui ne l'est pas, et l'acte provient de cette couche plus superficielle.

Ainsil'acte de la décision n'est libre qu'en apparence, et je suis alors victime de l'illusion forgée par le conseil de mes amis: « nous croirons agir librement et c'est seulement en y réfléchissant plus tard que nous reconnaîtrons notreerreur ».

Ce sont les autres qui décident pour moi lorsque je crois être la seule source de ma décision, et je neprends conscience de l'absence de liberté de ma décision que lorsqu'il est trop tard. Néanmoins si Bergson concède que nos actes ne sont pas toujours libres quand ils devraient l'être, il ne donne paspour autant raison au déterminisme en affirmant l'inexistence d'acte libre.

En effet il cherche à décrire ce qu'un actelibre n'est pas pour mieux cerner ce qu'il est. II L'acte libre dans la crise intérieure _ Si nous n'avions pour seule possibilité que d'accomplir des actes sur le mode de la réaction automatique et quenous nous laissions à chaque fois aller à cette facilité dans les circonstances grâces, il n'y aurait plus rien quipermettrait de penser la possibilité d'un acte libre.

Néanmoins, lorsque trop imprégnés des conseils de nos amis,nous nous apprêtons à accomplir ce que nous n'avons pas décidé librement, « il n'est pas rare qu'une révolte seproduise ».

La révolte désigne ici l'expression de notre moi véritable enfoui sous le moi parasite formé par lescations automatiques ou les conseils des amis.

3 c'est le moi d'en bas qui remonte à la surface.

C'est la croûteextérieure qui éclate, cédant à une irrésistible poussée ».

La révolte de ce moi d'en bas est alors comparé en unvolcan entrant en éruption et brisant le magma solidifié en surface.

L'éruption de lave pendant cette révolte du moiprouve que le moi ne se réduit pas à l'ensemble des réactions automatiques.

En effet la condition de l'éruption estun « bouillonnement et par là même une tension croissante de sentiments et d'idées » « au dessous de cesarguments raisonnables ».

Sous le magma solide, la lave continue à être en ébullition.

De ce point de vue, ledéterministe confond la surface du moi avec le moi lui-même.

En revanche si l'on veut penser la possibilité de l'actelibre, il faut distinguer le moi du haut, moi social forgé par nos habitudes, réactions automatiques, produit del'éducation sociale et le moi d'en bas qui coïncide avec ce que nous sommes vraiment. _ Si nous ne percevons pas cette vie intérieure en ébullition, c'est que « nous ne voulions pas y prendre garde ».

Cemanque d'attention est imputable à la contamination du moi d'en haut sur le moi d'en bas.

En effet les idées et lessentiments nés du contact avec l'extérieur se sont greffés sur le moi au point de former une couche .

Ce moiparasite fait des opinions des autres a si bien recouvert notre moi véritable qu'il l'a pour ainsi dire étouffé.

Ce n'estque dans le moments de crise intérieure que le moi véritable réapparaît des profondeurs.

Mais il arrive souvent que. »

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