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Bergson: La religion renforce et discipline

Publié le 20/04/2004

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La religion renforce et discipline. Pour cela des exercices continuellement répétés sont nécessaires, comme ceux dont l'automatisme finit par fixer dans le corps du soldat1'assurancemorale dont il aura besoin au jour du danger. C'est dire qu'il n'y a pas de religion sans rites et cérémonies. A ces actes religieux la représentation religieuse sert surtout d'occasion. Ils émanent sans doute de la croyance, mais ils réagissent aussitôt sur elle et la consolident ; s'il y a des dieux, il faut leur vouer un culte ; mais du moment qu'il y a un culte, c'est qu'il existe des dieux. Cette solidarité du dieu et de l'hommage qu'on lui rend fait de la vérité religieuse une chose à part, sans commune mesure avec la vérité spéculative, et qui dépend jusqu'à un certain point de l'homme. Bergson

Dans les Deux sources de la morale et de la religion, Bergson distingue deux modes de religions : la religion dynamique et la religion statique. Le chapitre III étudie la religion dynamique . La religion dynamique tire son principe de l’élan vital et s’achève dans le mysticisme où l’homme prolonge l’action divine en se confondant avec elle : le signe de ce prolongement de Dieu en l’homme est selon Bergson la joie. Par opposition, le chapitre II s’intéresse à la religion statique qui a une fonction essentiellement sociale et pratique. Dans la section intitulée « fonction générale de la religion statique « dont est extrait notre texte, Bergson énonce cette définition : «  c’est une réaction défensive de la nature contre ce qu’il pourrait y avoir de déprimant pour l’individu et de dissolvant pour la société dans l’exercice de l’intelligence «. Ainsi la religion statique aurait pour fonction de constituer « une assurance « contre la désorganisation sociale et contre la dépression morale face à la mort et l’imprévisibilité du monde.  Si la religion permet de renforcer et de discipliner les individus et les groupes sociaux, c’est qu’elle a affaire avec le rite et les cérémonies. Le problème traité par ce texte p 212 dans les deux Sources consiste alors à se demander dans quelle mesure le rite est essentiel  ou inessentiel à la religion. La religion est le plus souvent défini par le sentiment intérieur de la foi et non par la manifestation extérieure qu’est le rite. Dans un premier moment, Bergson montre l’importance du rite qui le conduit en retour à dévaluer l’importance de la représentation religieuse. Ensuite il montre en quoi Dieu est d’une certaine manière redevable du culte qu’on lu rend.

 

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« _ Bergson énonce la fin de la religion statique.

Son but consiste à le renforcer, c'est à dire à lui donner del'assurance.

Pour atteindre ce but, « des exercices continuellement répétés sont nécessaires ».

Il s'agit en effet parla répétition mécanique des mêmes gestes d'empêcher tout tâtonnement toute hésitation jusqu'à contracter devéritables automatismes.

Un automatisme désigne un mouvement qui se meut de lui-même indépendamment de lavolonté individuelle.

Si l'on se reporte au chapitre II de Matière et mémoire , la mémoire automatique ou mémoire répétition par laquelle nous acquerrons progressivement la connaissance d'une leçon à apprendre par cœur sedistingue de la mémoire -souvenir.

Pour illustrer cette thèse sur l'importance de l'automatisme dans la finalitéd'atteindre l'assurance, Bergson compare l'automatisme nécessaire à la religion à celui « qui finit par fixer dans lecorps du soldat l'assurance morale dont il aura besoin le jour du danger.

Ainsi de même que les mouvements de salutou de présentation de fusil sont destinés à remplir le soldat de confiance, de même les gestes de croix ou lesgénuflexions seraient destinés à rassurer le croyant.

On peut ici penser à l'usage du rituel que Pascal prescrit aulibertin afin de lui inspirer la croyance en l'existence de Dieu au fragment 418 de ses Pensées l'édition Lafuma : « c'est en faisant tout comme s'ils croyaient, en prenant de l'eau bénite, en faisant dire des messes, etc.naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira ». _ Cette réflexion sur l'automatisme à contracter permet à Bergson d'énoncer cette thèse paradoxale : « il n'y a pasde religion sans rites et cérémonies ».

On pense en effet la religion à partir du sentiment intérieur de la foi et nonpar les signes extérieurs que sont les rites et les cérémonies comme le prouve par exemple le fragment 424 desPensées de Pascal : « C'est le cœur qui sent Dieu et non la raison.

Voilà ce que c'est que la foi.

Dieu sensible au cœur non à la raison ».

Ainsi plutôt que de s'attacher à l'intériorité, Bergson insiste sur l'importance de l'extérioritédans le rite c'est-à-dire dans la répétition d'une liturgie prévue à l'avance.

Qu'il nous suffise de penser à toutes lesétapes de la messe pour comprendre l'importance effective du rite, notamment dans la religion catholique dont leséglises constituent de véritables théâtres.

Par conséquent « s'il n'y a pas de religion sans rites et cérémonies »,alors la religion se définit essentiellement par l'extériorité du rite plutôt que par l'intériorité de la foi. II Primat du Culte sur les représentations religieuses _ Si la religion se définit essentiellement par le rite, alors quel statut possède la représentation religieuse qui diffèreselon les croyances ? Le rite est « un acte religieux », c'est-à-dire une action par laquelle les croyants peuvents'installer dans une relation individuelle à Dieu.

Par opposition, le contenu des différentes doctrines est unereprésentation, c'est-à-dire une idée de l'esprit.

Le statut de la représentation religieuse est de servir« d'occasion » aux actes religieux que sont le rite et la cérémonie.

En ce sens l'important ne réside pas dans lareprésentation, mais dans l'action? Ainsi les croyances religieuses servent surtout de prétexte pour des exercicesde discipline.

Bergson concède que les actes religieux « émanent de la croyance, mais ils réagissent aussitôt surelles et la consolident ».

La croyance possède une priorité chronologique sur le rite, mais si le rite n'est pas premierdans le temps, il est premier par son importance.

Ce primat axiologique du rite est en effet souligne par le fait que lacroyance n'a de visibilité et de consistance véritable que par lui.

Par conséquent il faut conclure au primat du cultesur les représentations religieuses. _ Ce primat du culte est révélé par la dette paradoxale que les deux ont à son égard.

En effet « s'il y a des dieux, ilfaut leur vouer un culte » : l'existence des dieux est chronologiquement première et le culte est conditionné par lareconnaissance de leur existence.

Néanmoins Bergson renverse la priorité de Dieu en montrant que le culte est lacondition anthropologique de l'existence des dieux : « mais du moment qu'il y a un culte, c'est qu'il existe desdieux ».

D'une certaine manière c'est par le rite que l'homme rend à ses dieux que ses dieux se mettent à existerpour lui sous la forme extérieure du culte.

Il y a en effet « une solidarité du dieu et de l'hommage qu'on lui rend » sibien que le dieu reste inséparable du culte lui-même.

Dans la mesure où l'existence de dieu possède une baseanthropologique dans le culte, alors il s'agit de ne pas confondre « la vérité religieuse » avec « la véritéspéculative ».

En effet si la vérité spéculative est vraie, c'est justement que l'homme l'appréhende sans continuerlui-même à la constituer.

Par opposition, la vérité religieuse est constituée pour une part par la contribution humainedu culte.

Par conséquent il faut bien être conscient que ce type de vérité est « sans commune mesure » avec lavérité spéculative. Conclusion : La religion statique se définit essentiellement par les actes religieux que sont les rites et les cérémonies, ce qui enretour diminue considérablement le critère traditionnel de la religion qu'est la représentation religieuse.

Le primat duculte est tel que Dieu lui doit pour une part son existence si bien que la vérité religieuse à laquelle contribue l'hommene doit pas être confondue avec une vérité spéculative.

Dans le même ordre d'idée, on pourrait évoquer l'aphorismeironique de Cioran dans son livre des Larmes et des saints : « Dieu doit tout à Bach ». »

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