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Berkeley, 3e dialogue entre Hylas et Philonous, Oeuvres, Aubier, t. II, traduction Leroy

Publié le 10/05/2005

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berkeley
Hylas. - Ne peut-il y avoir rien de plus clair que vous voulez changer toutes les choses en idées ? Vous, dis-je, qui ne rougissez pas de m'accuser de scepticisme! C'est si clair qu'on ne peut le nier. Philonous. - Vous vous trompez. Je ne veux pas transformer les choses en idées, je veux plutôt transformer les idées en choses ; car les objets immédiats de la perception qui, d'après vous sont seulement les apparences des choses, je les tiens pour les choses réelles elles-mêmes. Hylas. - Des choses! Vous pouvez soutenir ce qui vous plaît ; mais certainement vous ne nous laissez rien que les formes vides des choses, l'extérieur seulement qui frappe les sens. Philonous. - Ce que vous appelez les formes vides et l'extérieur des choses, cela me paraît les choses elles-mêmes... Nous nous accordons tous deux sur ce point que nous percevons seulement des formes sensibles, mais nous différons sur cet autre : vous soutenez que ce sont des apparences vaines et pour moi ce sont des êtres réels. Bref vous ne vous fiez pas à vos sens ; moi je m'y fie. Hylas. - Vous croyez vos sens, dites-vous ; et vous semblez vous féliciter parce que vous êtes d'accord sur ce point avec l'opinion courante. D'après vous, les sens découvrent la véritable nature d'une chose. S'il en est ainsi : d'où vient qu'ils ne sont pas d'accord? Pourquoi la forme, pourquoi les autres qualités sensibles ne restent-elles pas identiques quand on les perçoit de toutes sortes de manières ? Et pourquoi devons-nous employer un microscope pour mieux découvrir la véritable nature d'un corps, si celle-ci se découvrait à l'oeil nu? Philonous. - A parler strictement, Hylas, nous ne voyons pas le même objet que nous touchons, et l'objet qu'on perçoit au microscope diffère de celui qu'on percevait à l'oeil nu. Mais si l'on avait estimé que chaque variation suffisait à créer une nouvelle espèce ou un nouvel individu, la quantité infinie et la confusion des noms aurait rendu le langage impossible. Aussi pour l'éviter... on a uni plusieurs idées, saisies par différents sens, ou par le même sens à divers moments ou en diverses circonstances, mais qui, a-t-on remarqué, ont pourtant quelque connexion dans la nature soit qu'elles coexistent, soit qu'elles se succèdent ; toutes ces idées, on les rattache à un seul nom et on les considère comme une seule chose... » (Berkeley, 3e dialogue entre Hylas et Philonous, Œuvres, Aubier, t. II, traduction Leroy.)

berkeley

« main avec elle, une sensation tactile, la douleur même que j'éprouve après le choc, un état de conscience.Aucune chose matérielle n'existe énigmatiquement au-delà de mes perceptions.

La seule réalité des chosesc'est d'être perçues : « Esse est percipi ».

Je n'ai plus le droit de dire que j'ai une ou plusieurs idées de laporte.

Il vaut mieux dire que la porte est un ensemble d'idées et n'est que cela. b) Explication détaillée du texte Hylas rappelle d'abord que Philonous l'accuse de septicisme.

Hylas admet en effet, qu'il y a dans la chosematérielle plus que les qualités sensibles qui la révèlent.

Il y a un en-deça du sensible et cet en-deça est lachose elle-même, la substance matérielle tapie sous les apparences sensibles.

Mais précisément parce que lachose.

dans l'hypothèse réaliste d'Hylas, est sous-jacente aux apparences, la chose en tant que chosematérielle est inconnaissable, car seul le sensible nous est donné.

Philonous accuse Hylas de scepticisme parceque pour Hylas, la substance en tant que substance est inconnaissable.

Hylas accuse de son côté Philonousde scepticisme, parce qu'il lui reproche de douter de l'existence des choses matérielles, de nier l'existence deschoses.

Vous transformez les choses en idées, c'est-à-dire en pures représentations dit Hylas à Philo-nous.Mais Philonous ne l'entend pas ainsi et répond à Hylas : « Vous vous trompez je ne veux pas transformer leschoses en idées je veux plutôt transformer les idées en choses, car les objets immédiats de la perception quid'après vous sont seulement les apparences des choses, je les tiens pour les choses réelles elles-mêmes.

»Berkeley ne nie pas l'existence des choses à condition qu'on veuille bien accepter qu'être soit « être perçu » etrien au-delà.

Cette précision donnée, Berkeley se réclame du bon sens populaire et se moque de Descartes quidoutait de ses sens.

Philonous, porte-parole de Berkeley, refuse tout scepticisme et accepte le donné tel qu'ilest : « Le cheval est à l'écurie, les livres sont dans la bibliothèque comme avant », le soi-disant idéalisme deBerkeley est un réalisme ingénu.

C'est l'apparence qui est la vraie réalité.

Le monde visuel a réellement lescouleurs qu'il semble avoir, le monde de l'ouïe est vraiment sonore.

Les idées c'est-à-dire les représentationssensibles sont la réalité même.

Ce qu'on appelle l'apparence, le phénomène, c'est en réalité l'être même.

Onpeut dire en termes modernes que pour Berkeley, la phénoménologie c'est-à-dire la description de ce quiapparaît (le phénomène ce n'est pas ce qui est illusoire, ce qui paraît seulement au sens de Platon ou de Kantmais ce qui apparaît, ce qui est manifeste) vaut comme ontologie.

Autrement dit : le donné apparent ç'estl'être même.

La philosophie de Berkeley c'est donc la philosophie du réalisme concret, poussée jusqu'à sesconséquences extrêmes.

Ce qui existe c'est ce que nous voyons, touchons.

Ce que nous ne voyons pas et netouchons pas n'existe pas.Hylas rétorque alors à Philonous : « Vous ne laissez rien que les formes vides des choses, l'extérieur seulementqui frappe les sens.

» Hylas croit, lui, qu'il y a un fond des choses, un intérieur des choses support invisible,impalpable des qualités sensibles qui donne au monde sa consistance ontologique.

C'est en effet cettesubstance matérielle, ce substrat des choses, ce « rocher sous la neige » que Philonous-Berkeley dénoncecomme fiction métaphysique.

Comme dit très bien Bergson : « Ce que l'idéalisme de Berkeley signifie c'est quela matière est coextensive à notre représentation, qu'elle n'a pas d'intérieur, pas de dessous, qu'elle ne cacherien, ne renferme rien, qu'elle est étalée en surface et qu'elle tient tout entière à tout instant dans ce qu'elledonne.

» A ce propos nous pouvons évoquer une anecdote : Une auditrice, après une conférence de Bergson,demanda paraît-il un jour à l'illustre maître s'il croyait « être vraiment allé au fond des choses » Bergson, dit-on, répliqua : « Mais, madame, les choses ont-elles un fond ? »Hylas fait alors une objection redoutable au réalisme sensible de Berkeley.

Comment peut-on se fier aux senstandis que les apparences sensibles des mêmes objets varient constamment ?« Et pourquoi devons-nous employer un microscope pour mieux découvrir la véritable nature d'un corps si celle-ci se découvrait à l'oeil nu? » N'est-ce pas la même goutte de sang que je vois confusément à l'oeil nu puis defaçon infiniment plus précise au microscope ? Et n'est-ce pas la même porte que je vois, ou que je touche, ouqui provoque une douleur si je la heurte violemment ? Aussi bien la cohérence des données sensibles (parexemple l'accord du toucher et de la vue) que leurs variations réglées suivant la perspective, l'emploi ou nond'instruments grossissants, tendent à prouver que des choses réellement existantes, que de véritables objetsmatériels sont la source de nos sensations.C'est pourtant ce que nie Philonous.

Il n'y a pas derrière ce que je vois à l'oeil nu, derrière ce que j'examine aumicroscope une chose unique réelle, une goutte de sang en soi qui serait le substrat ontologique desapparences.

Pas de substrat mais seulement des apparences diverses et changeantes.

De même la pomme queje touche (lisse, froide) et celle que je vois (ronde, rouge) ne sont pas à strictement parler le même objet.

Carli n'y a pas une pomme réelle qui serait à la fois lisse, froide, ronde, rouge, mais seulement des apparencesdiverses simultanées ou successives.

Déjà,, dans sa Théorie de la vision, Berkeley avait dit qu'il n'y avait pasd'espace « en soi », il n'y avait pas cette chose que les scolastiques appelaient «sensible commun » perçu à lafois par la vue et le toucher, mais il y a des données tactiles et des données visuelles indépendantes les unesdes autres.Indépendantes vraiment? Non puisqu'il y a des correspondances entre les apparences, puisque chaque fois queje vois cet objet rouge et rond je peux, en m'approchant, toucher cet objet froid et lisse.

J'emploie alors le motunique « pomme » pour signaliser ces apparences multiples.

Toutes ces apparences, « toutes ces idées, on lesrattache à un seul nom, on les considère comme une seule chose.

» L'unité de la chose supposée, ce n'est quel'unité du nom sous lequel nous groupons quelques apparences.

De même je donne le nom « goutte de sang » àce que je vois d'abord à l'oeil nu, puis tout différent, au microscope, parce que le changement d'apparencesuccède toujours de la même façon à l'emploi de cet instrument.

Nous avons ici un exemple de ce qu'on appellele nominalisme de Berkeley.

L'unité de la « chose » n'est pas réelle, substantielle, elle est conventionnelle, ellen'est que l'unité du « nom ».

Mais cette explication est encore insuffisante.

Si nous pouvons donner le mêmenom à un groupe d'apparences toujours simultanées ou toujours successives c'est tout de même que ces. »

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