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Blaise PASCAL: ...nous espérons de vivre...

Publié le 18/04/2009

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pascal
Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans des temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et [laissons] échapper sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent d'ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige, et s'il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver. Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. Blaise PASCAL

HTML clipboardBlaise Pascal, génie singulier et l’auteur de ce texte tiré d’une œuvre Les Pensées qui est à la fois une œuvre morale, scientifique et religieuse. Dans cette œuvre c’est la misère de l’homme privé de Dieu que souligne Pascal, bien que dans le texte qui nous est présenté cela ne soit pas dit de façon explicite. Pour lui, lorsque l’homme croit en Dieu, il peut s’ancrer spirituellement ce qui semble être pour lui le parti le plus raisonnable. Dans le texte présenté tiré des Pensées de Pascal, il est traité de la question du temps et notamment du présent, en rapport avec notre comportement face à lui et l’impact de ce comportement sur l’existence humaine. Par « temps « nous pouvons comprendre cela comme l’ordre des successions possibles, c’est-à-dire passé, présent et futur et comme un milieu homogène et indéfini dans lequel se déroulent les événements. Par « présent « nous pouvons comprendre cela comme une notion du temps en cours, actuel. Tout d’abord nous étudierons le texte en essayant de dégager le sens que donne l’auteur à celui-ci, puis dans un deuxième temps nous verrons une réflexion plus personnelle reprenant le thème du texte de Pascal.  

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« l'enseignement de Saint Augustin par réaction contre le laxisme des molinistes et des jésuites qui accordaient tantde pouvoir à la liberté de l'homme que plus rien ne restait à la puissance de Dieu..

Le jansénisme et son austéritémorale constituèrent une véritable machine de guerre contre les jésuites et leur système rhétorique qui leurpermettait de tout justifier y compris les actions morales les plus condamnables. C'est vers les années 1657-1660 que Pascal , qui s'est fait un nom illustre parmi les scientifiques de son temps touten prenant le parti des Jansénistes de Port-Royal contre l'Église, commence à travailler à une « Apologie de lareligion chrétienne ».

Mais, dès 1659, les premières atteintes de la maladie annoncent la mort prochaine de « ceteffrayant génie » marqué depuis la plus tendre enfance par les infirmités.

Et deux années de silence, de méditationet de travail (1660-1662) ne suffiront pas à Pascal pour mener à son terme le projet initial, exposé dans saconférence d'octobre-Novembre 1658 faite à Port-Royal « devant plusieurs personnes très considérables », decomposer un ouvrage sur la « Vérité de la religion chrétienne ».Pascal laisse à ses successeurs le mystère de vingt-sept liasses classées, composées chacune d'une série de «morceaux de petits papiers », fragments écrits dans l'ordre inverse de leur entassement par paquets reliés chacun,à l'origine, par un simple fil.

Les textes sont souvent écrits à la hâte, repris, complétés, surchargés, raturés ;certains mots parfois, trop abrégés, sont illisibles.

A cela s'ajoutent des textes rédigés « sur des feuilles volantes »et séparés d'un simple trait.

Quel ordre donner à tout cela dans une publication définitive, d'autant que sans cessede nouvelles « Pensées », trouvées ici ou là, sont ajoutées ? Les éditions successives n'en finissent pas de donnerchacune leur interprétation, « les mêmes pensées formant un autre corps de discours par une disposition différente» comme l'indiqua, de manière prémonitoire, Pascal lui-même.D'où la table de concordance que l'on trouve maintenant dans chaque édition et qui permet de naviguer aisément del'une à l'autre de ces neufs cents et quelques pensées : ainsi cette pensée, classé 172 dans l'édition deBrunschvicg, est le numéro 45 dans l'édition Tourneur & Anzieu.

Quant au texte il s'insère dans le passage suivant :« Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir.

Nous ne pensonspresque point au présent ; et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir.Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nousne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable quenous ne le soyons jamais.

»Pascal, selon l'habitude de son temps, s'est sans cesse nourri de la pensée de ses devanciers.

C'est un lecteurinfatigable, et Montaigne est l'un de ses auteurs favoris, dont il reprend souvent le texte sceptique pour l'utiliser auxfins de l'apologétique chrétienne.

C'est ici le cas.

Pascal s'est souvenu expressément d'un passage de l'édition de1588 des « Essais » : « Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà.

La crainte, le désir,l'espérance nous élancent toujours vers l'avenir, et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est,pour nous amuser de ce qui sera, voire quand nous ne serons plus.

» (Livre 1, chapitre 3).Ceci est d'ailleurs un thème cher aux moralistes de l'Antiquité, que Montaigne ne se fait pas faute de citer, à la suitede ce passage : l'épître 98 du philosophe latin Sénèque (« Malheureux l'esprit tourmenté de l'avenir ») et Epicure («Epicure dispense son sage de la prévoyance et de la sollicitude de l'avenir »).Cette thématique, qui dénonce l'impossibilité où est l'homme de se fixer au présent, est aussi celle des écrivains dela période classique.

On trouve ainsi une expression assez semblable chez le moraliste La Bruyère : « La vie estcourte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer.

On remet à l'avenir son repos et ses joies, à cet âge souventoù les meilleurs ont disparu, la santé et la jeunesse.

Ce temps arrive, qui nous surprend encore dans les désirs : onen est là, quand la fièvre nous saisit et nous éteint » (« De l'homme »).Cependant ce qui, chez l'un ou l'autre, est notation strictement psychologique, prend chez Pascal une autredimension, beaucoup plus philosophique.

Car c'est d'une conception de l'homme, et de son rapport à Dieu, qu‘ils'agit.

Pascal est très explicite sur ce point : l'homme, en s'intéressant à son passé ou à son avenir, cherche enréalité à échapper au présent qui est pourtant le seul temps qui soit véritablement à nous.

Ici, il n'y a pas seulementle témoignage d'une « pensée » écrite à la hâte, mais l'expression réfléchie d'une lettre rédigée en décembre 1656par Pascal à l'intention de Mlle de Rouanez, au moment où elle souhaite entrer en religion : « Le passé ne doit pasnous embarrasser, puisque nous n'avons qu'à avoir regret de nos fautes ; mais l'avenir nous doit encore moinstoucher, puisqu'il n'est point du tout à notre égard, et que nous n'y arriverons peut-être jamais.

Le présent est leseul temps qui est véritablement à nous, et dont nous devons user selon Dieu.

»Et pourtant Pascal le sait bien (Pensée 139), tout nous montre le contraire.

Les hommes ne cessent de s'agiter, dese jeter dans le monde, d'aimer le jeu, la conversation des femmes, de courir les emplois.

En un mot, ils necherchent qu'une chose : le DIVERTISSEMENT.

Frénésie de l'action qui ne vise, en sortant sans cesse de soi, qu'às'oublier soi-même.

Aussi, si l'on en cherche plus finement les raisons , on les trouve dans la nature même del'homme.

Ce dernier n'a pas tort et a le juste pressentiment de son malheur.

Il y a un « malheur naturel de notrecondition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

» De làvient, continue Pascal, « que les hommes aiment tant le bruit et le remuement ; de là vient que la prison est unsupplice si horrible ; de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible ».Pascal nous invite à accepter, sans effroi, notre humaine condition, qui est de n'être rien, certes, face à l'infinité deDieu mais d'être quelque chose avec son secours, en trouvant auprès de lui l'éternelle consolation dont nous avonsbesoin.

Telle est l'articulation centrale de la réflexion Pascalienne (Pensée 60) : MISERE DE L'HOMME SANS DIEU(parce que la nature est corrompue) ; FELICITE DE L'HOMME AVEC DIEU (parce qu'il y a un réparateur).

Dans sasituation de misère, loin de Dieu, l'homme s'étourdit de son passé et plus encore de son avenir supposé, mais nepeut, en réalité, jamais d'être heureux.

Dans la situation de félicité, au moment où il a retrouvé Dieu, l'homme peutparvenir au bonheur, à condition de se détourner du monde et de ses divertissements impuissants.

Aussi Pascal,contre l'éparpillement de soi, plaide-t-il en faveur de la méditation.

Il faut se « ramasser en soi-même » pour seconsacrer à ce Dieu « que nous connaissons sans savoir qui il est » (Pensée 233).Ainsi une vie heureuse serait définie par l'accord de l'homme avec Dieu.

Belle définition, sans doute.

Dieu est bien. »

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