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Blaise PASCAL: le pari

Publié le 01/04/2005

Extrait du document

pascal
Examinons donc ce point et disons : « Dieu est ou il n'est pas ». Mais de quel côté pencherons nous? La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un )eu, à l'extrémité de cette distance infinie où il arrivera croix ou pile. Que gagerez vous? Par raison vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison, vous ne pouvez défendre nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix, car vous n'en savez rien. « Non, mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier. » Oui ; mais il faut parier. Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez vous donc? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre... béatitude... Votre raison n'est pas plus blessée en choisissant l'un que l'autre puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez vous gagnez tout, si vous perdez vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est sans hésiter. Cela est admirable. Oui, il faut gager mais je gage peut-être trop. Voyons. Puisqu'il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n'aviez qu'à gagner deux vies pour une, vous pourriez encore gager... Mais il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti : partout où est l'infini et où il n'y a pas infinité de hasards de perte contre celui de gain, il n'y a point à balancer, il faut tout donner. ... Car il ne sert de rien de dire qu'il est incertain si on gagnera et qu'il est certain qu'on hasarde et que l'infinie distance qui est entre la certitude de ce qu'on s'expose et l'incertitude de ce qu'on gagnera égale le bien fini qu'on expose certainement à l'infini qui est incertain. Cela n'est pas , aussi tout joueur hasarde avec certitude pour gagner avec incertitude ; et néanmoins il hasarde certainement le fini pour gagner incertainement le fini sans pécher contre la raison... S'il y a autant de hasards d'un côté que de l'autre le pari est à jouer égal contre égal ; et alors la certitude de ce qu'on s'expose est égale à l'incertitude du gain : tant s'en faut qu'elle en soit infiniment distante. Et ainsi notre proposition est dans une force infinie quand il y a le fini à hasarder à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, et l'infini à gagner. Cela est démonstratif, et si les hommes sont capables de quelque vérité, celle là l'est. Blaise PASCAL
C'est au libertin que s'adresse ce que l'on a appelé « le pari de Pascal «, à celui qui précisément se fuit dans les vanités du monde. Dans ce pari, Pascal met son talent mathématique au service de la foi et vise à convertir les libres penseurs. La raison ne peut prouver l'existence de Dieu, car il y a une distance infinie entre un Dieu infini et Sa créature finie.

pascal

« Le pari c'est l'argument ultime destiné aux athées irréductibles.

Pascal veut montrer que le « libertin » opiniâtre(celui qui ignore et ne veut pas connaître le « dessous des cartes », c'est-à-dire les preuves scripturaires, letémoignage des Évangiles) doit pourtant, à partir de ses seules maximes profanes de joueur, parier pour Dieu.Le pari se présente comme un dialogue, poursuivi à chaque étape de l'argumentation, entre Pascal et lelibertin. (Explication et commentaire) « Dieu est ou n'est pas...

La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare.

»Le point de départ du pari c'est l'impossibilité pour la raison de prouver l'existence de Dieu.

Cette impossibilitédécoule directement de la distance infinie qui sépare l'homme de Dieu.

L'homme est un être fini et ne peut doncpas, par sa raison naturelle, atteindre l'être infini.Déjà l'étendue infinie, si elle peut être conçue ne peut être comprise.

A plus forte raison un Infini purementspirituel échappe à nos prises.

Aucune des deux options proposées (Dieu existe — Dieu n'existe pas) ne peutêtre démontrée.

« Par raison vous ne pouvez défendre nul des deux.

»Donc le pari n'est aucunement une preuve de l'existence de Dieu.

Pascal ne le donne pas comme une preuve.Le pari ne démontre pas la vérité de l'existence de Dieu.

Il n'en démontre même pas la probabilité.

La raisonnaturelle est également impuissante à démontrer l'une ou l'autre des deux options possibles.

Quand Voltaireécrit dans sa XXV Lettre philosophique .

« Le pari de Pascal n'est pas une preuve.

L'intérêt que j'ai à croire unechose n'est pas une preuve de l'existence de celte chose », il a raison, mais il est sans le savoir parfaitementd'accord avec Pascal« ...

Celui qui prend croix et l'autre sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.

» Pascal donne icila parole au libertin.

Si les deux options sont également indémontrables la seule attitude rationnelle n'est-ellepas de refuser la pari? On pourrait d'ailleurs ajouter ici qu'il ne saurait y avoir,dans ces conditions, de pari proprement dit.

M.

Etienne Souriau l'a justement fait observer dans son beau livreL'ombre de Dieu (P.U.F., p.

79-80).

« Car il faut être deux pour parier, l'un qui dit : je parie, l'autre qui dit, jetiens.

Qui dit ici Je tiens? Et si personne ne le dit il n'y a pas de pari.

L'homme de Pascal est comme ce fou : ilvoit une feuille au fil de l'eau hésiter entre deux côtés d'un caillou.

Il dit : je parie un million avec Rotschildqu'elle passera à droite...

Où est sa folie? Ce n'est pas que le million n'existe pas, c'est que Rotschi d n'a pasdit Je tiens.

» Remarquez l'étrangeté de la formule impersonnelle de Pascal : « Il se joue un jeu...

où il arriveracroix ou pile.

»L'étrange phrase de Pascal ne dit pas précisément entre qui et qui se joue le jeu.

Pour avoir un sens le pari nesuppose-t-il pas d'emblée cette existence d'un Dieu rémunérateur ou vengeur pour laquelle il nous demanded'opter?« ...

Il faut parier.

Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué...

Votre raison n'est pas plus blessée enchoisissant l'un que l'autre puisqu'il faut nécessairement choisir.

Mais votre béatitude? Pesons le gain et laperte en prenant croix que Dieu est.

» Pascal répond au libertin : Aucune des deux options n'est démontrable,je ne peux pas savoir si Dieu existe et s'il tient le pari, mais je suis embarqué, il faut bien que je vive d'unefaçon ou d'une autre, que je vive comme si Dieu existait ou comme s'il n'existait pas.

J'ai le choix entre deuxsolutions, je ne peux pas me dérober au choix.

Comme le dit M.

Henri Gouhier dans son remarquablecommentaire sur le pari : « Exister, qu'on le veuille ou non, c'est exister avec Dieu ou exister sans Dieu.

» Lemot célèbre de Pascal « Vous êtes embarqué » montre bien qu'il ne s'agit plus ici d'un problème de spéculation(il ne s'agit plus de cette impossible démonstration de Dieu) mais il s'agit d'une question d'existence.Il s'agit de choisir un genre de vie.

La raison, incapable de démontrer l'existence de Dieu peut-elle m'inviter àchoisir « l'existence avec Dieu? » Si je pouvais prouver je n'aurais pas à parier; mais tandis que le plan de laréflexion théorique laisse la place à celui de l'option vitale, la raison peut éclairer mon choix.

Comme dit M.Henri Gouhier : « A l'impossible démonstration qui ferait de l'existence de Dieu une vérité rationnelle, le parisubstitue une argumentation qui en fait l'objet d'un choix raisonnable.

» Le pari de Pascal n'a rien à voir avecl'option de Descartes oui.

perdu dans la forêt, choisit une direction au hasard et décide de s'y tenir.

Dans cetexemple la volonté pure manifeste sa puissance tandis que la raison abdique devant le hasard.

Le pari dePascal est tout différent.

Loin d'illustrer le volontarisme pur, il manifeste un choix de la raison.

Il s'inspire decette nouvelle science où Pascal, résolvant le problème de la roulette, a brillé.

Il veut être une applicationrigoureusement rationnelle de la nouvelle « géométrie du hasard ».

Je ne puis démontrer que Dieu existe, nimême qu'il est probable que Dieu existe.

Mais je peux fournir une argumentation au terme de laquelle je doiscertainement parier pour une vie de bon chrétien.

« ...

Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vousne perdez rien.

» Parier pour Dieu c'est soumettre sa vie aux commandements de l'Église, renoncer aux vainsplaisirs de ce monde et gagner le paradis, une infinité de béatitude.

La mise (les plaisirs de la vie) est dérisoirepar rapport au gain possible parce que la mise est finie, que le gain possible est infini.

Aucun bien fini necompte en regard de l'infini.

C'est là l'idée fondamentale qui sous-tend de bout en bout le pari de Pascal ; c'estelle qui inspire le titre que Pascal a donné à ce fragment : « Infini — Rien ».

Qui refuserait de jouer à pile ouface un franc contre un milliard? Et dans le choix proposé par Pascal au libertin il ne s'agit pas d'un milliard,richesse énorme mais finie, il s'agit de l'infini : « II y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, unhasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini.

Cela ôte tout parti.

» « Oui, il faut gager, mais je gage peut-être trop.

» Pascal redonne ici la parole au libertin.

Pour le libertin, aveuglépar les passions, ce n'est pas un « rien » qui est hasardé contre l'infini mais cette vie présente qui, bien que finie, aune certaine valeur.

En pariant pour Dieu je suis sûr de perdre les plaisirs terrestres et je ne suis pas sûr de gagner. »

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