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Camus, Les Justes, acte II - Je ne pouvais pas prévoir... Des enfants, des enfants surtout...

Publié le 22/02/2012

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Camus, Les Justes, acte II - Je ne pouvais pas prévoir... Des enfants, des enfants surtout... En 1905 à Moscou, des terroristes appartenant à un groupe révoulutionnaire organisent un attentat à la bombe contre le grand duc Serge, oncle du Tsar. Kaliayev (Yanek) chargé de lancer la bombe sur la calèche du grand du ne l'a pas fait. Il s'explique ici devant ses camarades. Extrait de l'Acte II Tous regardent kaliayev qui lève les yeux vers Stepan. Kaliayev, égaré. Je ne pouvais pas prévoir... Des enfants, des enfants surtout. As-tu regardé des enfants ? Ce regard grave qu'ils ont parfois... Je n'ai jamais pu soutenir ce regard... Une seconde auparavant, pourtant dans l'ombre, au coin de la petite place, j'étais heureux. Quand les lanternes de la calèche ont commencé à briller au loin, mon coeur s'est mis à battre de joie, je te le jure. Il battait de plus en plus fort à mesure que le roulement de la calèche grandissait. Il faisait tant de bruit en moi. J'avais envie de bondir. Je crois que je riais. Et je disais "oui, oui"... Tu comprends? Il quitte Stepan du regard et reprend son attitude affaisée. J'ai couru vers elle. C'est à ce moment que je les ai vus. Ils ne riaient pas, eux. Ils se tenaient tout droits et, regardaient dans le vide. Comme ils avaient l'air triste ! Perdus dans leurs habits de parade, les mains sur les cuisses, le buste raide de chaque coté de la portière ! Je n'ai pas vu la grande duchesse. Je n'ai vu qu'eux. S'ils m'avaient regardé, je crois que j'aurais lancé la bombe. Pour éteindre au moins ce regard triste. Mais ils regardaient toujours devant eux. Il lève les yeux vers les autres. Silence. Plus bas encore. Alors je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Mon bras est devenu faible. Mes jambes tramblaient. Une seconde après, il était trop tard. (Silence. Il regarde à terre.) Dora, ai-je rêvé, il m'a semblé que les cloches sonnaient à ce moment là ? Dora Non, Yanek, tu n'as pas rêvé. Elle pose la main sur son bras. Kaliayev relève la tête et les voit tous tournés vers lui. Il se lève. Kaliayev Regardez-moi, frères, regardes moi Boria, je ne suis pas un lâche, je n'ai pas reculé. Je ne les attendais pas. Tout s'est passé trop vite. Ces deux petits visages sérieux et dans ma main, ce poids terrible. C'est sur eux qu'il fallait le lancer. Ainsi. Tout droit. Oh non ! Je n'ai pas pu. Il tourne son regard de l'un à l'autre. Autrefois, quand je conduisais la voiture, chez nous en Ukraine, j'allais comme le vent, je n'avais peur de rien. De rien au monde, sinon de renverser un enfant. J'imaginais le choc, cette tête frêle frappant la rout, à la volée... Il se tait. Aidez-moi... Silence.

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