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« La cérémonie commence », s'écrie un personnage au début de la représentation de la pièce d'Ionesco, Le Roi se meurt. Ne pensez-vous pas qu'on puisse dire de toute représentation qu'elle est elle-même une cérémonie ? Vous justifierez votre réponse par des exemples précis, tirés de votre expérience du théâtre.

Publié le 20/02/2011

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ionesco

A Athènes, dans l'Antiquité, les citoyens assistaient en masse aux représentations théâtrales. Le théâtre prenait les dimensions d'une véritable cérémonie à la fois communion du public et des acteurs, divertissement — d'ailleurs presque gratuit —, moyen d'éducation morale et civique, en même temps qu'il faisait partie des manifestations d'attachement, de respect, de rituel en l'honneur de la Déesse protectrice Athéna et des grands Olympiens. Ainsi le théâtre se révèle-t-il comme un des plus anciens moyens de communication et d'expression de l'homme. Le terme lui-même vient du grec = « ce que l'on voit «, de même racine que le verbe = « voir «. D'ailleurs le mot théâtre acquiert de ses origines une valeur si symbolique qu'il est utilisé chez tous les peuples européens, sauf en Tchécoslovaquie où le terme vieux slave divaldo veut aussi dire « voir «. C'est que cette représentation qu'est le théâtre s'apparente à une sorte de gestuelle consacrée que contemplent — en état de transe — les fidèles, puisque dans beaucoup de civilisations elle a lieu parallèlement à de grandes célébrations religieuses. Il ne semble donc pas qu'il faille réduire le terme de cérémonie, ni celui de représentation à ce qui est pourtant un de leurs aspects fondamentaux : le spectacle (1er thème). Ne faut-il pas aussi se souvenir que le théâtre a gardé sa fonction originelle d'éclaircissement et de transmission des sentiments de l'homme, rôle que le public, en communion magique avec la pièce, demande aux personnages et texte — donc au langage créé par l'auteur et porté par les acteurs — de remplir à sa place ? (2e thème)

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« II.

Mais théâtre = aussi expression des « mouvements de l'âme humaine » (Montherlant). • C'est la seconde fonction de toute cérémonie, la plus importante sans doute, celle pour laquelle est créé lespectacle, rituel extérieur qui la porte, la facilite.• Rappeler que le théâtre ne pouvant se passer du langage va être assez vite utilisé pour servir de truchement.• --+ 'Théâtre/Thèse (fin me siècle surtout), tel Dumas Fils (La Dame aux Camélias): la scène sert de démonstrationd'idées chères à l'auteur tels problèmes des enfants naturels, divorce..., ou F.

de Curel qui construit son intriguepour démontrer en particulier les problèmes de la science, du patronat.

Les personnages ne sont plus que lesconfidents de la méditation de l'auteur.• Ou Théâtre/tribune (au milieu du XXe siècle), tel J.-P.

Sartre venu au théâtre pour toucher plus directement etavec plus d'efficacité un public plus nombreux.

Il utilise la règle du jeu théâtral, reste donc traditionnel, pour mieux «réaliser l'unité de tous les spectateurs ».

Toutes les théories sartriennes se trouvent posées ou mises en pratiquedans son théâtre (Les Mouches, Les Mains sales, Le Diable et le Bon Dieu...).

Théâtre problématique qui faitdécouvrir les problèmes que l'homme n'arrive pas à résoudre.• Toutes les ressources extérieures de la cérémonie sont mises en œuvre.

C'est que le théâtre est un véritable artsymphonique et si la pièce passe la rampe, « il se lève alors dans cet univers spécial, des vies merveilleuses, desdestins uniques et complets qui croissent et s'achèvent entre des murs et pour quelques heures ».

(A.

Camus.)• Cet univers théâtral est à la fois différent de notre vie et porteur de nos procédés et de nos apparences, à la foisprésent et lointain, peuplé d'êtres qui ne vivent pleinement que dans ce monde tout de conventions, d'illusion.• Or cette illusion touche, frappe, emporte le spectateur ; c'est pourquoi, quand l'auteur dramatique réussit —comme J.-P.

Sartre ou A.

Camus — c'est une solution rêvée pour entraîner en une cérémonie de pensées, tout lepublic ; il en fut ainsi pour Le Diable et le Bon Dieu ou Caligula, sans compter la séduction, l'impact de tel acteur (F.Périer, P.

Brasseur, G.

Philipe) qui porte encore mieux le message que le personnage créé avait pour mission detransmettre.• Même ceux qui, comme Ionesco ou Beckett avaient eu l'intention de créer un anti-théâtre, se trouvent emportéspar les paradoxes et équivoques du théâtre qui contrebalancent les leurs, et leur donnent la fonction théâtrale.Ainsi quand La Cantatrice chauve fut découverte par le metteur en scène H.

Bataille se rendant compte desdimensions comiques de scène de l'oeuvre, « j'en fus étonné, écrit E.

Ionesco, moi qui avais cru écrire la Tragédiedu langage ».• Même si Ionesco s'est toujours défendu d'exprimer un message, la cérémonie théâtrale que constitue l'absurdemême de son théâtre fait passer la sagesse de l'écrivain dont la lucidité sarcastique prévient l'homme de se méfierdes pièges du destin, de ne pas donner son adhésion à l'absurde universel.

Cf.

dernières paroles de Béranger(Rhinocéros).• Car le théâtre de « l'insoutenable » (2e partie du xxe siècle) extériorise les obsessions dans lesquelles sedébattent les hommes dont les dramaturges sont les porte-parole.

Tel Le Roi se meurt (E.

Ionesco), grand tête-à-tête de l'homme et de la mort, un classique, « aussi familier désormais que le scandale métaphysique auquel ils'oppose de toute sa naïveté inconsolable ».

(Poirot - Delpech.)• Enfin l'essence même de la cérémonie-théâtre n'est pas seulement le spectacle, elle est la force du texte destinéà être joué : art d'imposer les situations, mouvement de l'intrigue et finesse de la psychologie.• Le théâtre est donc souvent le terrain réservé à « l'exploration de l'homme ».

Cf Montherlant : La Reine morte,Malatesta; cf.

L.

Jouvet : « Condamnés à expliquer le mystère de la vie, les hommes ont inventé le théâtre.

»• Profit moral et intellectuel du théâtre.

Certains problèmes essentiels sont posés, particulièrement ceux de lapassion (Racine), des manies ou des vices dévorateurs de l'homme (L'Avare de Molière) ; ils sont portés par desêtres dont une suite de traits de caractère composent progressivement le visage d'un héros ou la stature d'un type,les pièces de caractère comme Le Misanthrope (Molière), Bérénice (Racine), Malatesta (Montherlant).

Le théâtre estalors un art...« ...

Plus jaloux d'évoquer l'éternel fonds de l'homme Que de flatter des yeux la frêle illusion.

»(Sully Prudhomme).• Statut bien particulier du théâtre qui a la possibilité de mettre en lumière les profondeurs des âmes à l'occasiond'actions infiniment plus resserrées que dans la vie.• Mais il est bien entendu que cette transmission au public se fait au théâtre par l'intermédiaire d'un rituel.

Car il estun univers stylisé proche du magique qui utilise des signes.• Le théâtre est signifiant, envoûtant, avec ses lois propres, ses charges aussi.

Comme le dieu des Oiseauxd'Aristophane auquel les Fidèles ne veulent plus rendre de sacrifices, le théâtre dépend de ses Fidèles, le public,auquel il doit impérativement plaire — mais sans démagogie — s'il ne veut pas se contenter d'un succès éphémère. Conclusion. • Théâtre = « une émotion passagère et vaine qui ne dure pas plus que l'illusion qui l'a produite ».

(J.-J.

Rousseau.) • Certes le théâtre est un « art essentiellement de convention » et en ce fait d'illusions.• Certes les personnages qui évoluent devant les spectateurs se présentent comme les héros d'une fable vivant etdiscourant sur un faible espace surélevé (scène).• Mais ces créatures de théâtre, parce qu'elles restent ambiguës et gardent une part d'indétermination, sont pour lepublic à la fois délivrance, éclairage — tout en étant distraction et charme —, expression et langage des hommes,...• ...

particulièrement de ce même public, le fidèle de la cérémonie, qui vient rire, pleurer, souffrir, du rire, des pleurs,. »

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