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La certitude d'etre mortel est-elle un obstacle a mon bonheur ?

Publié le 21/09/2005

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Dans un texte vieux de trente-cinq siècles, L'épopée de Gilgamesh, rédigé en Babylonie, un roi est mis en scène dans sa quête d'immortalité. L'angoisse inspirée par la mort n'est pas une construction culturelle, elle est peut-être même l'un des signes du commencement de la culture.            

La certitude que j'ai de ma propre mort n'est donc pas seulement une connaissance rationnelle, elle est un sentiment, une angoisse existentielle, comme Pascal et Kierkegaard l'ont mis en évidence. Le sentiment que j'ai de ma propre finitude, auquel me renvoie constamment la perception de l'univers infini, exprime la fragilité de mon existence. Certes, il a été dit que la mort, n'étant jamais vécue comme telle, ne fait précisément pas partie de la vie et n'a donc pas à être redoutée ; or, comme Heidegger notamment l'a souligné, l'angoisse est une peur qui n'a pas d'objet.            

Il n'est donc pas contradictoire que la mort suscite en nous de l'angoisse puisqu'elle est justement quelque chose dont nous ne pouvons faire l'expérience. Les leçons d'Epicure ou de Wittgenstein sur l'absurdité de craindre la mort, pour cette raison qu'elle n'est pas à proprement parler vécue, nous paraissent de purs sophismes, et tenir davantage du déni devant l'épaisseur de l'angoisse, que d'un conseil philosophique valable. Dans l'angoisse de la mort, ce n'est pas mon vécu qui me préoccupe mais bien l'avènement de la fin de tout vécu pour moi. La certitude de la mort est donc un motif puissant qui entame mon insouciance et diffère la possibilité de voir mon bonheur se réaliser. En effet, jamais je ne parviens à me distancier suffisamment du sentiment que j'ai d'être mortel.

• Remarquez qu'il ne s'agit pas ici de la certitude de la mort des autres, mais de la mort en première personne. • Presque tous les grands systèmes de pensée ont affirmé que la mort ne devait pas être un obstacle au bonheur, reconnaissant du même coup qu'elle pouvait en être un et qu'elle en était un.  • Obstacle dans la mesure de cette certitude : si je suis heureux je sais que ce bonheur est limité dans le temps par la certitude de la mort. L'idée d'un bonheur limité, d'un bonheur qui ne durera pas toujours n'est-elle pas contradictoire ? « La mort est plus aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril « Pascal, Pensées II, 166.  • La certitude de la mort a inspiré aux hommes une grande variété de conduites rassurantes qui permettaient soit de la nier comme obstacle au bonheur, soit d'en faire une condition du bonheur. Comment penser la mort de telle sorte qu'elle ne soit pas source d'angoisse et obstacle au bonheur ?  • Cf. Épicure : Lettres à Ménécée.  • Platon : Apologie de Socrate. Le Phédon.  • Sade : Juliette ou la prospérité du vice.  • Distinguer la certitude d'être mortel et la pensée de la mort.  • Méditez ce texte fort connu de Spinoza : Éthique IV, prop. LXVII: « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie. « Un homme libre c'est-à-dire qui vit suivant le seul commandement de la Raison, n'est pas dirigé par la crainte de la mort mais désire ce qui est bon directement, c'est-à-dire désire agir, vivre, conserver son être suivant le principe de la recherche de l'utile propre. «

« II- Nul ne croit à sa propre mort. C'est dans ses Essais de psychanalyse , que l'on trouve cette assertion de Freud.

Tout le monde n'est pas constamment en train departager les expériences existentielles d'un Pascal ou d'un Kierkegaard ; laplupart du temps, le sentiment de ma propre mort est refoulé.

Selon Freud, laconnaissance que nous avons de notre funèbre destinée n'est qu'unsentiment de surface, au fond, chacun dans son inconscient est persuadé desa propre immortalité et se conduit comme tel, c'est d'ailleurs ce qui rend lavie vivable. La certitude d'être mortel est donc relative, elle ne contamine pasma vie de tous les jours, je ne la vis pas comme un traumatisme permanent.C'est donc, contrairement à ce que nous avancions, davantage uneconnaissance rationnelle qu'un sentiment déterminant mon comportement auquotidien.

La mort est pour moi un horizon relativement lointain et flou, elleest à venir et non pas immanente à ma vie de tous les jours. On ne peut donc dire conséquemment que la certitude, relative, quej'ai d'être mortel, est un obstacle à mon bonheur.

Ce sont davantage lessoucis les plus banals, les préoccupations matérielles qui m'empêchentd'accéder au bonheur.

Les obstacles n'ont pas besoin d'avoir un statut métaphysique pour être efficaces.

C'est par l'histoire des relations intra familiales que la psychanalyse explique lesconduites d'échecs des individus et non par la certitude qu'ils ont d'être mortels. III- Le divertissement. Il nous semble que l'on peut inverser la perspective de départ : loin que la certitude que j'ai d'être mortelfasse obstacle à mon bonheur, c'est la quête du bonheur qui est corrélative d'un oubli de ma qualité de mortel.

Larecherche du bonheur affaiblit le sentiment de ma propre finitude.

Comme Nietzsche l'a vu dans La Généalogie de la morale , l'oubli n'est pas une force d'inertie mais une force active, positive, qui me facilite la vie. Le divertissement, thématisé par Pascal dans ses Pensées , est donc en même temps une fuite de l'angoisse générée par la connaissance que j'ai de la finitude de mon existence.

Le bonheur n'est donc pas à lui-même sapropre fin, au-delà de sa perpétuation c'est la fuite de la mort qu'il se donne pour fin.

Or, l'homme ne doit pas sesentir coupable, cette attitude n'est pas lâche, elle est une condition de possibilité d'une existence saine.

Comme l'amontré la psychanalyse, le refoulement est un signe de bonne santé psychique. A.

Condition de l'homme Jetés dans un coin de l'univers, nous sommes dans la situation de quelqu'unqui se réveillerait sur une île déserte sans savoir ni où il est, ni comment il yest arrivé, ni pourquoi il s'y trouve.

Nous n'avons qu'une certitude : notre mort; un seul désir : être heureux.

Tout le reste n'est que ténèbres.

L'univers estmuet pour notre coeur ; la science n'a rien à dire qui puisse nous consoler.

Dépendance, abandon, néant, voilà la condition de l'homme.

Voilà ce qu'il nepeut manquer de voir, s'il n'est occupé à rien.

C'est pourquoi les hommesn'aiment guère l'inaction : ils y sentent leur vide, et risquent de céder audésespoir.

Plutôt que de contempler cet abîme angoissant, les hommespréfèrent s'en détourner : ils cherchent du divertissement. B.

Le divertissement D'où l'incessant « remuement » des hommes, les affaires, les passions, lesguerres, les charges — tous ces tracas qui les détournent de penser à leurcondition.

Les hommes se dupent eux-mêmes, disant chercher le repos quandils cherchent l'agitation.

Ce n'est pas la prise qui compte à la chasse, mais lapoursuite.

« Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche deschoses » (id.).

En voici la raison.

L'homme est un vide infini que l'Infini seul pourrait combler.

Le repos est biennotre fin, mais nous le cherchons là où nous ne pourrons jamais le trouver :dans les biens terrestres.

Ne voulant pas l'avouer, nous préférons poursuivre indéfiniment notre course, qui nousdétourne des vraies questions.

Ceux qui s'arrêtent n'ont qu'une alternative : le désespoir ou la conversion au vrai Dieu.

En dernière analyse, on peut concéder qu'il existe une diversité de cultures et d'approches de la mort.

Chezcertains elle est célébrée comme une fête ; il n'est probablement pas faux de dire que dans notre monde occidentalcontemporain la mort devient de plus en plus difficile à gérer existentiellement ; loin d'être perçue comme unefatalité naturelle, on l'a comprend désormais comme une injustice.

La vieillesse, le déclin des facultés, sont euxmême perçus comme des injustices dont la médecine doit rendre compte, il n'en va pas de même dans toutes lescultures.. »

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