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Changer d'avis est-ce faire acte de liberté ?

Publié le 08/08/2005

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La première démarche consiste à se demander quels sont les termes qui sont mis en opposition dans cette question.  Ici, il s'agit évidemment d' « avis « (et même « changer d'avis «) et « liberté «  Alors pourquoi opposer ces deux mots ?  Peut-être pour mettre en avant l'ambiguïté que soulève l'idée d'opinion qui, comme on le sait, est une ennemie farouche de la philosophie. Et l'expression « changer d'avis «met précisément en avant l'aspect changeant, versatile, de l'opinion qui ne peut s'ériger comme véritable connaissance.  Alors, si l'on s'accorde assez aisément à penser que l'opinion s'oppose à la vérité, pourquoi la confronter à la liberté ?  La deuxième question qu'il faut se poser concerne donc la définition même de la liberté et ce, dans son rapport à l'opinion. Etre libre, n'est ce pas avoir une certaine constance dans les choix que l'on fait ? Il faut ici penser à l'expression : « avoir le courage de ses opinions « qui insiste sur le fait qu'exposer son avis comporte parfois des dangers qu'il faut savoir surmonter et assumer, c'est à dire rester constant, ce qui est précisément gage de liberté.  

« « Socrate : « Supposons, mon cher ami, que le philosophe ait réussi à tirervers les hauteurs un homme de la foule et que ce dernier consente à sortir deces questions : « Quel tort t'ai-je fait ? ou quel tort m'as-tu fait ? » pours'élever à la considération de la justice et de l'injustice en elles-mêmes, pourchercher en quoi elles consistent et en quoi elles se distinguent de touteschoses aussi bien que l'une de l'autre ; supposons que cet homme renonceégalement à se demander si le grand roi est heureux, ou si le propriétaired'une quantité d'or est heureux, pour en venir à considérer la royauté et le.bonheur ou le malheur humain en général, leur essence respective, la façondont il convient à l'homme de viser l'un et de fuir l'autre.

Notre hommevulgaire dont l'esprit est étroit et procédurier, lorsqu'il est ainsi contraint derépondre à des questions philosophiques, se montre à son tour embarrassé.De se trouver si haut suspendu, la tête lui tourne : il n'a pas l'habitude deregarder au milieu des airs et le voilà gêné, affolé et bredouillant : ainsi cen'est pas aux servantes de Thrace ni aux autres ignorants que celui-ci prêteà rire (car ceux-ci ne se rendent pas compte de sa situation), mais à tousceux qui ont reçu une éducation contraire à celle des esclaves.Telle est, Théodore, l'attitude de chacun des deux hommes dont nous avonsparlé.

L'un, élevé dans la liberté et le loisir, que tu appelles justementphilosophe, ne doit pas être blâmé de paraître naïf et nul quand il se trouvedevant des besognes serviles, et par exemple de ne pas savoir ficeler unecouverture de voyage, d'être incapable d'assaisonner un plat de condimentsou un discours de flatteries.

L'autre homme est capable de faire tout cela habilement et rapidement, mais il ne saitpas, à la façon d'un homme libre, rejeter noblement son manteau sur l'épaule droite ni, quand il a pris son tour deparole, chanter comme il convient la vraie vie des Dieux et des hommes heureux.

» »PLATON , Théétète. III/ Le libre arbitre comme acte libre visant la vérité Le noeud du problème se situe ici au coeur même de la question de la liberté.En effet, quelle peut être la finalité, le but ultime que se propose d'atteindre cette liberté individuelle manifestée parle libre-arbitre ?S'agit-il d'une simple satisfaction personnelle ou d'une vertu bien plus grande qu'est, par exemple, la vérité ?En décidant d'avoir telle opinion plutôt qu'une autre, ce n'est pas tant mon bonheur personnel que je dois viser maisla vérité. « Madame, je me suis quelquefois proposé un doute : savoir, s'il est mieuxd'être gai ou content, en imaginant les biens qu'on possède être plus grandset plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérerceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pourconnaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste.Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu'on nedût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce peut être, etj'approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin, ou lesétourdissent avec du pétun (1).

Mais je distingue entre le souverain bien, quiconsiste en l'exercice de la vertu, ou, ce qui est le même, en la possession detous les biens dont l'acquisition dépend de notre libre arbitre, et lasatisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition.

C'est pourquoi, voyant quec'est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu'ellesoit à notre désavantage, que l'ignorer, j'avoue qu'il vaut mieux être moins gaiet avoir plus de connaissance.

Ainsi je n'approuve point qu'on tâche à setromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui enrevient, ne peut toucher que la superficie de l'âme, laquelle sent cependantune amertume intérieure, en s'apercevant qu'ils sont faux.

» (1) Tabac.René DESCARTES Lettre à Elisabeth Conclusion : L'opinion est bien différente de la connaissance en ce sens qu'elle est vouée à être changeante, et c'estprécisément ce point que la question souligne.D'une part, n'étant pas fondée sur une réflexion personnelle propre, étant empruntée au jugement d'autrui, l'opinionne peut vraisemblablement pas affirmer ma liberté.De plus, un tel comportement intellectuel, en ne faisant que se substituer à la connaissance qui lui fait défaut,peut-il vraiment agir librement et prétendre atteindre non plus sa propre vérité mais la vérité elle-même ? il s'agitdès lors de substituer à la simple opinion le libre arbitre qui seul, est en mesure d'affirmer une liberté individuelle.. »

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