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Chanson - Marie Noël

Publié le 12/02/2011

Extrait du document

Quand il est entré dans mon logis clos, J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre, L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos... Sais-je depuis quand j'étais là sans être ? Et je cousais, je cousais, je cousais... — Mon cœur, qu'est-ce que tu faisais? Il m'a demandé des outils à nous. Mes pieds ont couru, si vifs dans la salle, Qu'ils semblaient, — si gais, si légers, si doux, — Deux petits oiseaux caressant la dalle. De-ci, de-là, j'allais, j'allais, j'allais... — Mon cœur, qu'est-ce que tu voulais?

Il m'a demandé du beurre, du pain, — Ma main en l'ouvrant caressait la huche — Du cidre nouveau, j'allais, et ma main Caressait les bols, la table, la cruche. Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais... — Mon cœur, qu'est-ce que tu cherchais? Il m'a fait sur tout trente-six pourquois. J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres. Du froid et du chaud, des gens et ma voix En sortant de moi caressait mes lèvres... Et je causais, je causais, je causais... — Mon cœur, qu'est-ce que tu disais? Quand il est parti, pour finir l'ourlet Que j'avais laissé, je me suis assise... L'aiguille chantait, l'aiguille volait, Mes doigts caressaient notre toile bise... Et je cousais, je cousais, je cousais... — Mon cœur, qu'est-ce que tu faisais? Marie Noël SUJET Vous ferez de ce poème un commentaire littéraire composé. Vous pourrez montrer, par exemple, par quels procédés poétiques l'auteur met en place, par de petites touches pudiques et familières, le portrait d'un certain type de jeune fille.   

« peut-être aussi une monotonie.

Dans ce vers «la fenêtre», ouverture sur le monde, témoigne d'une certaine envied'évasion ; mais elle est loin d'être totalement réalisée : il suffit de regarder les autres vivre.

Pourtant la jeune fillereste au sein du logis. c) « L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos ». La tonalité est ici nettement morne.

La première partie du vers avec «l'intériorisation de l'hiver» laisse entendre uncertain engourdissement du corps, mais aussi sans doute du cœur et de l'esprit. d) « Sais-je depuis quand j'étais là sans être ? » Répétition un peu lourde des sonorités qui rend compte d'une présence qui n'est qu'apparente. e) « Et je cousais, je cousais, je cousais...

» Répétition monotone du travail. f) « Mon cœur, qu'est-ce que tu faisais ? » L'interrogation témoigne d'une double distance : la jeune fille d'alorsrêvait, sommeillait, peut-être.

Rupture donc entre la présence et les sentiments.

Distance également entre MarieNoël écrivant, et le passé, comme si les mystères du passé étaient oubliés, ou bien plus sûrement comme sil'écrivain tenait à préserver ses secrets.

Car toutes les réponses sont possibles : le rêve, le vide, nous l'avons vu,mais aussi un léger reproche. 2) Cette étude assez détaillée étant réalisée, il convient de reporter brièvement le reste du texte aux remarquesainsi effectuées. a) Le thème de l'univers clos et de l'ouverture se retrouve-t-il dans le reste du texte? Oui puisque, à la fin, la jeunefille reste, alors que l'homme repart.

Il faut donc opposer le passant, appelé par le monde extérieur et celle qui setrouve immobile « assise » comme au début du texte.

A ce sujet on peut, dans un premier temps, noter la répétitiondu «refrain» : «Et je cousais...» Toutefois il faut nuancer.

Pendant le temps du poème, la jeune fille ne reste passtatique : les verbes de mouvement abondent : «j'allais» répété trois fois dans le refrain puis repris dans la strophe.La vivacité est encore accrue dans la deuxième strophe avec la comparaison des oiseaux et l'emploi des adjectifs«si vifs», «si légers». b) Le thème du travail ne se retrouve réellement qu'à la fin.

Mais si l'on confronte la première et la dernière strophe,la différence est manifeste.

Nous avons relevé une certaine pesanteur, au contraire «l'aiguille chantait, l'aiguillevolait»; c'est dire la légèreté, la joie qui s'attachent, à ce moment, à la besogne jadis monotone.

Bien évidemmentl'élève devra être éveillé par une telle divergence, et s'interroger par la suite sur les raisons de ce changement. Toujours à propos du travail, nous avions noté une certaine simplicité.

Se retrouve-t-elle dans la suite? On peut larelever dans une expression familière «des outils à nous», au sujet de la conversation : «J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres Du froid et du chaud, des gens...

» Des objets, du beurre, pain, huche, cruche...

Ici l'on peut remarquer que tous ces mots renvoient au monde de lacampagne, au monde d'autrefois. c) Nous avions noté l'impression accrue de monotonie par l'évocation de l'hiver.

Il est évident qu'elle disparaît dansla suite du texte, du fait des mouvements de la jeune fille qui court «De-ci, de-là».

Alors que le travail était répétitif, les différents gestes de l'hôtesse sont variés et rapides. Les refrains reviennent, semblables, nous l'avons dit, au début et à la fin.

Ils sont repris dans le reste du texte maisavec des variantes qu'il convient d'étudier.

Subsiste l'interrogation «au cœur» comme si la discrétion étaitabsolument de mise.

Généralement le premier vers reprend la strophe précédente et insiste sur l'essentiel.

Autantl'emploi de «cousais» marquait une monotonie au début, autant les verbes aller, causer, manifestent une sorted'enivrement.

Et les actions « Deux fois, dix fois, vingt fois» répétées font preuve d'un plaisir éprouvé. Du fait de ces remarques, on peut alors revenir sur l'étude menée à propos du premier et du dernier refrain.

Nous yavions vu le symbole d'un monde clos.

Pourtant, entre les deux, il y a une brève expérience.

Le travail, nous l'avonsdit, cesse de déplaire ou, du moins, d'être automatique.

On décèlerait alors un tout autre sentiment dans lesderniers vers du texte.

Il est, à vrai dire, difficile de trancher.

Pour maintenir les deux interprétations, on avanceraque le phénomène de dédoublement se maintient jusqu'à l'ultime moment : jeune fille, elle cède à la joie; écrivain,elle n'est pas dupe et comprend que l'occasion de vivre est perdue. 3) Ce travail mené à bien, il convient de regarder si des éléments importants ne sont pas restés dans l'ombre.

Il estévident que l'éveil du sentiment amoureux domine la passage.

Mais comment s'exprime-t-il ? Là encore, on reprendla méthode utilisée précédemment, en laissant, bien évidemment, de côté les thèmes déjà relevés. « Il m'a demandé des outils à nous.

». »

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