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“La Chasse aux pommes”, extrait des Confessions (livre I), de Rousseau.

Publié le 15/09/2006

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rousseau

Ecrire sur soi, faire une confession, narrer sa vie, opérer un “récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur la vie individuelle...” (Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographie). C'est ce que fit Rousseau au XVIII è siècle dans Les Confessions. Avec cette oeuvre, il est le précurseur du genre autobiographique, qui prit son réel essor au XXè siècle. Au XVIII ème siècle, cette oeuvre de Rousseau a ceci d'original, qu'elle fait du “moi” un objet littéraire, digne d'intérêt, en toute subjectivité puisqu'il s'agit de confier des souvenirs d'une vie, à la première personne. Au XVIIIème siècle, la littérature était plutôt celle d'une littérature à idées, subjective certes mais tournée vers la réflexion socio-politique et philosophique. Il n'était pas tellement question d'une quête intérieure. Rousseau en s'intéressant au “moi”, a été considéré par ailleurs comme un précurseur du Romantisme qui fera de la sensibilité, une caractéristique littéraire. Rousseau s'inscrit toutefois dans son siècle, car le souvenir, la quête intérieure est un moyen pour diverses justifications notamment pour des explications et argumentations sociales et politiques. Il est, rappelons-le, l'auteur du Pacte social. Dans cet extrait, que l'on appellera “La Chasse aux pommes”, comme le nomme lui-même Rousseau dans cet extrait, l'auteur évoque un souvenir de son enfance. Ce texte raconte un petit larcin, le vol d'une pomme, qui valut à l'auteur une sévère punition. On peut alors s'interroger sur la nature de ce souvenir d'enfance : comment et pourquoi un simple récit d'enfance devient-il une expérience fondatrice ? Nous étudierons tout d'abord l'aspect narratif du souvenir d'enfance, véritable récit à suspense. Puis, nous nous intéresserons au souvenir d'enfance remémoré et analysé par le narrateur-personnage-auteur (adulte). Enfin, il sera question de la valeur exemplaire de ce souvenir. En premier lieu nous verrons la nature de ce souvenir d'enfance et notamment comment ce souvenir est un véritable récit à suspense : Un des premiers effets de suspense et qui crée un effet d'attente chez le lecteur est le tout début du souvenir : “ Un souvenir qui me fait frémir encore et rire tout à la fois, est celui de la chasse aux pommes qui me coûta cher” (L. 1-2). On peut noter l'antithèse “frémir/ rire”, deux mots contradictoires mêlés étroitement par “tout à la fois”, qui révèle le caractère ambivalent de ce souvenir. L'adverbe de temps “encore” indique la persistance et la durée de ce souvenir, toujours actuel pour l'auteur-narrateur adulte. Ce commentaire confère au souvenir une dimension dramatique qui crée un suspense et une attente chez le lecteur : qu'est-ce que l'auteur-narrateur a-t-il bien pu vivre de si terrible et drôle ? La première partie du récit est une scène : le temps de la narration correspond à peu près à la temporalité de la lecture des événements et forment un ensemble d'actions qui suivent un schéma narratif classique ( de la ligne 4 à 13). Le récit débute par “Un jour que j'étais seul dans la maison...” (L. 3) : cette situation initiale donne ainsi le cadre spatio-temporel (“un jour”/ “dans la cuisine”) et la présentation du personnage : “seul” ce qui semble impliquer des circonstances favorables pour faire une bêtise. Le narrateur-enfant remarque alors dans une remise “une dépende” (L. 3), des pommes dont il entreprend d'en voler une, qu'il essaie d'attraper par les interstices d'une “jalousie” (L.11), sorte de grillage. Le suspense réside alors dans la réalisation et l'aboutissement de ce petit vol : l'entreprise est décrite sous l'angle de la difficulté : la première broche qui doit servir à piquer la pomme est “trop courte” (L. 7). A noter la parataxe (absence de syntaxe) : “ J'allai chercher la broche (...) : elle était trop courte”. Les deux points tiennent lieu de lien logique et accentue l'effet de suspense, en réduisant la phrase. Par ailleurs, les actions s'enchainent rapidement suivant le schéma suivant, qui se répète : tentative de vol avec outil, suivi d'un échec. Après avoir rallonger la broche, la narrateur-enfant parvient presqu'à l'attraper : “enfin, je sentis avec transport que j'amenais la pomme. Je tirai très doucement : j'étais prêt à la saisir” (L 10-11). Les étapes du vol sont décrites pas à pas. Les adverbes “très doucement” montrent l'ingéniosité et la patience déployées par l'enfant pour obtenir la pomme. “J'étais prêt à” (L. 12). Cette phrase implique que l'action n'est pas encore réalisée, ce qui tient le lecteur en haleine. L'action est, de plus, ralentie par le commentaire du narrateur-adulte : “Qui dira ma douleur ?”. Le narrateur-adulte met en scène ce souvenir en ménageant ses effets. Après cette première déception, le récit s'accélère : c'est un sommaire, un résumé d'actions : “ Il fallut trouver (...) broche (...) couteau (...) latte.” ( L 13-15). Après cette ingéniosité déployée de nouveau pour inventer un nouveau stratagème un rebondisse- ment a lieu : les deux moitiés de pomme tombent : “à peine furent-elles séparées, qu'elles tombèrent dans la dépense” (L. 16-17). A l'attente du lecteur quant à la réalisation du vol, s'ajoute l'élément suivant : la narrateur-enfant a peur d'être surpris : “ Je craignais d'être surpris” (L. 20). Le narrateur crée alors un effet d'annonce en anticipant la chute : les deux moitiés de pommes deviennent : “des témoins indiscrets” ( L.20), preuves incontestables du vol en train d'être commis. On peut noter ici l'ingéniosité déployée par l'enfant, doublée d'une grande patience : “ A force d'adresse et de temps “ (L. 16), “Je ne perdis point courage” (L .19), ainsi qu'une certaine candeur et naïveté de l'enfant qui ne réalise pas qu'il va se faire prendre. Le narrateur se montre ainsi sous un jour attachant, impliquant l'identification du lecteur au narrateur-enfant. Enfin l'aventure se finit soudainement et traqiquement. L'enchaînement des actions implique une fin inéluctable: “je tente (...) Je monte (...) je l'ajuste (...) j'étais prêt à piquer...” (L. 25). Le maître s'était caché dans la dépense et en sort : “ tout à coup, la porte de la dépense s'ouvre” ( L. 25-26). Cette étape constitue l'élément de résolution, introduit par l'adverbe de temps “tout à coup” et le récit prend fin. La situation finale est retardée et racontée à la toute fin du texte. Le maître ironise : “Courage!...” On peut comprendre cette réplique de deux façons : soit il encourage le narrateur à continuer son entreprise de vol, et ce, de façon ironique, soit il encourage le narrateur qui va endurer une réprimande physique. Encouragement pour le moins cruel...Ainsi le lecteur qui s'est déjà identifié au narrateur-enfant en suivant pas à pas son vol, entreprise menée de façon ingénieuse, courageuse mais naïve, s'identifie d'autant plus au narrateur que le maître nous apparaît sévère, ironique voire cruel. Ce récit plein de suspense est narré dans un double registre : burlesque et tragique : En effet, le narrateur le dit lui-même, ce souvenir le fait “frémir et rire tout la fois”. C'est non sans humour que la narrateur-adulte narre ce souvenir. Il confère une dimension burlesque à cette aventure : la dépense (la remise) est comparée ni plus ni moins au “jardin des Hespérides” (L. 5), jardin où Hercule dut affronter un dragon pour cueillir une pomme. Par ailleurs, le maître a pour rôle celui du dragon, caractéristique peu valorisante pour mieux se moquer de celui-ci. Ainsi le narrateur-adulte narre son souvenir avec la perspective suivante : pour l'enfant cette bêtise est une véritable aventure, comparable à une aventure épique. En effet, comme on l'a vu précédemment, il déploie une patience, un courage et une ingéniosité pour parvenir à ses fins, lui conférant une dimension héroïque. L'importance de l'aventure, un simple vol de pomme, est bien sûr dérisoire par rapport à l'importance qui lui est donné. Le narrateur-adulte renforce le burlesque en commentant les vaines tentatives de l'enfant avec force d'hyperboles : “ Qui dira ma douleur ?” (L.12) ou bien encore “Lecteur pitoyable, partagez mon affliction.” Ici le narrateur commente avec humour l'impatience et la rage enfantine face aux échecs, mais il met aussi en scène, en exagérant, l'identification qu'il cherche à obtenir de son lecteur. Les termes employés sont volontairement forts : douleur, affliction. L'apogée de cette analyse faite avec humour, est la suivante : “ La plume me tombe des mains” (L.28) où le narrateur-adulte interrompt littéralement le récit de son souvenir car la douleur qu'il a ressentie étant enfant est encore très vive chez l'adulte, qui met en scène sa douleur dans la temporalité de l'écriture et du souvenir en même temps. Toutefois il y a une véritable dimension tragique qui est également donnée à ce souvenir. Tout d'abord, l'enfant ne parvient pas à voler la pomme et c'est là, le premier échec. Mais l'arrivée du maître, comparé au dragon du jardin des Hespérides, est un véritable choc : “ j'étais prêt à piquer...Malheureusement le dragon ne dormait pas;” (L. 25-26). Les points de suspension marquent le suspense et la surprise du narrateur. L'action du maître est décrite en trois temps : “mon maître en sort, croise les bras et me dit ; “Courage!...” (L.25-26). Cette arrivée est mise en scène et révèle un aspect froid, calme et cruel du maître, qui apparaît redoutable. Le commentaire du narrateur : “La plume me tombe des mains” (L.28), prend une tonalité tragique quand on sait ce qui suit : “ Bientôt, à force d'essuyer de mauvais traitements,” (L.29). Ainsi, l'enfant semble avoir été battu à plusieurs reprises, ce qui semble à nos yeux disproportionné par rapport à la bêtise commise et au courage presque admirable que l'enfant y a mis. De plus la punition, qui semble être une répétition de mauvais traitements, est faite apparemment, d'après ce que nous en livre le narrateur adulte, sans dialogue ou explication de l'adulte qui apparaît dans une fonction uniquement répressive et non pas éducatrice. Ainsi, ce souvenir d'un simple vol de pomme raconté volontairement avec humour prend une tournure tragique et reste une expérience traumatisante pour le narrateur. Ce souvenir vécu étant enfant est analysé par le narrateur-adulte : c'est en effet une caractéristique du genre autobiographique. La remémoration est faite par l'adulte, qui l'analyse par un prisme de subjectivité. Le narrateur encadre son récit d'enfance de commentaires et d'analyses d'adulte : il présente son récit avec une visée annoncée : “rire/ frémir” (L. 1), ce qui oriente la lecture et le ressenti qu'en aura le lecteur. Le narrateur annonce l'issue tragique : “ qui me coûta cher”. Ainsi, le lecteur est mis au fait que ce souvenir est important, qu'il a des conséquences plutôt graves pour l'enfant et donc le narrateur-adulte. Le récit est parsemé de commentaires, qui prennent valeur d'analyse a posteriori: “Qui dira ma douleur ? ” (L 12). Ce commentaire peut se lire de deux façons : tout d'abord on peut en faire une première lecture qui est le commentaire humoristique du premier échec de l'enfant; ensuite une deuxième lecture, faite à la lumière de l'issue tragique, montre la souffrance et la douleur qu'a occasionné ce vol. Ce commentaire, “Qui dira ma douleur ?”, est une question oratoire, typique du lyrisme et qui renforce le côté mise en scène. Ces commentaires prennent alors une dimension argumentative et persuasive car ils orientent la visée du récit avec le but d'émouvoir le lecteur. Ils visent au processus d'identification du lecteur à l'égard du narrateur. De plus, comme on l'a déjà dit, le narrateur ressent un véritable attendrissement sur son courage face à l'adversité : “Que d'inventions ne mis-je point pour la tirer ! “ ( L. 13), là aussi la phrase exclamative renforce l'expressivité dans un but de persuasion. Le narrateur va jusqu'à mettre en scène cette persuasion, à savoir la compréhension du lecteur pour sa cause : “ Lecteur pitoyable, partagez mon affliction” (L.18), qui est un appel là aussi par anticipation : outre le commentaire ironique, c'est là encore implicitement une demande de pitié envers le lecteur. C'est toute l'ambiguïté du narrateur qui donne une note humoristique à son récit mais qui cherche à mettre le lecteur de son côté, avec une double lecture : humoristique d'une part et tragique d'autre part. A cette double lecture des commentaires et analyses s'ajoute une autre subjectivité : en effet le narrateur connote de manière positive ou négative certains termes : en effet le narrateur connote de façon positive les actions le désignant : “ très doucement” (L. 11)/ “A force d'adresse et de temps” (L.16), “je ne perdis point courage” ( L. 19), “tout aussi tranquillement” (L. 21). Ces termes donnent à l'enfant les qualités suivantes : patience, courage, ténacité. Par contre les termes désignant le maître sont négatifs : “ le dragon ne dormait pas” (L. 26). On peut rajouter que le caractère burlesque donné à cette aventure, à postriori également montre une distanciation de l'adulte par rapport au souvenir. Le dernier paragraphe lui aussi révèle la présence du narrateur-adulte qui analyse cet épisode. Ce paragraphe prend un tour argumentatif, comme nous l'analyserons plus tard : le narrateur argumente le fait que les mauvais traitements n'auront servi à rien. Si c'est une analyse d'adulte, analyse qu'un enfant aurait eu du mal à faire si lucidement, le narrateur laisse penser qu'en tant qu'enfant il l'avait pressenti de façon diffuse car cela a influencé directement sur sa vie d'enfant : Le narrateur l'atteste sous forme d'humour noir : “je me mis à voler plus tranquillement.”(L.36). “je me disais : “Qu'en arrivera-t-il enfin ? Je serai battu. Soit : je suis fait pour l'être.” On peut dors et déjà observer la structure logique de la phrase, organisé en trois temps suivant un rythme ternaire, révélant une volonté rhétorique de démonstration. Ce dernier commentaire est par ailleurs la situation finale du récit d'enfance que constitue “La chasse aux pommes”. A la fin du récit l'enfant est devenu un voleur... Dans cet extrait les temps verbaux révèlent aussi en creux cette subjectivité du narrateur-adulte : Le récit du souvenir proprement dit commence par les temps du récit coupés de la situation d'énonciation : c'est-à-dire que le récit est fait au passé et ne correspond pas au moment de l'énonciation. Les temps sont donc le passé simple pour les actions brèves, qui s'enchainent : “ je montai (L.5)/ j'allai (L.6)/ je l'allongeai (L.8) etc...L'imparfait, quant à lui, sert pour les actions de second plan : les descriptions : “elle était trop courte” (L.7), ou les actions qui durent : “ déjà la pomme touchait à la jalousie” (L.11). Par ailleurs les commentaires du narrateur sont faits au présent d'énonciation : ils correspondent au moment de l'écriture : “ Un souvenir qui me fait frémir...” (L.1) ou encore “la plume me tombent des mains” (L.28). Par contre un autre commentaire est fait au passé simple : “ Que d'inventions ne mis-je point en usage pour la tirer !” (L13). Ainsi ce commentaire au mis au même plan temporel que le récit, insérant un commentaire a posteriori. Une autre commentaire utilise le temps du futur : “Qui dira ma douleur ?” (L.12), ce temps a ici une valeur d'injonction quasi rhétorique. C'est une sorte de litote qui signifie en creux que sa douleur est si intense qu'elle est indicible. Il se produit, d'autre part à un moment donné un mélange de temps surprenant : “ Je ne perdis point courage (...) je craignais d'être surpris ; je renvoie au lendemain...” (L19-20) : il y a ici superposition de temps du récit coupé de l'énonciation : le passé simple et imparfait et le présent de narration qui peut lui aussi servir pour raconter des faits au passé. Le présent de narration a une valeur d'actualisation, c'est-à-dire qu'il rend vivant un récit de faits passés et permet une plus grande identification du lecteur. Ainsi se trouvent mélangés récit fait au passé simple et au présent de narration et commentaires faits au présent d'énonciation et faits aussi au passé simple... Cela a pour effet d'unififer la temporalité, d'amoindrir les frontières temporelles entre souvenir du passé et commentaire du présent, et d'amener une plein grande subjectivité du narrateur. Celui-ci montre par ce système de temps complexe sa lucidité en matière de remémoration et combien récit d'un souvenir et analyse du souvenir sont étroitement liés voire indissociables. ************************* Suite...non rédigée. Plan détaillé. III-Valeur exemplaire d'un souvenir d'enfance. 1-Vivacité d'un souvenir d'enfance : Rire/ frémir/ coûta cher subjectivité ds dernier § : ils me parurent/ je jugeais/ je trouvais apologue : récit à visée morale : singularité d'un exemple érigé en valeur exemplaire; généralisation. 2-Dimension socio-politique : Analyse mvs traitements : inutilité/ rôle uniquement répressif de l'adulte. Constat pessimiste. Fins qui justifie les moyens/ not° de responsabilité. (faute) Syllogisme/ sophisme : structure des phrases// rythme ternaire (rhétorique) Idée que déterminisme social : induit par adulte. Explicat° de l'oeuvre socio-pol de Rouss. : origine ds enfance. Conclus° : récit d'enfance : suspense mis en scène à plusieurs nivx : narrat°/ burlesque/ tragique /commentaires/connotat°/ tps verbx/ importance du souvenir : origine de la pensée socio-pol de Rousseau ds enfance. Ouverture : allus° à d'autres passages des Conf ou allus° à d'autres tx où un récit d'enfance prd une val déterminante pour l'auteur-narrateur.

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« façons : soit il encourage le narrateur à continuer son entreprise de vol, et ce, de façon ironique, soit il encourage le narrateur quiva endurer une réprimande physique.

Encouragement pour le moins cruel...Ainsi le lecteur qui s'est déjà identifié au narrateur-enfant en suivant pas à pas son vol, entreprise menée de façon ingénieuse, courageuse mais naïve, s'identifie d'autant plus aunarrateur que le maître nous apparaît sévère, ironique voire cruel. Ce récit plein de suspense est narré dans un double registre : burlesque et tragique :En effet, le narrateur le dit lui-même, ce souvenir le fait “frémir et rire tout la fois”.

C'est non sans humour que la narrateur-adultenarre ce souvenir.

Il confère une dimension burlesque à cette aventure : la dépense (la remise) est comparée ni plus ni moins au“jardin des Hespérides” (L.

5), jardin où Hercule dut affronter un dragon pour cueillir une pomme.

Par ailleurs, le maître a pourrôle celui du dragon, caractéristique peu valorisante pour mieux se moquer de celui-ci.

Ainsi le narrateur-adulte narre sonsouvenir avec la perspective suivante : pour l'enfant cette bêtise est une véritable aventure, comparable à une aventure épique.

Eneffet, comme on l'a vu précédemment, il déploie une patience, un courage et une ingéniosité pour parvenir à ses fins, lui conférantune dimension héroïque.

L'importance de l'aventure, un simple vol de pomme, est bien sûr dérisoire par rapport à l'importancequi lui est donné.

Le narrateur-adulte renforce le burlesque en commentant les vaines tentatives de l'enfant avec forced'hyperboles : “ Qui dira ma douleur ?” (L.12) ou bien encore “Lecteur pitoyable, partagez mon affliction.” Ici le narrateurcommente avec humour l'impatience et la rage enfantine face aux échecs, mais il met aussi en scène, en exagérant, l'identificationqu'il cherche à obtenir de son lecteur.

Les termes employés sont volontairement forts : douleur, affliction.

L'apogée de cetteanalyse faite avec humour, est la suivante : “ La plume me tombe des mains” (L.28) où le narrateur-adulte interrompt littéralementle récit de son souvenir car la douleur qu'il a ressentie étant enfant est encore très vive chez l'adulte, qui met en scène sa douleurdans la temporalité de l'écriture et du souvenir en même temps.Toutefois il y a une véritable dimension tragique qui est également donnée à ce souvenir.

Tout d'abord, l'enfant ne parvient pas àvoler la pomme et c'est là, le premier échec.

Mais l'arrivée du maître, comparé au dragon du jardin des Hespérides, est unvéritable choc : “ j'étais prêt à piquer...Malheureusement le dragon ne dormait pas;” (L.

25-26).

Les points de suspensionmarquent le suspense et la surprise du narrateur.

L'action du maître est décrite en trois temps : “mon maître en sort, croise lesbras et me dit ; “Courage!...” (L.25-26).

Cette arrivée est mise en scène et révèle un aspect froid, calme et cruel du maître, quiapparaît redoutable.

Le commentaire du narrateur : “La plume me tombe des mains” (L.28), prend une tonalité tragique quand onsait ce qui suit : “ Bientôt, à force d'essuyer de mauvais traitements,” (L.29).

Ainsi, l'enfant semble avoir été battu à plusieursreprises, ce qui semble à nos yeux disproportionné par rapport à la bêtise commise et au courage presque admirable que l'enfanty a mis.

De plus la punition, qui semble être une répétition de mauvais traitements, est faite apparemment, d'après ce que nous enlivre le narrateur adulte, sans dialogue ou explication de l'adulte qui apparaît dans une fonction uniquement répressive et non paséducatrice.Ainsi, ce souvenir d'un simple vol de pomme raconté volontairement avec humour prend une tournure tragique et reste uneexpérience traumatisante pour le narrateur. Ce souvenir vécu étant enfant est analysé par le narrateur-adulte :c'est en effet une caractéristique du genre autobiographique.

La remémoration est faite par l'adulte, qui l'analyse par un prisme desubjectivité.Le narrateur encadre son récit d'enfance de commentaires et d'analyses d'adulte : il présente son récit avec une visée annoncée :“rire/ frémir” (L.

1), ce qui oriente la lecture et le ressenti qu'en aura le lecteur.

Le narrateur annonce l'issue tragique : “ qui mecoûta cher”.

Ainsi, le lecteur est mis au fait que ce souvenir est important, qu'il a des conséquences plutôt graves pour l'enfant etdonc le narrateur-adulte.

Le récit est parsemé de commentaires, qui prennent valeur d'analyse a posteriori: “Qui dira ma douleur? ” (L 12).

Ce commentaire peut se lire de deux façons : tout d'abord on peut en faire une première lecture qui est lecommentaire humoristique du premier échec de l'enfant; ensuite une deuxième lecture, faite à la lumière de l'issue tragique, montrela souffrance et la douleur qu'a occasionné ce vol.

Ce commentaire, “Qui dira ma douleur ?”, est une question oratoire, typiquedu lyrisme et qui renforce le côté mise en scène.

Ces commentaires prennent alors une dimension argumentative et persuasive carils orientent la visée du récit avec le but d'émouvoir le lecteur.

Ils visent au processus d'identification du lecteur à l'égard dunarrateur.

De plus, comme on l'a déjà dit, le narrateur ressent un véritable attendrissement sur son courage face à l'adversité :“Que d'inventions ne mis-je point pour la tirer ! “ ( L.

13), là aussi la phrase exclamative renforce l'expressivité dans un but depersuasion.

Le narrateur va jusqu'à mettre en scène cette persuasion, à savoir la compréhension du lecteur pour sa cause : “Lecteur pitoyable, partagez mon affliction” (L.18), qui est un appel là aussi par anticipation : outre le commentaire ironique, c'estlà encore implicitement une demande de pitié envers le lecteur.

C'est toute l'ambiguïté du narrateur qui donne une notehumoristique à son récit mais qui cherche à mettre le lecteur de son côté, avec une double lecture : humoristique d'une part ettragique d'autre part.A cette double lecture des commentaires et analyses s'ajoute une autre subjectivité : en effet le narrateur connote de manière. »

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