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Choisit-on d'être moral ?

Publié le 11/03/2004

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Dès lors, il semble nécessaire que l'on puisse choisir d'être moral ou non, c'est-à-dire que l'homme soit libre. Aristote dit ainsi que l'homme méchant est responsable de ses actes, distinguant ainsi entre le non-volontaire et l'involontaire (Eth. Nic., III, 2). En effet, la vertu est une hexis (disposition à agir), qu'on acquiert par habitude, à force de bien agir (Eth. Nic., II, 1). Ainsi, on choisit d'être moral, pour Aristote, ou de ne pas l'être.   B/ Mais ne peut-on soutenir, au contraire, que l'homme ne peut pas choisir d'être moral ou non, dans la mesure où il serait prédéterminé par sa nature, bonne (Rousseau) ou mauvaise (Hobbes) ? Ainsi, pour le christianisme, et en particulier la tradition augustinienne présente chez Pascal, l'homme est irrémédiablement marqué par la Chute et le péché originel, et l'état de sa nature corrompue (Pensées, §182 éd.

« B/ Selon Sartre, l' « existence précède l'essence » ( L'existentialisme est un humanisme ), ce qui veut dire que l'homme détermine son être par l'existence qu'il choisit lui-même.

On revient ainsi, nonobstant la critique sartrienne de ladélibération volontaire, à la conception aristotélicienne selon laquelle l'hommechoisirait d'être moral, de le devenir, en agissant vertueusement.

L'individu,selon cette conception existentialiste, est toujours confronté à des situationsqui mettent en jeu son être même, où il est forcé d'effectuer un choixoriginaire, qui concerne son être même, ce que Sartre appelle « projet » (cf.L'être et le néant , Gallimard, 1976, pp.505-506). Une philosophie existentialiste se définit par le fait qu'elle pose l'existenceavant l'essence et de la sorte définit la condition humaine.

Les objetsmatériels dérivent d'un concept, répondent à une finalité — ce à quoi l'objetva servir — et à un ensemble de règles techniques.

Pour tout ustensile,l'essence précède l'existence, et son existence ne vaut que dans la mesureoù elle réalise l'essence, c'est-à-dire par rapport à l'idée qui a permis de laconcevoir et de la produire.

Dans la théologie traditionnelle, on voit en Dieuune sorte d'artisan supérieur qui a créé le monde et les hommes à partir d'uneidée, d'un projet.

Lorsque Dieu crée, il sait au préalable ce qu'il crée.

Chaqueindividu réalise un certain concept contenu dans l'entendement divin.

Au xviiiesiècle, au concept de Dieu a succédé le concept de nature humaine, chaque homme étant un exemplaire particulier d'un concept universel : l'Homme.

Du point de vue de l'idée ou de l'essence,c'est-à-dire dans le fond, tous les hommes sont semblables, quels que soient leur culture, leur époque ou leur statutsocial.

Pour l'existentialisme athée tel que l'a pensé Sartre, Dieu n'existe pas, il n'y a pas d'origine unique au monde,ni de référent suprême.

Il y a un donné d'origine : la réalité humaine, soit des individus qui d'abord existent avant dese définir par concepts.

On surgit dans le monde et l'on se pense ensuite.

Si l'homme est a priori indéfinissable, c'estqu'a priori il n'est rien tant qu'il ne s'est pas fait lui-même par un engagement dans le monde : "L'homme n'est riend'autre que ce qu'il se fait." C/ L'existentialisme défend donc une conception de l'homme fondée sur son autonomie par rapport à toute natureprédéterminée ou péché originel.

Il choisit donc d'être tout autant que d'agir.

Mais ne pourrait-on pas rétorquer queSartre surévalue la puissance de l'individu ? Si le choix d'être moral est lui-même un choix moral, puisqu'il met en jeula liberté, la morale n'est-elle pas dépendant du social ? Ne peut-on pas dire, par exemple, que le choix moral del'individu dépendra de son éducation, etc.

? Dès lors, peut-on dire qu'il choisit véritablement d'être moral, s'il n'a pasle pouvoir de déterminer les normes morales qui régissent son comportement ? Pour répondre à cette objection, onpourra dire que le choix d'être moral est toujours à la fois individuel et collectif, éthique et politique.

C'est ce quesemble affirmer Kant dans l'opuscule Qu'est-ce que les Lumières ? , liant ensemble action individuelle et collective : « Il est donc difficile à chaque homme pris individuellement de s'arracher à l'état de tutelle devenu pour ainsi direune nature (…) Mais qu'un public éclairé s'éclaire lui-même est plus probable… » (cf.

aussi commentaire de MichelFoucault, « Qu'est-ce que les Lumières ? » (1984, in Dits et écrits , n°339) Conclusion On ne peut donc véritablement choisir d'être moral tant que l'on considère que l'homme est doté d'une nature qui leprédétermine.

En effet, selon la position anthropologique adoptée, on dira, avec Rousseau, que l'homme estnécessairement moral, ou avec Hobbes qu'il est essentiellement mauvais.

Il faut renverser le rapport entre être etexistence, par exemple avec Sartre, pour pouvoir concevoir que l'essence de l'homme soit le fruit d'un choixautonome.

Néanmoins, ce choix n'est pas exclusivement individuel, puisque l'individu est toujours enserré dans uneculture, objet d'une éducation qui le façonne et qui lui impose un certain nombre de normes morales à respecter (ence sens, l'homme ne peut en aucun cas être amoral, au sens où il ne se positionnerait pas par rapport à la moralitéelle-même).

Il ne peut en effet qu'être simultanément individuel et collectif.

Dès lors, il s'agit d'un choix politiqueaussi bien que moral : il s'agit bien de prendre librement en main son destin, et de transformer les normes moralesqui nous régissent en vue de les perfectionner, rejetant ce qui semblait auparavant aller de soi comme parfaitementimmoral (par exemple, le racisme ou le sexisme).. »

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