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Le cinéma a-t-il changé l'essence de l'art ?

Publié le 27/02/2004

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L'art, à la différence de l'artisanat est une création originale qui est elle-même sa fin. L'objet d'art n'est pas un instrument pour une action donnée, un moyen d'arriver à une fin, il se donne lui-même pour lui-même, il s'apprécie, se contemple, s'éprouve à travers l'expérience esthétique. Les objets manufacturés que l'on utilise comme outils dans la vie de tous les jours, les publicités, les articles de journaux, les musiques d'attente téléphoniques, ne peuvent donc pas à se titre être considérées comme des oeuvres d'arts. L'oeuvre d'art à la particularité d'être une création originale, elle est unique, né du génie de l'artiste qui l'a conçue. L'art semble alors exiger un talent qui est à l'opposé de l'esprit d'imitation et qui ne peut être ramené à une simple technique, une mécanique, ou une virtuosité acquise par l'apprentissage. Pourquoi le cinéma est-il considéré comme un art (le 7ème art), puisqu'il est justement une mécanique qui repose sur la reproduction du réel à l'identique selon la technique photographique ? Le cinéma a-t-il changé l'essence de l'art ?

« - Le cinéma est révélation du réelLe cinéma ne donne pas une vision du monde, il est « langage du monde ».

Selon Raoul Ruiz ( Poétique du cinéma, vol.

1), il y a bien longtemps que les frères Lumière l'ont fait comprendre : le cinéma n'est pas une copie conformedu réel, il le révèle, le saisit sous un autre jour et fait entrevoir une autre dimension du monde.

Reprenant cettethéorie, l'auteur y apporte un éclairage nouveau en s'appuyant sur la notion d'« inconscient photographique »,inventée par Walter Benjamin.

Cette expression souligne l'existence d'un « ensemble de signes qui conspirent contrela lecture lisse de l'image en lui conférant une rugosité, une dimension d'étrangeté ou de suspicion ».

Cela signifieque l'image révélée sur la pellicule contient beaucoup plus de choses que la réalité dont elle est issue, par le simplefait qu'elle a été saisie, captée, et qu'elle est vue une seconde fois, par projection interposée.

On s'aperçoit eneffet seulement dans cette circonstance d'une infinité de détails qui nous échappent dans la réalité, et qui prennentune épaisseur considérable, et une autre forme d'existence, insoupçonnée jusqu'alors.

Et l'auteur le prouve parl'expérience : on fait instantanément la distinction entre une photographie filmée et une prise de vue où il n'y aaucun mouvement.

Même si l'objet filmé et la caméra sont immobiles, l'œil perçoit la présence du mouvement et les« signes involontaires » qui se logent dans un jeu où « la mobilité se mêle à la fixité ».

On peut dire avec Ruiz quel'essence de l'art, qui consiste à révéler le réel, est donc magnifiée par le cinéma.- Le cinéma nous donne l'accès à l'expérience esthétiqueLe cinéma nous procure une émotion esthétique forte.

Le cinéma ne change pas l'essence de l'art, car nous pouvonsavoir des émotions esthétiques tout aussi fortes, voire plus, devant un film qu'à l'écoute d'une symphonie ou à lacontemplation d'un tableau.

Le cinéma, parce qu'il utilise le matériaux même de la réalité à travers l'imagephotographique, est le plus à même de nous faire accéder à l'universel, condition sine qua non de l'expérience esthétique, pour Kant.

En effet, avoir un plaisir esthétique, c'est accéder à l'universalité du jugement, reconnaîtredans l'œuvre notre propre unité, l'harmonie de notre entendement et de notre imagination, et notre unité avec lemonde et avec autrui.

Le plaisir esthétique nous fait accéder à la pleine unité de notre être, en nous mettant encommunication directe avec nous-même comme avec l'ensemble de l'humanité.

Le cinéma à se titre franchit lesbarrières culturelles, et offre une possibilité d'indentification forte du spectateur à ce qu'il voit, puisqu'il est familierdu réel.

L'expérience cinématographique est spécialement immersive, on vit le film intensément, du fait du dispositifcinématographique, la salle obscure où nous sommes tenus immobiles les yeux rivés à l'écran, qui nous évite tousparasites pour le regard, le corps ou l'écoute qui nous détourneraient de l'œuvre.

On peut alors comprendre lecinéma comme un art nietzschéen par excellence, qui témoigne d'une volonté de puissance forte, du fait de sonemprise sur le spectateur.

Le cinéma est capable de « nous en mettre plein la vue », de stimuler nos passions, etd'accroître notre volonté de puissance.

Conclusion : On peut s'inquiéter du statut de l'art depuis l'apparition du cinéma, qui semble renoncer aux valeurs artistiquestraditionnelles qui donnent à l'art une dimension sacrée, et mettent en exergue son originalité et son inventivité.

Eneffet, le cinéma entre dans l'ère de la reproductibilité de l'œuvre, et s'inscrit de surcroît dans le champ dudivertissement et de l'industrie.

Mais que statut de l'art se modifie avec l'histoire, c'est le cours des choses, et lapreuve que l'essence de l'art s'inscrit toujours dans cette volonté d'atteindre le réel, de révéler la vérité, et de lacommuniquer aux hommes.

A ce titre, on comprend alors que l'essence de l'art n'est pas changée avec le cinéma, etque le cinéma n'est qu'un nouveau mode d'expression artistique, ni inférieur, ni supérieur aux autres arts.

Le filmcomme toute œuvre d'art reste toujours l'expression d'un génie artistique, d'une création originale, et la révélationd'un réel qu'il ne fait pas que reproduire, mais qu'il met véritablement au jour.. »

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