Devoir de Philosophie

Comment comprenez-vous cette pensée de Merleau-Ponty : « Le philosophe a inséparablement le goût de l'évidence et le sens de l'ambiguïté. » ?

Publié le 13/02/2004

Extrait du document

merleau
31). Cela ne signifie pas le retour pur et simple aux syllogismes de la scolastique, mais le déploiement d'arguments en forme, « par les arguments en forme, je n'entends pas seulement, dit Leibniz, cette manière scolastique d'argumenter dont on se sert dans les collèges, mais tout raisonnement qui conclut par la force de la forme de sorte que... même un compte bien dressé, un calcul d'algèbre, une analyse des infinitésimales me seront à peu près des arguments en forme, parce que leur forme de raisonner a été prédémontrée, en sorte qu'on est sûr de ne s'y point tromper » (Nouveaux Essais, Livre IV, chapitre XVII, § 4, p. 425). En somme ce que Leibniz reproche à Descartes c'est de s'être laissé éblouir par l'évidence. Sur le plan strictement mathématique, et non plus métaphysique, nous retrouvons une opposition analogue à celle de Descartes et Leibniz dans l'affrontement des thèses intuitionnistes et formalistes. Le représentant le plus célèbre de la théorie formaliste est sans doute l'allemand Hilbert (Fondements de la géométrie : 1899 et Fondements des Mathématiques : 1928). Alors que les paradoxes de la théorie des ensembles avaient en quelque sorte ébranlé l'édifice mathématique, le but de Hilbert fut le suivant : « Je voudrais restituer à la mathématique son ancienne réputation de vérité incontestable... La méthode que j'utilise à cet effet n'est autre que la méthode AXIOMATIQUE : Système dans lequel sont explicitées les propositions non démontrées et les termes non définis à partir desquels on construit par voie de déduction toutes les autres propositions d'une science logique ou mathématique. Le système des axiomes définissant une théorie mathématique doit être complet (nécessaire et suffisant) et consistant (non contradictoire).
merleau

« distinct, que celles proposées par Descartes » (Opuscules choisis, p.

31).

Cela ne signifie pas le retour pur et simple aux syllogismes de la scolastique, mais le déploiement d'arguments en forme,« par les arguments en forme, je n'entends pas seulement, dit Leibniz, cettemanière scolastique d'argumenter dont on se sert dans les collèges, mais toutraisonnement qui conclut par la force de la forme de sorte que...

même uncompte bien dressé, un calcul d'algèbre, une analyse des infinitésimales meseront à peu près des arguments en forme, parce que leur forme de raisonnera été prédémontrée, en sorte qu'on est sûr de ne s'y point tromper »(Nouveaux Essais, Livre IV, chapitre XVII, § 4, p.

425).

En somme ce queLeibniz reproche à Descartes c'est de s'être laissé éblouir par l'évidence.

Surle plan strictement mathématique, et non plus métaphysique, nous retrouvonsune opposition analogue à celle de Descartes et Leibniz dans l'affrontementdes thèses intuitionnistes et formalistes.

Le représentant le plus célèbre de lathéorie formaliste est sans doute l'allemand Hilbert (Fondements de lagéométrie : 1899 et Fondements des Mathématiques : 1928).

Alors que lesparadoxes de la théorie des ensembles avaient en quelque sorte ébranlél'édifice mathématique, le but de Hilbert fut le suivant : « Je voudrais restituerà la mathématique son ancienne réputation de vérité incontestable...

Laméthode que j'utilise à cet effet n'est autre que la méthode axiomatique ».

Il ne faut pas confondre le formalisme mathématique avec les procédésmécaniques du syllogisme.

Mais la doctrine des formalistes fut attaquée pardes mathématiciens pour lesquels il est par exemple impossible d'admettre lanon-contradiction comme critère de l'existence d'un être mathématique.

Pources intuitionnistes l'existence mathématique se définit plutôt comme possibilité de construction.

Une autrecaractéristique de l'intuitionnisme consiste dans le refus d'utiliser le principe du tiers exclu.

Très précisément,l'intuitionnisme considère que ce principe n'est pas universellement valide.

Rappelons que ce principe, tiré de lalogique classique, s'énonce comme suit : p v # p : il faut lire : p ou non-p.

Nous pouvons constater qu'en obligeantles mathématiciens formalistes à faire preuve d'une plus grande rigueur critique, les intuitionnistes, dont le chef defile est le néerlandais Jan Brouwer, firent faire de grands progrès aux théories formalistes et à la voie axiomatique.Nous voici semble-t-il bien loin de la- phrase de Merleau-Ponty.

Et pourtant ce long détour était nécessaire si l'onveut saisir le sens particulier que Merleau-Ponty donne au mot évidence.C'est plus à l'évidence husserlienne qu'à l'évidence cartésienne que pense Merleau-Ponty quand il écrit que lephilosophe a le « goût de l'évidence ».

L'évidence au sens de Husserl n'est ni la simple évidence psychologique, nil'évidence métaphysique de Descartes.

L'évidence psychologique n'est que sentiment.

« Ces prétendus sentimentsd'évidence ...sont simplement des sentiments forgés à coup de théories » (Idées I, p.

71).

Or ce qu'il faut faire,c'est au contraire s'en tenir aux phénomènes, et non sauter pour ainsi dire par-dessus.

Quant à Dieu qui garantissaitl'évidence métaphysique de Descartes, Husserl n'en a plus besoin.

L'évidence devient alors pour la philosophiephénoménologique « le, premier principe méthodique » (Méditations cartésiennes, p.

11).

L'évidence première estl'évidence apodictique.

Cette évidence est l'évidence par excellence, le principe qui doit guider les démarches duphilosophe.

L'évidence husserlienne n'est donc pas psychologique.

Mais ce n'est pas non plus l'évidencemétaphysique de Descartes, laquelle cherchait à saisir une vérité absolue, « une nature simple ».

L'évidence au sensde Husserl est d'extraction logique bien qu'elle ne se .

confonde pas avec l'évidence mathématique.

« L'évidence estun mode de conscience d'une distinction particulière.

En elle, une chose, un « état de chose », une généralité, unevaleur, etc., se présentent eux-mêmes, s'offrent et se donnent en personne » (Méditations cartésiennes, p.

48).Dès lors l'évidence n'est plus seulement un principe méthodique, elle devient l'objet même de la recherchephénoménologique.L'évidence dont parle Merleau-Ponty vient de l'évidence au sens de Husserl Il y a cependant chez Merleau-Ponty une certaine réticence à assumer comme Husserl l'idéalisme (c'est enl'occurrence un idéalisme transcendantal) qu'apparaît lié à l'évidence, quandbien même serait- elle phénoménologique.

Le goût de l'évidence appartient enpropre au philosophe « car philosopher, c'est chercher, c'est impliquer qu'il y ades choses à voir et à dire » (Éloge de la philosophie, p.

49).

En vérité lephilosophe est presque voué à l'évidence, et c'est parce que sa démarche estdémarche vers la vérité qu'il rencontre l'ambiguïté.

Ce que Merleau-Pontyappelle ici «le sens de l'ambiguïté », nous pourrions le rapprocher du sens desnuances qui, disait Husserl, est d'une importance primordiale en philosophie(cf.

Méditations cartésiennes, p.

27).

L'ambiguïté ne doit pas en effet êtresubie passivement car alors, « elle s'appelle' équivoque » (Éloge de laphilosophie, p.

10).

Ce qu'il faut bien comprendre c'est que le philosophe nedoit ni subir l'ambiguïté ni surtout tenter de la fuir.

L'ambiguïté n'est pas endehors de nous, en dehors du monde, elle est présente dans le monde commeen chacun de nous.

L'homme tout d'une pièce, si toutefois l'on peut enconcevoir un, est l'homme du non-sens, l'homme de la non-pensée.

Avoir ainsile sens de l'ambiguïté, ne serait-ce d'abord que pour distinguer commeMerleau-Ponty « une mauvaise (l'équivoque) et une bonne ambiguïté » (Élogede la philosophie, p.

10) n'est nullement une faiblesse du philosophe, voireune contradiction avec son goût inévitable pour l'évidence.

C'est au contrairela force même de la philosophie.

Si « la philosophie boîte...

la claudication duphilosophe est sa vertu » (pp.

67, 68 et 71).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles