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Comment expliquez-vous le désir de "remonter aux origines" ?

Publié le 27/07/2005

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Cette particularité consiste en ceci qui ni le connaissant ni le connu ne sont « présents » ontiquement[2], mais au contraire historiquement, c'est à dire qu'ils ont pour mode d'être l'historicité. Si nous ne faisons de l'histoire que parce que nous sommes nous-mêmes des êtres historiques, cela veut dire que l'historicité du Dasein[3] humain, dans toute sa mobilité, celle du souvenir et de de l'oubli, est la condition de tout rappel de ce qui est passé. [...] Si l'appartenance est une condition du sens originaire de l'intérêt historique, ce n'est pas parce que le choix des termes et le champ d'interrogation seraient soumis à des motivations subjectives et extra-scientifiques (l'appartenance ne serait alors qu'un cas spécial de dépendance émotive de l'ordre de la sympathie), mais parce que l'appartenance à des traditions relève aussi originairement et essentiellement de la finitude historique du Dasein que son être-projeté vers des possibilités futures de son être. »   Gadamer présente ici le sens de son concept d'appartenance. Il énonce avec lui un principe universel de compréhension pour les êtres de l'histoire. En insistant sur le fait que l'historicité est leur mode d'être, il veut souligner que tout connaissance dans l'histoire est aussi une connaissance déterminée par l'histoire. Aussi, comprendre un phénomène, une idée ou une expression (c'est l'exemple du texte) c'est comprendre en eux quelque chose de soi-même. L'appartenance est la marque de la finitude historique signifie que, dans l'histoire, la vérité et, plus généralement, le sens, ne peuvent apparaître que dans le faisceau de l'appartenance. Celle-ci est appartenance à une langue, à une histoire, à des traditions, etc.

         Expliquer signifie en général mettre en évidence les causes d'un phénomène, par opposition au comprendre, qui en cherche le sens ou les raisons. Cependant, l'orientation du sujet permet d'avoir une compréhension élargie du terme expliquer : tout d'abord, le sujet s'adresse à l'élève en personne, « comment expliquez-vous «, par opposition à une adresse anonyme, par exemple « comment peut s'expliquer «. C'est donc, au sens large, des raisons que nous pourrons rechercher, mais aussi, bien entendu, des causes : le choix entre causes et raisons est déjà un moment de la réponse à la question. Prenons un bref exemple pour bien mettre en lumière cette différence : si je demande à quelqu'un pourquoi il pleure, il peut me répondre de deux manières: qu'il est triste, tout d'abord, ce qui est une raison de pleurer, mais aussi que ses glandes lacrymales sont entré dans tel ou tel processus biochimique qui a produit ses larmes. Dans ce dernier cas, il me donne la véritable cause de ses larmes.

         Ce qu'il s'agit d'expliquer est un désir. Qui est le sujet de ce désir? Le sujet de la dissertation ne le précise pas; il nous incombe donc de définir les sujets possibles d'un désir de remonter aux origines. Quel est, d'autre part, l'objet de ce désir? La formulation du sujet est, sur ce point aussi, très vague : de quelles origines s'agit-il : de celles du sujet du désir? De celles d'un groupe plus vaste auquel celui-ci appartiendrait? Sous quel angle, faut-il, de plus, comprendre ce terme d'origine : ontologique, biologique, historique, culturel? Que signifie, enfin, le terme « remonter « appliqué aux origines? Il ne s'agit pas, remarquons-le, d'un retour à l'origine. Le verbe a ici un sens figuré, qui semble plutôt concerner des facultés de connaissance ou de contemplation, mais dont le sens pourra évoluer au cours de la dissertation.

         Ainsi, un caractère fondamental du sujet de la dissertation est son ambiguïté, dû à la polysémie de chaque terme, et à leur tour imagé. Cette ambiguïté doit être mise à profit, d'autant plus que, nous l'avons vu, le sujet s'adresse à l'élève et non à un « on « général ou à un entendement séparé. Comment expliquer un phénomène quand son expression est si équivoque? Il faut montrer dans quelle mesure les différents sens possibles peuvent être articulés, c'est-à-dire aussi unifiés. Le fondement du questionnement devra être le rapport de l'étant[1] à l'origine. Une direction nous est donnée pour interroger ce rapport, un lieu auprès duquel l'interroger : le désir. Nous allons donc être amenés à définir différentes figures du désir, qui éclaireront le rapport de diverses régions de l'étant à l'origine. Le travail d'articulation et d'unification de la polysémie consistera ainsi, concrètement, à en évaluer le sens, l'intérêt, et la primauté relatives, c'est-à-dire à l'ordonner. « Comment expliquez-vous...? « doit donc se comprendre ainsi : « Comment ordonnez-vous et unifiez-vous l'ensemble des désirs de remonter à l'origine? «

         Passons à l'analyse de l'expression « remonter aux origines «. Que signifie le verbe remonter? Il désigne l'acte de parcourir en sens inverse un chemin (au sens propre ou figuré) déjà parcouru. Attention : remonter n'est pas retourner. Un retour à l'origine est la re-création, la ré-actualisation de l'origine, sa seconde incarnation dans l'histoire. Au contraire, « remonter à l'origine « désigne un processus cognitif, déductif; remonter à l'origine, c'est la rendre à toute sa vérité, c'est redécouvrir sa pureté originaire

Le désir est l'expression consciente d'un manque : par le désir on espère de posséder un quelque chose que l'on n'a pas. Ainsi, le désir de remonter aux origines désigne celui de retrouver l'origine et sa vérité, c'est-à-dire depuis un point du temps où le souvenir ou l'authenticité de celle-ci a été perdu. En d'autres termes, un tel désir manifeste le recouvrement, l'opacité de l'origine pour le sujet même du désir. Comment expliquer ce désir? Il a en effet quelque chose de paradoxal : il révèle, pour le sujet du désir, un certain primat de l'origine sur le présent, ou sur le futur. Or, certes, c'est l'origine qui rend le présent possible : mais d'elle au présent, c'est toute l'histoire qui s'écoule. Remonter à l'origine, est-ce comprendre l'histoire et suivre sa marche depuis l'origine, ou est-ce au contraire l'oublier pour saisir ce qui la surplomberait depuis toujours? Ainsi, en dernière instance, ce que le sujet nous invite à expliquer est le rapport de l'origine à ce qui lui succède, l'action du temps sur la vérité de l'origine, et la présence de l'origine, dans le temps, à ce qu'elle a engendré. Si ces rapports n'expliquent pas que l'on désire retourner aux origines, il faudra chercher quelle illusion sur l'origine peut susciter un tel désir.

 

« « Vos années ne vont ni ne viennent, ainsi que les nôtres vont et viennent, afin de se pouvoir toutes accomplir.

Vosannées demeurent toutes ensemble dans une stabilité immuable, parce qu'elles sont stables et permanentes, sansque celles qui passent soient chassées par celles qui leur succèdent, parce qu'elles ne passent point; mais lesnôtres ne seront entièrement accomplies que lorsqu'elles se seront toutes écoulées.

Vos années ne sont qu'un jour;et votre jour n'est pas tous les jours, mais aujourd'hui, parce que votre jour présent ne fait point place à celui dulendemain, et ne succède point à celui d'hier; et ce jour présent dont je parle est l'éternité.

Ainsi, vous avezengendré dans une éternité égale à la vôtre celui auquel vous avez dit : « Je vous ai engendré aujourd'hui.

» Vousavez donc fait tous les temps par votre puissance; vous précédez tous les temps par votre éternité; et il n'y a pointeu de temps dans lequel on ait pu dire : « Il n'y avait point de temps.

» Saint Augustin montre dans ce texte l'absolue transcendance de l'éternité divine par rapport au temps.

Il avanceainsi une pensée de l'origine, qu'il distingue du commencement.

Cette distinction s'affirme ici à propos du temps,mais il est possible d'étendre la structure de l'argument à tout être dans le temps.

Le commencement n'est pas horsdu temps, mais bel et bien temps moment du temps.

Le commencement d'un être n'est pas hors de son histoire, ellene la précède pas, mais est, au contraire, déjà son histoire.

L'origine, elle, doit être plus qu'un simple début.

Elleprécède le temps lui-même, c'est-à-dire qu'elle est, à chaque instant, au-dessus du temps.

L'origine d'un êtretranscende chaque instant du temps de cet être, puisqu'elle précède le temps comme tel lui-même.

A la pensée ducommencement inscrite dans l'horizontalité du temps, s'oppose la verticalité transcendante de l'origine. Transition Nous avons dégagé une primauté de l'origine dans sa présence continuelle à son objet.

L'origine en exprime ainsi la profonde vérité, une vérité antérieure à toute vérité temporelle ou historique.

Nous pouvons doncavancer une première explication du désir de « remonter aux origines » : un tel désir s'enquiert de la véritéantérieure au temps, de la vérité non distendue et voilée par le temps.

Un tel désir doit donc s'enraciner dans uneexpérience obscure : tout à la fois celle de l'inadéquation à son origine, et celle du retrait de l'origine, de sonvoilement.

Remonter aux origines, c'est d'abord chercher la connaissance de ce qu'elles sont.

Comment cetteexpérience d'inadéquation est-elle possible, lors même qu'elle suppose le voilement de l'origine? Nous retrouvons, enposant cette question, la présence éternelle de l'origine à ce dont elle est l'origine, au-dessus du temps : c'est lemode de cette présence qu'il nous faut maintenant comprendre.

Enfin, dans le mesure où cette origine doit êtrel'objet d'un désir possible, c'est plus précisément la présence de son origine à un sujet que nous devrons expliciter. II L'individu et ses origines Hans-Georg GADAMER Vérité et méthode « Comprendre une expression après tout, ce n'est pas seulement saisir immédiatement ce qui s'y trouve, mais endécouvrir aussi l'intériorité cachée, si bien que l'on en vient aussi à connaître ce qu'elle cache.

Mais cela veut direque l'on s'y connaît soi-même.[...] « Tout ce qui importe, bien sûr, c'est de comprendre cette déclaration souvent répétée [selon laquelle c'estl'identité du connu et du connaissant qui rend la connaissance possible] Elle ne signifie pas une simple homogénéitédu connaissant et du connu, sur laquelle on pourrait fonder la particularité de la transposition psychique quiconstituerait la méthode des sciences de l'esprit.

En vérité, l'appropriation de tout connaissant à ce qui est connune se fonde pas sur le fait qu'ils ont le même mode d'être; elle reçoit plutôt son sens de la particularité du moded'être qui est commun aux deux.

Cette particularité consiste en ceci qui ni le connaissant ni le connu ne sont« présents » ontiquement [2], mais au contraire historiquement, c'est à dire qu'ils ont pour mode d'être l'historicité. Si nous ne faisons de l'histoire que parce que nous sommes nous-mêmes des êtres historiques, cela veut dire quel'historicité du Dasein [3] humain, dans toute sa mobilité, celle du souvenir et de de l'oubli, est la condition de tout rappel de ce qui est passé.

[...] Si l'appartenance est une condition du sens originaire de l'intérêt historique, cen'est pas parce que le choix des termes et le champ d'interrogation seraient soumis à des motivations subjectives etextra-scientifiques (l'appartenance ne serait alors qu'un cas spécial de dépendance émotive de l'ordre de lasympathie), mais parce que l'appartenance à des traditions relève aussi originairement et essentiellement de lafinitude historique du Dasein que son être-projeté vers des possibilités futures de son être.

» Gadamer présente ici le sens de son concept d'appartenance.

Il énonce avec lui un principe universel decompréhension pour les êtres de l'histoire.

En insistant sur le fait que l'historicité est leur mode d'être, il veutsouligner que tout connaissance dans l'histoire est aussi une connaissance déterminée par l'histoire.

Aussi,comprendre un phénomène, une idée ou une expression (c'est l'exemple du texte) c'est comprendre en eux quelquechose de soi-même.

L'appartenance est la marque de la finitude historique signifie que, dans l'histoire, la vérité et,plus généralement, le sens, ne peuvent apparaître que dans le faisceau de l'appartenance.

Celle-ci estappartenance à une langue, à une histoire, à des traditions, etc...

Réciproquement, l'histoire apparaît comme lasuccession déterminante de la venue au monde des Dasein humains dans des appartenances. Transition Nous avons fait apparaître une origine radicale de l'individu en tant que tel, c'est-à-dire en tant que particulier et historique : son appartenance.

Sans cesse au dessus du temps, celle-ci détermine sa compréhension,son partage du sens et du non-sens, et ultimement, sa compréhension de lui-même.

L'appartenance définit l'origine.Remonter à l'origine devient alors le geste par lequel on purifie sa compréhension du sens et son évaluation de lavérité.

Le désir de remonter aux origines est ainsi défini comme désir d'acceptation de sa propre finitude historique.

Mais un tel désir est paradoxal : si l'origine nous détermine dans l'histoire, et détermine notre compréhension, quechangerait une acceptation de cette finitude? La détermination n'en serait pas moins forte.

Le désir de remonter auxorigines peut-il donc se ramener au désir d'avoir une connaissance objective de soi?. »

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