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Commentaire d'un extrait du chapitre XX du Notaire du Havre (1933) de Georges Duhamel (de ''L'acte de décès d'Aurélie'' à ''il faut qu'elle dorme un peu'')

Publié le 29/06/2012

Extrait du document

Cependant, Raymond Pasquier semble dévoiler son vrai visage, bien différent  du père de famille décrit au début du roman : à la fois père et sixième enfant de la  famille. En effet, l’ordre lancé par sa femme, « Parle plus bas. «, fait suite à son « c’est  fini ! « de soulagement. Il s’agit d’un homme à la fois naïf et spontané qui se fait ici  rabrouer à la manière de Joseph au début du roman : « un homme de coeur ne parle pas  d’héritage devant un cercueil «, p. 33. Son manque de réalisme et de pragmatisme est  souligné par son ignorance : « […] cela fait treize mille deux cent francs que nous aurons  devant nous « ; l’expression montre assez comment son illusion sur l’héritage  l’empêche de réaliser la gravité de la situation. La proposition « que nous aurons devant  nous « indique qu’il préfère se réjouir même devant l’évidence d’un verdict  catastrophique pour le foyer.

« L'héritage reçu fait vite place à la déception.

Les créances diverses, exposéespar le narrateur, diminuent la somme de moitié : il s'agira d'analyser, dès lors, lesconséquences morales de l'héritage dans la famille Pasquier. Ainsi, la réception de l'héritage n'est pas sans atteindre le caractère dechacun, précisément celui de Lucie-Eléonore et Raymond.

Pour la première, laréception de l'héritage joue un rôle capital.

Pour le second, il semble que le portraitbrossé par le narrateur au début du roman soit infirmé.En effet, la réalité de l'héritage n'est pas sans révéler la force de caractère deLucie-Eléonore qui semble diriger l'administration familiale : « elle donnait àl'arithmétique toutes les minutes que lui laissait les soucis de la maison ».

Lucie-Eléonore est detous les fronts : aussi bien celui des travaux domestiques que des travaux financiers.Contrairement au portrait de la mère Pasquier dressé au début du roman, « mamann'était pas abattue » : cette phrase simple et courte souligne la déterminationqu'engendre la réception décevante de l'héritage ; détermination visible avec l'emploide la phrase « Elle ne disait plus : « Mon Dieu, j'ai la tête perdue ».

» qui dénote unchangement radicale d'attitude que souligne la tournure négative.

Ce changementtransparait également à travers la posture physique : « Elle avait la tête haute, l'oeillimpide, la bouche serrée.

».

La juxtaposition permet ici de dresser un tableau subtil de lanouvelle Lucie-Eléonore : la « tête haute », comme le fait que « Maman se dressa »dénotent sa fierté dans l'épreuve ; « l'oeil limpide » symbolise sa clairvoyance et sa« bouche serrée » l'expression de sa détermination.

Cette mère de famille ne manquepas d'afficher sa nouvelle attitude, notamment envers son mari qu'elle semble àprésent dominer, contrairement à l'incipit du roman, que l'impératif met en exergue :« Ecoute bien, Raymond ».

Désormais, le surnom « Ram » fait ici place à « Raymond »comme pour signifier une forme d'égalité revendiquée, presque comme un défi.

Cedébut de prise de parole indique le ton de la suite, solennel et directif, théâtralmême : Lucie-Eléonore mentionne le nom de son mari, comme pour lui affirmerqu'elle prend possession du pouvoir exclusif de décision : « Ecoute bien, Raymond » ;« qu'il ne s'avise pas, Raymond » ; « je ne veux plus, Raymond » ou encore « je t'affirme ».

Latournure négative « ne…pas », le subjonctif présent à valeur d'ordre « qu'il ne s'avisepas » indique ici son intransigeante que l'emploi du « je » ainsi que des verbes « veux »ou « affirme » renforcent considérablement.

Ce ton sérieux et directif devientvolontiers menaçant, et l'attitude de la nouvelle matriarche devient frontale :l'expression « j'irai le voir » ou « qu'il ne s'avise pas » au sujet de M.

Ruaux souligne savolonté, identique à celle de son mari au chapitre précédent, d'en découdre avec lepropriétaire.

Prenant le pouvoir, toujours avec pour objectif de maintenir l'ordremoral - « Parle plus bas.

Le cercueil n'est pas fermé » - Lucie-Eléonore renverse à elle seulela distribution des rôles au sein de la famille.Cependant, Raymond Pasquier semble dévoiler son vrai visage, bien différentdu père de famille décrit au début du roman : à la fois père et sixième enfant de lafamille.

En effet, l'ordre lancé par sa femme, « Parle plus bas.

», fait suite à son « c'estfini ! » de soulagement.

Il s'agit d'un homme à la fois naïf et spontané qui se fait icirabrouer à la manière de Joseph au début du roman : « un homme de coeur ne parle pasd'héritage devant un cercueil », p.

33.

Son manque de réalisme et de pragmatisme estsouligné par son ignorance : « […] cela fait treize mille deux cent francs que nous auronsdevant nous » ; l'expression montre assez comment son illusion sur l'héritagel'empêche de réaliser la gravité de la situation.

La proposition « que nous aurons devantnous » indique qu'il préfère se réjouir même devant l'évidence d'un verdictcatastrophique pour le foyer.

Ce manque de clairvoyance s'accompagne d'uneattitude révélatrice de son inefficacité, comme « il leva les bras au ciel ».

Il s'agit d'unpersonnage peu rassurant : « il commençait d'oublier cet emprunt aux courtois », souligneassez bien la perte de son autorité face à la prise de pouvoir de sa femme.

D'abord,Raymond Pasquier est subordonné par son attitude faisant suite à la longuedéclaration de sa femme : « papa relevait les yeux » ; ensuite par la reconnaissanceexclamative de la parole légitime de son épouse : « Et quelle leçon, ma femme ».

Cetableau dépréciatif de Raymond Pasquier s'accompagne d'emportements inutiles,volontiers théâtraux, contre les créanciers : « […] de ces aigrefins, de ces prêteurs, de cesvoleurs, de ces Incandas, de ces hommes de loi ! Jamais ! C'est fini.

C'est fini.

» La gradationascendante révèle ici une suite d'indignations bien vides face à l'efficacité de sonépouse.

La superficialité du père de famille se dévoile ainsi à ses enfants, assezgrands pour comprendre que le « c'est fini » de leur père n'a guère un caractèrevérace : « […] bien assez grands pour savoir que les planètes soupirent, peut-être, dans les espacesdu ciel : « C'est fini » et qu'elles tournent quand même ».

Cette métaphore des planètessouligne ici le manque de sérieux de Raymond qui ne dupe personne : selon lenarrateur, porte-parole de ses frères, la nature de leur père semblera toujours avoirraison de ses bonnes résolutions. Conclusion :Ainsi à travers l'évocation de la réception de l'héritage, Laurent nous introduitau coeur de la famille Pasquier au moment de faire les comptes.

L'exposé que dresseLaurent de l'état des finances, permet au lecteur de comprendre clairement les causesresponsables de la réduction de la somme espérée : dans l'obligation d'attendre afinpercevoir la totalité de l'héritage, les Pasquier vont devoir composer avec verdict queleur impose la lettre du Havre.

Par conséquent, cette réception n'est pas sansconséquences sur l'organisation de la famille : déterminée, Lucie-Eléonore impose denouvelles conditions pour la suite de la vie familiale.

Quant à Raymond, son époux,il révèle son vrai visage, notamment par son inconscience.Dès lors ce passage, selon l'expression de Lucie-Eléonore « Je ne veux pluscompter que sur nous », fait écho à l'expression de Duhamel inscrite au frontispice deson oeuvre : « Miracle de son oeuvre ».

Il s'agira donc, pour les Pasquier, d'entreprendre. »

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