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La connaissance commune est-elle une véritable connaissance ?

Publié le 21/09/2005

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Chercher à savoir si la connaissance commune est une « véritable « connaissance n’est pas exactement la même chose que se demander si cette connaissance est « vraie «, c’est-à-dire si elle est en adéquation avec la réalité, conforme à l’ordre des choses. L’adjectif « véritable « renvoie moins à la distinction entre vrai et faux qu’à la recherche de critères, qui permettent de reconnaître une connaissance véritable, de la distinguer d’une autre qui ne serait qu’un semblant de connaissance, une opinion non prouvée, un préjugé. En d’autres termes, sera dite véritable une connaissance qui satisfait un certain nombre de critères : exigences de méthode, d’objectivité, d’universalité, etc.

La connaissance commune semble avoir pour caractéristique d’être « communément admise «, cad partagée par un ensemble de gens qui ne la remettent pas ou plus en question. Une telle connaissance paraît sûre et véritable car justement elle est soutenue par une communauté de personnes. Il semble qu’elle ne dépende pas de la subjectivité, toujours particulière, d’un seul individu, et donc qu’elle soit « objective « (cad conforme à l’objet qu’elle appréhende).

Mais est-il suffisant, pour une connaissance, d’être commune pour être objective ? Est-ce parce que tout le monde l’admet qu’elle nous permet véritablement de « connaître «, c’est-à-dire de décrire, définir, analyser et maîtriser son objet ? En outre, la connaissance commune, étant admise, est de ce fait acquise de manière purement passive (par ouï-dire, par exemple) : or une connaissance, pour être véritable, ne doit-elle pas être activement construite, prouvée, vérifiée ou du moins vérifiable ?

Le problème est donc le suivant : La connaissance commune se présente comme étant admise de manière immédiate et passive, sans être mise en doute. C’est précisément cette absence de doute qu’il faut interroger : la connaissance commune peut-elle satisfaire aux exigences d’objectivité et de vérifiabilité de toute véritable connaissance ?

 

« commune ; elle n'admet pas ce qu'elle voit, mais cherche à voir au-delà. - De la même façon, mais dans l'ordre de la science, c'est en admettant pas immédiatement que le Soleil tournait autour de la Terre (connaissance commune au XVIème siècle) que Copernic a pu découvrir etaffirmer ce qu'on reconnaît aujourd'hui comme une connaissance véritable : c'est la Terre qui est en orbiteautour du Soleil.

Ici, la connaissance se construit , et elle le fait contre la connaissance commune, par des hypothèses, des expériences, des recherches et des calculs.

La connaissance commune est alors à l'opposéde la connaissance véritable, elle lui fait obstacle (l'ouvrage principal de Copernic, De la révolution des planètes , a longtemps été décrié, censuré et démenti, notamment par l'autorité religieuse qui l'a mis à l'Index).

Bachelard, dans La Formation de l'Esprit Scientifique , montre, à travers un exemple, cette opposition de l'opinion commune et de la connaissance scientifique :nous voyons le soleil comme une petite sphère dans le ciel, mais ils'agit en réalité d'une sphère immense, qui ne nous apparaît petite queparce qu'elle est très éloignée de nous.

La vérité va contre ce quinous paraît le plus évident, et c'est pourquoi nous avons tendance àrésister, à faire obstacle, à ne pas admettre la vérité : il est bien plusfacile d'admettre ce que tout le monde voit et pense.

Bachelard vaplus loin : même au sein de la communauté scientifique, on rencontrece type d'obstacle « épistémologique » : lorsqu'une communauté desavants a admis certaines connaissances, elle refuse souventd'admettre tout ce qui peut la remettre en question, de peur que nes'écroule l'édifice de toutes leurs certitudes.Ainsi, une connaissance, pour être véritable, doit avant toutbouleverser, faire trembler nos certitudes, afin de voir si celles-cirésistent à l'épreuve des expériences, des calculs.

A l'inverse de laconnaissance commune qui ne se remet pas en question et qui faitobstacle à la vérité, la connaissance doit, dans sa démarche, toutinterroger, et se construire méthodiquement pour découvrir la véritécachée sous les apparences.

« Connaissance » commune etconnaissance véritable s'opposent comme le préjugé s'oppose à lascience, comme la passivité s'oppose à l'activité. III .

Une opposition radicale? - A ce point du raisonnement, l'opposition est forte, et la connaissance commune, non seulement n'est pas une véritable connaissance, mais lui fait obstacle.

Mais ne peut-on nuancer cette opposition ? On peuttenter de le faire de deux façons. - On peut d'abord dire que la connaissance commune reflète notre premier rapport aux choses : le feu brûle, le soleil est petit.

Elle exprime la façon dont notre corps est affecté par les choses extérieures, et enceci, elle est une connaissance véritable.

C'est ce qu'affirme Spinoza, dans l' Ethique , lorsqu'il définit la « connaissance du premier genre » : lorsque je vois le soleil, mon corps forme une image du soleil qui en faitune petite sphère.

La connaissance que j'ai du soleil, d'après cette image qui s'est formée en moi, n'est pas« adéquate », car elle est construite à partir de ce que je « reçois », passivement, comme image.

Mais ellereflète néanmoins quelque chose de véritable : le soleil m'apparaît véritablement ainsi ! Et la connaissanceadéquate du soleil (savoir qu'il est très volumineux et très éloigné) ne changera pas la manière dont le soleilm'apparaît.

Cette image, bien que ne rendant pas compte adéquatement du soleil, rend bien compte de maposition par rapport à lui ; en ceci, la connaissance qui en dérive est porteuse d'une véritable information.Ici, la connaissance du premier genre, « connaissance commune », n'est plus en rupture avec uneconnaissance qui serait la seule véritable : elle aussi est en un sens véritable. - On peut encore défendre la connaissance commune, si on la définit non plus comme ce qui est. »

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