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Connaissance empirique & connaissance expérimentale ?

Publié le 26/03/2004

Extrait du document

Cette expérience, d'ailleurs, loin d'être strictement personnelle, comportait surtout des traditions plus ou moins secrètes que les membres de la secte se transmettaient, des recettes dont la magie n'était pas absente. Aussi LITTRÉ peut-il définir l' « empirique » : « un homme qui traite les maladies par des remèdes secrets, et sans aucune notion scientifique du corps et de ses maladies ». A la médecine empirique s'oppose la médecine expérimentale dont Claude BERNARD a fixé la méthode et pour laquelle le levier du progrès consiste dans l'expérimentation. Mais comme l'expérimentation en médecine est limitée par le respect dû à l'homme et que, par ailleurs, il faudrait être médecin pour donner des exemples convenables, nous nous adresserons à un autre domaine du savoir : l'agronomie. Le paysan qui, après son école primaire, n'a appris son métier que par le travail de ses terres, a des connaissances agricoles, tout comme l'ingénieur agronome qui dirige les services agricoles du département. Mais il y a des différences fort sensibles entre les connaissances de l'un et celles de l'autre. II. Ressemblances. - Relevons d'abord ce que présentent de commun le savoir empirique du paysan et le savoir expérimental de l'ingénieur agronome. Les adjectifs « empirique » et « expérimental » ont la même étymologie : tous deux dérivent du grec qui signifie : épreuve, expérience, essai.

« III.

Différences.

— Malgré cette ressemblance fondamentale, la connaissance empirique diffère essentiellement de la connaissance expérimentale. A.

Elle en diffère d'abord par son origine, c'est-à-dire par la façon dont elle s'acquiert.Il n'y a rien de systématique, de méthodique, ni même d'intentionnel, dans l'activité par laquelle s'acquiert le savoirempirique.

Pourquoi le cultivateur sait-il que le blé ne réussit pas dans sa région ou dans tel de ses champs, quetelle espèce de pommes de terre est préférable ? Parce que les gens de son pays, ses ascendants ou lui-même ontconstaté que le blé n'avait d'ordinaire qu'un rendement médiocre, qu'avec une variété particulière de pommes deterre, on obtenait habituellement une excellente récolte.

Jamais le paysan qui en est au stade empirique n'a seméun sillon pour voir le résultat, pour s'instruire : il ne sème que pour récolter.Au contraire, dans les champs d'expérience d'une école d'agriculture, les semis ont pour but essentiel, non pas larécolte, mais le savoir : les maîtres désirent connaître la valeur d'une semence ou d'un engrais et surtout apprendreà leurs élèves comment s'acquiert le savoir.En somme, le paysan qui se contente des procédés empiriques de culture peut bien acquérir, en observant et enréfléchissant sur ce qu'il a observé, une véritable expérience; à proprement parler, il ne fait pas d'expériences.

Neméritent le titre d'expérience que les essais ayant pour but le savoir. B.

Orientée vers le savoir, l'activité d'où résulte la connaissance expérimentale procède avec une méthode quimanque totalement dans celle par laquelle on parvient à la connaissance empirique.

Tout y est organisé en vue de laconnaissance à acquérir, de l'erreur à éviter.Les expériences — ou plutôt les activités - d'où résulte la connaissance empirique n'ont qu'une valeur médiocre, carelles sont effectuées dans des conditions par trop différentes pour que la comparaison des résultats soit probante :une année, par exemple, le printemps fut pluvieux et l'année suivante extrêmement sec; l'hiver est tantôt doux ettantôt rigoureux, etc.

Au contraire, les expériences instituées dans les établissements d'instruction agricole seconforment, plus ou moins explicitement, aux règles établies par BACON et par Stuart MILL dans le but de necomparer que des résultats obtenus dans les mêmes circonstances, sauf une seule, celle-là précisément dont ils'agit de déterminer l'influence.

Ainsi on prendra une terre homogène et, le même jour, on sèmera plusieurs sillons dela même variété de froment, le premier avec du fumier de cheval, le second avec du fumier de bovins, les suivantsavec des engrais chimiques mélangés suivant des proportions diverses.

Entre les sillons, il n'y aura qu'une différence: le genre de fumure.

Par la méthode de différence, de ressemblance et de variations concomitantes entre le modede fumure et la quantité de blé récolté, il sera facile de déterminer le moyen d'obtenir de bonnes récoltes. C.

Par suite de la méthode qui a présidé à son acquisition, la connaissance expérimentale a une beaucoup plusgrande valeur que la connaissance empirique.

Elle est d'abord plus certaine, la connaissance empirique pouvant êtresoupçonnée d'être mêlée de traditions fondées sur quelques faits exceptionnels.

La certitude qu'elle donne est plusrigoureuse : l'empirisme le plus éclairé ne peut prétendre qu'à la généralité, c'est-à-dire prévoir ce qui se passe dansle plus grand nombre de cas; la connaissance expérimentale, au contraire, atteint l'universalité, déterminant des loisqui régissent tous les cas sans exception.Elle est ensuite plus profonde, aboutissant à la découverte des causes, tandis que la connaissance empirique neparvient pas à distinguer clairement parmi les circonstances celles qui sont essentielles à la production duphénomène désiré.Enfin, il n'y a de précision que dans la connaissance expérimentale, qui seule permet des rapports quantitatifs.

Austade empirique, on peut savoir qu'un fait déterminé est conditionné par tel antécédent, que la chaleur, parexemple, est nécessaire à la germination du blé et à la maturation, mais on ne saura pas à quel degré il germe etcombien de calories exige sa maturation, connaissances qui sont du domaine de la science expérimentale. CONCLUSION.

— La supériorité de la connaissance expérimentale doit donc nous inciter à la substituer de plus en plus à la connaissance empirique dont se contentent encore nombre de techniciens ou d'hommes cultivés, quisemblent avoir fait des études pour passer des examens ou des concours et non pour mieux s'acquitter de leurtâche professionnelle.

Dans le domaine de l'éducation, en particulier, dans celui de l'organisation du travail humain,presque tout reste encore à faire pour remplacer l'empirisme par la connaissance expérimentale, qui, jusqu'ici, n'està peu près reine que dans le traitement industriel de la matière brute.Il n'est sans doute pas certain que la connaissance expérimentale puisse un jour remplacer complètement laconnaissance empirique : il est, surtout dans le domaine humain, des faits complexes qu'il sera bien difficile demettre en formules rigoureuses et pendant longtemps encore, sinon toujours, on appréciera le savoir-faire, les toursde main, le tact, le flair que ne remplaceront pas le savoir appris dans les livres et dans les laboratoires.

Lasubstitution de la connaissance expérimentale à la connaissance empirique n'en constitue pas moins un progrès, carseule la pratique de l'expérimentation donne aux idées que nous pouvons avoir sur la nature un caractèrescientifique.. »

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